Depuis 2011, Charlie Brooker nous livre des récits sombres nous renvoyant à nos propres addictions aux outils modernes de communication, et il le fait souvent avec brio et originalité. Mais l’an passé, on sentait que la machine commençait à gripper, avec une saison 4 qui s’avérait moins captivante que les précédentes. Et surtout, on sentait une propension à faire du glauque pour le glauque, ce qui n’est pas forcément la meilleure idée… Et voici qu’avant de voir débarquer la saison 5, Netflix lâche cet épisode Black Mirror : Bandersnatch, qui se veut encore une fois un sacré coup de pied dans la fourmilière, avec cette fois un concept bien innovant : le spectateur participe à l’évolution du récit!!! C’est David Slade (30 Jours de Nuit) qui réalise.
Un épisode interactif pensé par le génial Charlie Brooker? Ca a de quoi attiser la curiosité et je me suis rapidement penché sur l’objet en question, pour aller en explorer quelques recoins sombres. Déjà, le récit prend place dans les années 80, quand un jeune programmeur de jeux vidéos adapte un roman pour en faire une oeuvre révolutionnaire, qui permettra au joueur d’interagir de manière novatrice. Cet épisode est basé sur un jeu vidéo qui devait réellement être conçu à l’époque mais qui avait été annulé lorsque la société Imagine Software avait coulé… L’adaptation des années 80 est faite avec beaucoup de soin (en même temps depuis San Junipero on sait qu’ils maîtrisent toutes les époques!), et ce bond en arrière pour assister à une révolution en marche bien rétro est plutôt amusant.
Niveau casting, on a Fionn Whitehead dans le rôle principal de Stefan Butler, le concepteur de Bandersnatch. Il tenait le rôle principal de Dunkerque, et assure plutôt bien dans ce rôle d’un homme qui va rapidement être dépassé par les événements. On a Will Poulter, aperçu dans Le Labyrinthe, The Revenant et Le Labyrinthe : le Remède mortel, qui là encore assure plutôt bien dans le rôle d’un jeune génie en informatique, concepteur renommé de nombreux jeux vidéos. Mais si le casting et la recréation des années 80 fonctionnent, la particularité interactive du show ne va finalement pas être aussi ludique que ce qu’elle aurait pu être… On se marre au début en choisissant les céréales du p’tit dèj (j’ai pris les Frosties!), en sélectionnant la cassette à mettre dans le walk-man, mais on est finalement très guidé dans nos choix, et on reste sur un axe principal très balisé.
Et le gros problème de cet épisode, c’est qu’il perpétue ce qui a été mis en branle dans la saison précédente, à savoir une volonté évidente de taper dans le glauque, tout simplement. Donc on va avoir droit au fur et à mesure à des choix bien glauques, à une atmosphère morbide à souhait, et honnêtement je trouve ça tellement gratuit… Ca ne fait même pas avancer le récit, et ça annihile tout le coté ludique du procédé interactif de cet épisode. Là où la série nous avait habitué à des fulgurances narratives et une critique très intelligente de nos rapports aux outils de communication, on sent un laisser-aller évident et une simple envie de masquer tout ça en offrant quelque chose de choquant. Sauf que l’intelligence de la série commence à sérieusement se diluer dans cette imagerie trash (Crocodile, Black Museum…), alors que couplée à un vrai propos et une vraie progression scénaristique, cela permettrait d’offrir un produit autrement plus qualitatif…
En l’état, on a un Black Mirror : Bandersnatch qui fait au mieux office de curiosité, avec sa narration interactive, mais cela ne fait que masquer la vacuité de l’ensemble. C’est simple, après un premier essai, je n’ai eu aucune envie de retester…