C’est en février 1974 que Frank Castle, alias le Punisher, fait sa toute première apparition. Il est la création de Gerry Conway, Ross Andru et John Romita, Sr., et a été engagé par le Chacal pour éliminer Spider-Man. Ca se passe dans The Amazing Spider-Man 129, et on découvre alors un anti-héros qui va marquer les lecteurs, et qui reviendra à plusieurs reprises dans la série du Monte-en-l’air, ainsi que dans celle de Daredevil. Il y a 2 sources d’inspiration derrière la création de ce personnage de justicier qui n’a rien à perdre: Mack Bolan, alias l’Exécuteur, héros d’une série de 600 romans (!!!), dont le 1er est paru en 1969, et Paul Kersey, le père de famille qui réclame vengeance dans l’excellent Un Justicier dans la Ville (1974). Frank Castle a vu sa famille décimée par des mafieux alors qu’il passait l’après-midi dans un parc, et depuis ce jour, il n’a de cesse de traquer les responsables et les autres criminels.
Le personnage avait déjà eu droit à plusieurs adaptations cinématographiques: en 1989, c’est un Dolph Lundgren aux cheveux teints en noir qui interprète le justicier, dans un Punisher signé Mark Goldblatt qui s’avère plutôt bon; en 2004, Jonathan Hensleigh foire complètement son The Punisher, et Thomas Jane dans le rôle-titre est sacrément risible… En 2008, c’est la réalisatrice Lexi Alexander qui s’y colle, avec Ray Stevenson dans le rôle, et à part 3 scènes, il n’y a pas grand-chose à tirer de ce The Punisher: Zone de Guerre… Il faut dire que le bad guy Puzzle est sacrément risible aussi… Après son ratage de 2004, Thomas Jane relève franchement le niveau en 2012 avec le surprenant The Punisher: Dirty Laundry, un fan film signé Phil Joanou, et qui s’avérait jusqu’à récemment être la meilleure transposition du personnage.
Mais ça, c’était avant 2016 et la réappropriation hallucinante du personnage par Jon Bernthal, dans la seconde saison de la série Daredevil! Bernthal EST le Punisher, et il maîtrise sa psychologie, sa rage et ses faiblesses avec une empathie et une crédibilité juste incroyables, nous offrant dès lors l’un des héros les plus aboutis de la maison Marvel! C’est simple, il vole la vedette à Matt Murdock et nous convie aux scènes les plus violentes et bad-ass de la série! Les fans ont apprécié, et la côte de popularité du personnage a rapidement fait qu’une série dédiée soit mise en chantier. C’est aujourd’hui chose faite, et les 13 épisodes diffusés sur Netflix nous montrent qu’après les événements de Daredevil, Castle a encore du travail pour remonter la piste des responsables de la mort de sa famille…
C’est Steve Lightfoot qui a été placé en tant que showrunner, lui qui a été scénariste et producteur sur Hannibal et Narcos, entre autres. On sent qu’il apprécie le côté sombre et torturé du personnage, et il le traite avec beaucoup de respect dans cette nouvelle série. On a quelques éléments très intéressants au niveau du scénario, avec la participation de 3 femmes aux scripts de différents épisodes, ce qui est à la fois étonnant et bienvenu dans la retranscription des aventures de cet homme seul et en croisade. Il faut dire aussi que les personnages féminins ont une importance fondamentale dans les séries Marvel/Netflix, comme on peut le voir à chaque transposition des aventures de ces héros de papier. Amber Rose Revah (Marie-Madeleine dans Son of God, Indian Summers) campe une agent de la Sécurité Intérieure farouche et déterminée, qui va devoir déterminer si Castle est une menace ou un allié. Jaime Ray Newman (Veronica Mars, Bates Motel) joue la femme de Micro avec beaucoup de sensibilité, et on a droit à plusieurs apparitions de Karen Page, transfuge de la série Daredevil, incarnée par la touchante Deborah Ann Woll.
