Après Le Fléau et Marche ou crève (ce dernier étant écrit sous le pseudo de Richard Bachman, les lecteurs ne se doutaient pas qu’il s’agissait d’un bouquin du même auteur), Stephen King nous livre Dead Zone, un récit passionnant centré sur la vie étrange de John Smith. Sous ce nom passe-partout, se cache un être qui pourrait bien être la clé de la survie de l’Amérique… Victime d’un grave accident, John Smith va développer des aptitudes de précognition impressionnantes, et ce don, qu’il considère comme une malédiction, va l’entraîner dans une spirale de violence malgré lui…
On sent que King aime son personnage, même s’il est prêt à lui faire subir des situations terribles. Sa caractérisation de Johnny permet de rapidement s’attacher à lui, et de saisir une personnalité engageante et intrigante. King commence par nous balancer une très belle histoire d’amour, qu’il construit avec un mélange de réalisme et une certaine dose de naïveté héritée de l’adolescence, lui donnant une vraie consistance. John et Sarah se rencontrent, se cherchent, passent de très bons moments ensemble, et semblent construire tranquillement un futur radieux. Mais un terrible événement va se produire, et va les éloigner pendant longtemps.
John est en effet victime d’un accident de la route qui va le laisser dans le coma pendant plus de 4 ans. Sarah a refait sa vie, le monde a changé, et le Mal semble sur le point de dévorer l’Amérique… Avec une attention toute particulière, King va nous faire suivre les étapes de la reconstruction de John, dont le corps et l’esprit ont été meurtris, et qui doit réapprendre à vivre. En même temps que cette réadaptation, John va tenter de comprendre comment fonctionnent les visions qu’il développe, et qui lui permettent d’avertir les gens du danger. Il va rapidement être catalogué comme médium, et va attirer toute une foule de journalistes avides de sensations. Pris entre ses difficultés physiques et cette médiatisation qu’il n’a pas demandée, il va avoir du mal à lutter…
Mais ce don/malédiction va pourtant être nécessaire, et lorsque le shérif de Castle Rock en vient à lui demander son aide sur une affaire de meurtres, il va se sentir forcé d’accepter. King nous offre un personnage possédant des pouvoirs et qui ne sait pas comment les gérer, qui y voit davantage une contrainte qu’une aubaine. Ce pouvoir va en effet le mettre dans des situations difficiles, car en traquant un tueur en série, il va ressentir les émotions du meurtrier, agissant comme une caisse de résonance qui dévoilerait les sensations du tueur. Son enquête va s’avérer éprouvante, et pourtant nécessaire.
La qualité de ce roman tient au fait que King reste constamment aux côtés de Smith, écrivant comme s’il souhaitait le soutenir constamment dans ses épreuves. La religion tient encore une fois une grande place dans un roman de l’auteur, la mère de John Smith étant une fervente croyante (un peu moins illuminée que la mère de Carrie, mais pas si éloignée!), et expliquant à son fils que Dieu a une mission pour lui. Evidemment, John ne voit pas les choses de cette manière, mais au fur et à mesure qu’il exerce ses « talents », il se rend compte qu’il y a peut-être une explication qui le dépasse… Il va découvrir qu’un homme politique risque bien de faire basculer l’Amérique du côté obscur, et il va se retrouver obligé d’agir afin de le contrer, alors que ce candidat aux élections plaît à tous.
Avec Dead Zone, Stephen King donne une réponse à une question fondamentale et qui à priori n’a pas de réponse possible : si vous aviez la possibilité de remonter dans le temps pour tuer Hitler, le feriez-vous? Ici, c’est l’homme politique Greg Stillson qui apparaît comme un nouvel Hitler, mais personne ne s’en rend compte à part John. Est-il prêt à aller jusqu’au bout afin de l’éliminer avant qu’il ne puisse nuire à tous? Ce récit s’avère très prenant, et même si l’on aurait aimé en découvrir davantage sur les pouvoirs de John, on se retrouve pris dans cette histoire que l’on suit avec un grand intérêt. Un homme capable de prévenir l’avenir rien qu’en vous touchant, ça a de quoi faire flipper, mais on ne peut s’empêcher d’avoir envie d’écouter ses prédictions! A plusieurs reprises, John va tenter d’alerter ses proches d’un danger imminent, et chacun va réagir de manière différente… Mais le pouvoir s’avère réel, et que l’on y croit ou non, il va bien falloir se rendre à l’évidence…
Dead Zone est un excellent roman, qui se termine probablement un peu trop rapidement, mais qui suit un personnage captivant pris dans une existence qu’il n’a pas demandée. Tout ce qu’il souhaiterait, c’est une petite vie paisible et loin de la foule, mais son talent ne le lui permet pas. Ses retrouvailles avec Sarah s’avèrent très touchantes, et là encore, King nous prouve qu’il est à l’aise dans le domaine du récit amoureux, dévoilant les sensations de ces 2 êtres qui ont été séparés par l’existence et qui semblent toujours liés… John Smith est une sorte de figure tragique mue par les événements, et qui se bat davantage contre lui-même que contre les autres. Une très belle réussite du King! David Cronenberg avait adapté cet écrit au cinéma en 1983, avec Christopher Walken dans le rôle de Smith, et une série télé avait également été diffusée de 2002 à 2007, avec Anthony Michael Hall qui jouait Smith.