Je n’avais pas pris de nouvelles de Vincenzo Natali depuis Splice (2009), excepté un épisode de Luke Cage en 2016. Le réalisateur de Cube, Cypher, Nothing ou encore Haunter revient avec l’adaptation d’une nouvelle signée Stephen King et Joe Hill datant de 2012. Dès les premières images, on retrouve le talent visuel caractéristique du réalisateur américain, et cette production Netflix brille par son aspect graphique très travaillé. Les plans de toute beauté courant sur les immensités herbeuses, entrecoupées par une simple bande d’asphalte… La visualisation de cette nature inquiétante avec cette dominante verte qui claque la rétine… Les gros plans sur des détails, comme les yeux, ou une goutte d’eau sur le point de tomber… On sent l’approche très sensorielle qui anime Natali, et il la partage réellement avec le spectateur, parvenant à l’impliquer dans cet étrange récit se déroulant en un lieu unique.
Une marque de fabrique pour Natali depuis Cube, qui se plaît à explorer les interactions de groupe pris au piège dans un endroit déroutant. Ici, on se retrouve en extérieur, en pleine nature, mais le concept est similaire à celui de Cube : il s’agit de trouver l’issue à ce labyrinthe cauchemardesque! Il y a également une filiation évidente avec une nouvelle de Stephen King, Les Enfants du Maïs, publiée en 1977 et parue en France dans le recueil Danse Macabre. King et son fils Joe Hill troquent les champs de maïs du Nebraska pour les hautes herbes du Kansas, mais le principe n’est pas si éloigné. Cette nouvelle constituait un des meilleurs moments de ce recueil, par contre je n’ai pas lu In the tall Grass.
Cal et Becky traversent le pays, et s’arrêtent aux abords d’une église perdue au beau milieu de nulle part. Lorsqu’ils entendent l’appel de détresse d’un jeune garçon qui semble perdu dans les immensités herbeuses, ils s’engouffrent dans ce qui va être un coin de nature inextricable et labyrinthique… Ils vont rapidement se rendre compte qu’ils ne parviennent plus à retrouver la route, et que tous leurs repères sont chamboulés en ce lieu. Cal et Becky se retrouvent séparés, mais restent à portée de voix. Pourtant, ils n’arrivent pas à se rejoindre, comme s’ils se déplaçaient constamment, même lorsqu’ils restent immobiles… On pense évidemment à Cube et à la disposition de ce piège infernal, et Vincenzo Natali parvient à créer une atmosphère angoissante à ciel ouvert! La beauté des lieux, revêtant des couleurs somptueuses et une intensité intemporelle, en fait un endroit réellement atypique et une très belle proposition dans le domaine fantastique.
Vincenzo Natali va jouer sur les sensations de chaleur et d’oppression, va porter son attention sur les sons de la nature, comme ce bruissement dans les hautes herbes ou les gouttes de pluie tombant délicatement sur le sol, et il va nous emmener dans son trip cauchemardesque avec beaucoup de soin. Si Midsommar bénéficiait lui aussi d’une très belle patte graphique, Dans les hautes Herbes s’avère plus prenant en étant à la fois très réussi visuellement, mais aussi plus intéressant dans son écriture. Midsommar était beau mais entretenait une certaine distanciation avec le spectateur, tandis que Natali nous embarque plus profondément dans son trip… Il n’est cependant pas exempt de quelques scories scénaristiques, avec notamment un passage en mode un peu grand-guignol, mais l’ensemble reste assez intriguant pour que l’on soit absorbé par cette immense végétation.
Laysla De Oliveira, aperçue notamment dans The Gifted, joue une Becky paumée qui va se retrouvée encore plus perdue une fois qu’elle sera entrée dans ces herbes. Avery Whitted en est à son 2ème film, et on peut compter sur la présence de Patrick Wilson, une figure qui devient incontournable dans le genre, pour apporter une présence intéressante à l’ensemble, même si son rôle présente quelques fausses notes. C’est lui qui joue Ed Warren dans la saga Conjuring ou Josh Lambert dans la saga Insidious. Et le jeune Will Buie Jr., qui jouait dans l’excellent Mary, s’avère vraiment bon dans le rôle du petit garçon perdu. Dans les hautes Herbes est avant tout un film sensitif, que Vincenzo Natali traite comme tel, avant de se perdre légèrement dans une phase explicative. Mais le tout est assez bien mené pour constituer une belle proposition originale, avec quelques envolées cauchemardesques, comme une évocation infernale assez impressionnante et que n’aurait certainement pas reniée Dante! Le film glisse vers un terrain de plus en plus glauque, et il le fait avec un sens du rythme certain, et toujours un regard très travaillé.
Dans l’univers très codifié des films horrifiques, il offre quelque chose de subtilement différent, et sans être un chef-d’oeuvre, se pose comme une très belle alternative!