C’est en mars 1941 que le scénariste Joe Simon et le dessinateur Jack Kirby (qui a créé la plupart des héros Marvel les plus connus avec Stan Lee) créent le personnage de Captain America, qui apparaît dans une revue judicieusement nommée Captain America Comics 1. C’est l’époque de la Timely Comics, avant qu’elle ne devienne Marvel. Steve Rogers devient le symbole de la Liberté en affrontant Hitler et les forces de l’Axe alors que le monde est plongé dans la tourmente de la Seconde Guerre Mondiale.
Captain America a déjà eu droit à plusieurs adaptations, télévisuelles et cinématographiques. C’est ainsi que le serial Captain America de 1944 voit Grant Gardner (et non Steve Rogers!) combattre le mal dans 15 épisodes. En 1966, il a droit à une série animée de 13 épisodes également intitulée sobrement Captain America. En 1979, c’est Reb Brown qui endosse le costume étoilé dans 2 téléfilms, qui devaient initialement préfigurer une série annulée. Le second épisode est d’ailleurs sorti au cinéma en France! Et enfin, le film de 1990 réalisé par Albert Pyun avec Matt Salinger dans le rôle-titre ne parviendra toujours pas à rendre au héros sa dimension… Héroïque!
C’est alors que le projet prend forme avec la vague d’adaptations initiée par Marvel, qui a créé son pôle de production cinématographique et est en train de lancer des franchises et de récupérer des licences. Après avoir lancé L’incroyable Hulk, Iron Man 1 et 2, et Thor, c’est au tour du tout premier Vengeur de faire son apparition, et c’est Joe Johnston qui hérite de Steve Rogers! Sortant d’une expérience difficile avec le très faible Wolfman sur lequel il est arrivé en catastrophe, Johnston a besoin de se remettre en selle avec un projet dans lequel il se sent à l’aise. Et l’on peut dire qu’il connaît le film d’époque, lui qui a réalisé Rocketeer et participé aux effets spéciaux des Aventuriers de l’Arche perdue!
C’est ainsi que le traitement qu’il applique colle judicieusement au scénario de la paire Christopher Markus/ Stephen McFeely, qui travaille ensemble depuis 2004, sur les trois Narnia notamment. On se retrouve plongé en plein coeur de l’Histoire, et l’intelligence de Captain America: first Avenger est d’être un film de guerre avant d’être un film de super-héros. En intégrant totalement Steve Rogers dans cette période sombre, sa « construction » en est d’autant plus crédible. La transformation du frêle jeune homme en super-soldat se fait avec cette menace latente des Nazis envahissant l’Europe, et Captain America apparaît avant tout comme une tentative de réponse à la propagation de ce mal. En ce sens, l’ego de Rogers est nettement moins démesuré que celui d’un Tony Stark ou d’un Thor, et l’élaboration du personnage repose sur des valeurs moins personnelles et beaucoup plus patriotiques.
Cet aspect glissant du personnage est traité avec finesse et évite de tomber dans un sentiment exacerbé de fierté nationale. Rogers est un produit de l’armée américaine, et endosse au départ le rôle ingrat de mascotte pour les troupes! L’aspect de propagande est très bien rendu avec cette présentation du Captain très old school défendant un patriotisme très américain, qui, combiné aux images des infos de l’époque, remettent au goût du jour les valeurs d’antan. La justesse de ce traitement, et le second degré qui en découle naturellement aujourd’hui, permettent d’accepter la création de ce personnage appelé à devenir l’emblème du pays.
La suite se poursuit avec la même intelligence, présentant évidemment des personnages issus du comics. C’est avec plaisir que l’on retrouve Bucky Barnes, joué par un Sebastian Stan plus volontaire que le Bucky original. Toby Jones joue le Dr Arnim Zola, qui est ici beaucoup plus réaliste que dans la BD. Et quel plaisir de voir Dum Dum Dugan sur grand écran, incarné par Neal McDonough qui est la copie conforme du personnage! Mais celui que l’on attendait avec impatience, c’est Hugo Weaving en Crâne rouge, et mis à part un doublage français avec un accent allemand à la limite de la parodie, il est très réussi visuellement. Le personnage possède la force de caractère nécessaire au rôle, et le maquillage permet de rendre le personnage crédible.
L’un des nombreux aspects intéressants du film réside dans son côté rétro-futuriste, avec l’élaboration de véhicules et d’armes originales et très design. On est complètement plongé dans cette époque grâce à une reconstitution minutieuse, tant dans les décors que dans les costumes, et cet aspect technologique de pointe s’y insère parfaitement. La poursuite en motos permet de voir certaines de ces innovations, et rappelle en plus furieusement la poursuite en motojets du Retour du Jedi! Quand on sait que Johnston a travaillé sur les effets visuels des 3 premiers Star Wars, l’hommage est d’autant plus sympathique!
Captain America: first Avenger est donc un film de guerre dans lequel va se révéler un personnage héroïque, qui fait passer les intérêts du Bien avant les siens. Cette vision très noble est traitée avec respect et ne devient pas de la naïveté, mais fait ressortir toute la force d’âme d’un petit gars de Brooklyn bien décidé à faire la différence. La galerie de personnages gravitant autour de lui va lui permettre de s’exprimer totalement, et de se démarquer peu à peu. Qu’il s’agisse de Peggy Carter (jouée par une Hayley Atwell très motivée), du Colonel Chester Phillips (Tommy Lee Jones dans un rôle qui lui va comme un gant!), du Dr Abraham Erskine (joué par le noble Stanley Tucci), ou encore d’Howard Stark, le père de Tony (Dominic Cooper se fait plaisir en préfigurant Robert Downey Jr.!), ils forment un noyau dur qui permettra l’émergence de Captain America, héros de la Seconde Guerre totalement dévoué à ses soldats. D’ici à ce qu’il prennent le commandement, il n’y a qu’un pas… Et 70 ans! D’ailleurs, restez bien après le générique, comme d’habitude quoi!