Après avoir fait ses armes sur un épisode de la série Les Prédateurs en 1999 et sur un court nommé Loom, Luke Scott se lance avec une très belle efficacité dans le long métrage. Le fils de Ridley Scott (réalisateur d’Alien – le 8ème Passager, Blade Runner, ou encore Seul sur Mars) fait preuve d’une très grande maîtrise narrative et formelle dans ce films de SF à la Splice ou Ex Machina. En entrant dans un univers cinématographique codifié, Luke Scott va pourtant réussir à nous surprendre par son approche résolument humaine du sujet, et son film va s’avérer très prenant au niveau émotionnel.
Le cinéma s’est toujours fait un plaisir de s’emparer de sujets scientifiques afin de les extrapoler et, selon les metteurs en scène, de nous plonger dans un monde merveilleux, ou de nous montrer le danger d’être dépassé par ces innovations technologiques. Terminator et Terminator 2 – le Jugement dernier sont deux incontournables de cette vision résolument pessimiste, et des metteurs en scène comme Vincenzo Natali, Alex Garland ou Luke Scott se tournent vers des films tout aussi pessimistes, mais en leur apposant un traitement beaucoup plus intimiste. Morgane se place dans cette lignée avec une très belle élégance et quelques fulgurances impressionnantes! Ce qui permet de rattraper les quelques éléments scénaristiques un peu trop appuyés…
Il faut dire que le metteur en scène a pu s’entourer d’une galerie d’acteurs très talentueux, à commencer par Kate Mara (24 Heures Chrono saison 5, House of Cards, Les 4 Fantastiques) qui joue la consultante en risques chargée de venir sur site étudier la viabilité du projet secret après un incident dramatique. Elle joue cette jeune femme déterminée et froide avec beaucoup de conviction. A ses côtés, Anya Taylor-Joy, qui était déjà douée dans The Witch, campe Morgane avec une très belle intensité. Avec encore Rose Leslie (Ygritte dans Game of Thrones), Toby Jones (Arnim Zola dans Captain America: First Avenger), Chris Sullivan (Stranger Things, Imperium), Boyd Holbrook (Gone Girl, Narcos), Michelle Yeoh (Tigre et Dragon) , Jennifer Jason Leigh (eXistenZ), Paul Giamatti (Shoot’em up) ou encore Brian Cox (X-Men 2), Morgane gagne encore en crédibilité avec des personnages intéressants. Mais celle qui sort vraiment du lot est évidemment Anya Taylor-Joy, qui joue cette intelligence artificielle avec un mélange d’amour et de rage parfaitement dosé! On se prend à avoir pitié d’elle, tout en la craignant, et en ce sens, elle a parfaitement réussi à entrer dans la peau du personnage!
Luke Scott appose à son récit une ambiance de plus en plus oppressante, et il parvient à mettre en scène de manière très efficace toute cette tension sous-jacente qui n’attend qu’une étincelle pour exploser! La scène de l’interrogatoire est à ce titre très bien montée, avec des fluctuations de tension parfaitement dosées. On sent une volonté plus qu’évidente de mettre en avant l’aspect psychologique de cette histoire, et pourtant, Luke Scott gère aussi très efficacement les moments d’action qui en découlent. Cette équipe de scientifiques, cloîtrée dans son repaire depuis 7 ans, a développé des sentiments variés pour le résultat de leur projet, et Lee Weathers (Kate Mara) va devoir tenir compte des appréciations de chacun pour son rapport. Elle va donc devoir étudier Morgane afin de savoir si elle est toujours viable, mais va se retrouver dans un environnement qui risque aussi de se liguer contre elle.
Luke Scott fait preuve d’une très belle mise en scène, nous faisant passer du vieux manoir où résident les locataires, à l’enceinte scientifique où vit Morgane, en maintenant un climat pesant… L’incident qui s’y est déroulé va avoir des conséquences sur toutes les personnes impliquées dans le projet, et Morgane risque de ne pas pouvoir rester activée… Il y a d’ailleurs une belle similitude entre ce film et celui de son père Alien – le 8ème Passager, avec cette équipe vivant en autarcie depuis des années, et qui va devoir faire face à un événement très dangereux dans cet espace confiné… Et Luke Scott gère très bien sa partition!