David Benioff et D.B. Weiss auront réussi à fédérer un public massif au fil des ans, entre ceux qui ont plongé dès 2011 dans les intrigues foisonnantes de cette série de fantasy, et ceux qui s’y sont raccrochés d’année en année. Lancée en 2011 sur HBO, ce show adaptant le roman Le Trône de Fer (A Song of Ice and Fire en version originale) de George R. R. Martin est rapidement devenu culte, et constitue aujourd’hui une oeuvre indispensable dans l’histoire des séries, au même titre que Twin Peaks ou Breaking Bad. On pourra toutefois trouver une belle filiation avec une autre série mythique et pourtant moins connue, l’excellente Rome, qui tiens, était déjà proposée par HBO en 2005! On y trouvait déjà l’efficacité narrative, le soin très particulier de la mise en scène, la violence crue et le sexe tout aussi cru qui nous ont été offerts dans Game of Thrones. Rome avait malheureusement dû arrêter sa production après sa seconde saison, l’incendie des studios de Cinecittà mettant un terme à l’aventure…
Game of Thrones aura eu la chance de perdurer sur 9 années (et 8 saisons, avec une pause d’un an entre les saisons 7 et 8), ce qui aura permis de développer une galerie conséquente de personnages complexes et ambigus, laissant le spectateur s’attacher à eux ou les haïr, mais avec toujours le risque de les voir disparaître à n’importe quel moment… Car ce qui a fait le succès de ce show, c’est en tout premier lieu sa propension à massacrer sans tenir compte de l’importance du personnage à l’écran! Quand on a des acteurs principaux qui se font tuer sans que l’on s’y attende, ça change la donne, et on se dit que personne n’est à l’abri… 24 Heures Chrono avait été précurseur dans ce principe d’éradication, puisqu’elle nous offrait déjà des trépas importants dès 2001… Tout le monde se souvient de Ned Stark, et ce choc aura cimenté GOT en lui donnant un impact extrêmement profond et violent! On pourrait faire une équivalence en comics, avec l’épisode 122 de The Amazing Spider-Man, et le destin funeste d’une certaine Gwen Stacy…
Game of Thrones aura connu des heures difficiles lors des saisons 5 et 6, peinant à conserver un rythme cohérent et captivant (il faut dire que la série était un peu en roue libre au début de la 6ème, George R. R. Martin n’ayant pas encore écrit la suite de son roman-fleuve à ce moment-là). Le show prenait donc de l’avance, mais optait pour un surplace désagréable qui amoindrissait l’impact de ce qui avait été mis en place au préalable. Mais avec le regain d’ingéniosité de la saison 7, on retrouvait une réelle motivation et une vraie audace de la part des auteurs. Et cette saison 8 se devait de conclure tout cela en beauté (ce qui signifie en vrai carnage!).
Le problème avec une série qui devient culte alors qu’elle est encore en production, c’est que la moindre ligne de dialogue, le moindre événement, le moindre changement dans la personnalité des protagonistes sont épiés, disséqués, analysés jusqu’à plus soif. C’est cette analyse extrême qui enlève toute sa saveur à une oeuvre, et il serait bien plus enviable de simplement apprécier en tant que spectateur le spectacle qui nous est proposé. Il est en effet avisé de donner son avis, mais de là à s’ériger comme juge en déclarant qu’il aurait mieux valu que tel personnage n’agisse surtout pas comme cela, c’est un peu exagéré… Une oeuvre, qu’elle soit cinématographique, musicale, littéraire ou autre, appartient à ses auteurs, qui nous proposent leur point de vue. A nous de nous le recevoir en pleine face, d’y adhérer ou non, mais d’accepter ce qui est donné comme une proposition qui restera évidemment figée à tout jamais. Il y aura toujours des déçus, des intrigues qu’on aurait aimé voir développées, des personnages qu’on aurait aimé voir sauvés, mais tout cet engouement est au final représentatif de l’aura de cette série, et de la marque indélébile qu’elle laissera dans l’histoire de la télévision. Il y aura toujours des réactions excessives, comme cette pétition pour refaire l’intégralité de la saison 8… Mais au final, cela prouve encore une fois l’impact médiatique et socio-culturel de Game of Thrones. Et ça dénote en même temps une certaine incapacité à se détacher d’un média qui aura pris tellement d’ampleur ces dernières années…