Côté messieurs, on a un casting relativement solide aussi, avec Ebon Moss-Bachrach (Damages, The last Ship) qui joue un Micro nerveux et qui tente de garder le contrôle alors que sa vie part en vrille, et la relation tendue entre lui et Castle s’avère très bien traitée. Ben Barnes (le Prince Caspian dans la saga du Monde de Narnia, Westworld) campe Billy Russo avec un mélange de séduction et de force qui lui donne une belle complexité. Paul Schulze (Ryan Chappelle dans 24 Heures Chrono, je me disais bien que sa tête me disait quelque chose!!!) joue un directeur des forces spéciales qui a connu Castle alors qu’il était en Afghanistan. La série de Steve Lightfoot était très attendue, et après avoir illuminé la saison 2 de Daredevil, il fallait voir si le Punisher en avait encore dans le ventre, alors, c’est le cas?
Ces 13 épisodes vont nous plonger dans une enquête sur une opération spéciale menée à l’époque en Afghanistan, et dans laquelle Frank Castle était impliqué. L’agent Dinah Madani va tout faire pour comprendre pourquoi son ancien allié Ahmad Zubair a été torturé et tué par le gouvernement américain, alors qu’il était un policier afghan et non un terroriste. Les 2 premiers épisodes nous présentent un Castle revenu à la clandestinité alors que tout le monde le croit mort, et qui après avoir décimé de nombreux ennemis, tente de mener une vie normale. Mais les vieux démons ne sont jamais loin, et la rage qui bout en lui va de nouveau trouver un moyen de s’exprimer… On retrouve le Punisher violent et implacable de la série Daredevil, avec des affrontements bien sanglants. Puis il faut bien avouer que ça se calme quand même pas mal pendant de nombreux épisodes… Non pas que l’histoire ne soit pas prenante, mais pour une série centrée sur le Punisher, ça se barre un peu trop dans des intrigues secondaires, ce qui atténue la portée du personnage. Là où les scénaristes nous présentaient un Frank Castle de manière très frontale dans Daredevil, il nous apparaît dilué dans sa propre série… On en profite toutefois pour explorer une autre part du personnage, au gré des interactions qu’il a avec les différents protagonistes. Mais on aurait apprécié qu’il soit plus punchy, ce qui redevient le cas dans les 3 dernier épisodes, renouant avec le côté totalement bad-ass du personnage! On a alors droit à une véritable explosion de violence, dans laquelle Castle retrouve toute sa brutalité légendaire!
Paradoxalement, il y a de vrais moments d’émotions au gré des épisodes, avec une sensibilité et une justesse d’écriture qui sont une sorte de marque de fabrique des séries Marvel/Netflix, avec notamment une très belle acuité dans les dialogues. La relation entre les anciens frères d’armes que sont Castle et Billy Russo est à ce titre très intéressante, tout comme les discours de Curtis, l’ancien soldat qui a perdu sa jambe. Le sujet des vétérans est d’ailleurs très intéressant, même si on a l’impression que l’intrigue secondaire sur ce jeune soldat qui se sent perdu depuis son retour du front est parfois répétitive. Malgré tout, il y a un vrai questionnement sur la place de ces hommes dans la société civile, et la manière dont ils sont perçus et traités, ce qui fait écho au magnifique Rambo de Ted Kotcheff, d’une certaine manière…
Mais le plus important dans cette série est sans conteste l’interprétation sans faille de Jon Bernthal, qui nous offre un Castle bien plus profond que l’archétype voulu par les détracteurs du personnage. Toute sa douleur, sa rage et son désespoir sont littéralement retranscrit dans son regard, dans son intonation, dans sa gestuelle, et Bernthal est véritablement devenu le Punisher le temps de ces 13 épisodes! Même si on aurait aimé le voir partir en guerre plus souvent dans la série, il nous gratifie d’un personnage puissant et tragique, et il y a vraiment quelque chose de De Niro et Pacino chez cet acteur, avec sa gueule d’Italo-Américain! On sent toute la force et la rage qui animent le personnage, et il parvient à explorer toute la noirceur et la volonté de ce héros solitaire! Alors après des Iron Fist et The Defenders qui nous laissaient quand même sur notre faim, ça fait du bien d’avoir à nouveau une série plus aboutie, et qui lorsqu’elle nous balance des gunfights et des combats au corps-à-corps, ne fait pas certainement pas dans le tout public!!