Benioff et Weiss ont donc choisi d’achever leur saga en 6 épisodes, et le résultat est excellent! J’ai trouvé cette saison 8 brillante, tant d’un point de vue narratif que visuel, et je suis pleinement satisfait d’arriver au bout de cette longue quête. Durant 9 ans, tout était encore de l’ordre du possible, toutes les sous-intrigues menant à cette ultime confrontation, et les chemins se sont resserrés au fil des épisodes pour mener à une seule fin, bien évidemment. Chaque fan aurait eu sa préférence, beaucoup auraient choisi un dénouement différent, mais encore une fois, nous sommes face à un choix unique, celui de David Benioff et D.B. Weiss. Ils ont tranchés, et nous ont offert une conclusion que je trouve épique, dense et intense émotionnellement. Après des années passées avec tout ces personnages, il est toujours difficile de faire des adieux, mais ceux de Benioff et Weiss (qui co-réalisent le dernier épisode) sont somptueux! Il y a effectivement une blockbusterisation de la série, mais cela n’est pas fait au détriment de l’intrigue. Et même s’il y a quelques approximations narratives (Arya en mode ninja!), cela n’enlève en rien la patine impressionnante qui habille ce show. Le choix de démarrer cette saison en douceur le temps de 2 épisodes est excellent, car il permet de se refamiliariser avec les protagonistes, tout en mettant en place une tension sourde préparant les violences à venir. Et pour ma part, le seul gros défaut de cette saison, c’est ce fameux épisode 3 trooooop sombre!!! Une bataille entièrement de nuit, dans laquelle on ne parvient presque pas à distinguer ce qui se passe!!! Et qu’on ne vienne pas nous dire que c’est un problème de réglage du téléviseur, je regarde la série sur le même écran depuis des années! ^^
On retrouve donc les personnages qui ont survécu aux saisons précédentes, et on va les voir embrasser leur destin, funeste pour les uns, plus heureux pour les autres, mais toujours captivant. Jon Snow s’est allié à Daenerys, qui veut faire tomber Cersei… Mais il faudra auparavant mettre un terme à la menace du Roi de la Nuit et de ses zombies! Toutes les intrigues convergent et vont enfin trouver leur conclusion, et le travail d’écriture est impressionnant pour lier tout cela le temps de 6 épisodes! Il y a une excellente fluidité narrative, et un sens aiguisé du dialogue, qui fonctionne parfois à l’économie, ou qui tourne parfois à la joute verbale! Tyrion Lannister est à ce titre le personnage le plus marquant du show, usant de sa diatribe pour parvenir à convaincre et à retourner des situations extrêmement délicates! Peter Dinklage lui confère une aura énorme, et en fait un personnage qui restera mythique dans l’histoire de la télévision! Jon Snow traverse cette saison de manière plus transparente, mais n’en demeure pas moins important. Emilia Clarke poursuit son envol avec la figure quasi-divine de Daenerys, la mère des dragons, et en fait également un personne d’une grande complexité. Et autour de ces personnages majeurs, se greffent de nombreuses figures tout aussi importantes à leur échelle, notamment Arya, personnifiée par une Maisie Williams surmotivée!
Il y a une réelle ampleur dans ce qui est proposé cette saison, avec des morceaux de bravoure très impressionnants! Quand on se retrouve face à une relecture du drame de Pompéï, c’est visuellement choquant, atroce et beau à la fois! Quand on a un personnage abattu devant ses yeux, ça choque toujours autant bien que l’on ait pris l’habitude du bodycount de ce show, et c’est là la réussite de Benioff, Weiss et de tout leur staff : parvenir à insuffler de l’émotion dans une trame qui aurait pu simplement se contenter de devenir un blockbuster sans âme. C’était le danger qui guettait lors des saisons 5 et 6, et qui aura été corrigé dans la 7. Cette saison finale sera parvenu à garder ce cap émotionnel, nous offrant une conclusion d’une très grande richesse, et marquant ainsi définitivement une page dans le monde des séries. Game of Thrones aura été puissante, violente, dense, émotive et sublime!!!