Spontaneous (Brian Duffield, 2020)

Il y a de cela une semaine, je découvrais le metteur en scène américain Brian Duffield avec son sublime home invasion Traquée, mené par une Kaitlyn Dever impressionnante! Il était naturel que je me plonge dans sa filmographie, et j’ai donc découvert que Traquée était juste son second film! Tant de maîtrise en à peine 2 longs métrages, ça fait franchement rêver! J’ai donc cherché son premier film afin de vérifier si le talent du bonhomme était déjà bien présent 3 ans avant son Traquée. Effectivement, Brian Duffield possède un truc que beaucoup de réalisateurs n’ont pas, la preuve avec ce vraiment très beau Spontaneous!

Rien que le titre, ça renvoie à un certain cinéma horrifique pour un enfant des années 80 comme moi, avec bien évidemment le Spontaneous Combustion de Tobe Hooper avec Brad Dourif, qui aura marqué mon imaginaire à l’époque (je crois que ce que j’imaginais du film avant de le regarder m’a plus marqué que le film lui-même ^^). On était dans une histoire de corps qui prenaient feu sans aucune raison, et Brian Duffield va reprendre une trame similaire en l’adaptant pour proposer des élèves d’un lycée qui se mettent à exploser sans raison! On a donc un concept assez étonnant et original, qui va installer une véritable psychose dans la petite ville du New Jersey où se déroulent ces événements. Un pitch en mode très horrifique, que Duffield va intelligemment utiliser pour développer une très belle comédie romantique!

Comme quoi, certains genres ne sont pas si incompatibles… Si on s’attend à un film d’horreur dégoulinant d’hémoglobine ou à une bluette toute dégoulinante de guimauve, le metteur en scène va mêler tous les genres qu’il a envie de traiter pour nous livrer un film bien plus impactant émotionnellement que ce que l’on pensait voir au départ, et il va solidement entremêler l’humour, le drame, la légèreté et l’horreur dans une oeuvre qui sous ses airs de série B sans prétention, va monter les curseurs pour devenir une superbe comédie dramatique romantique horrifique sociale. Rien que ça oui. On va retrouver un soupçon du Nowhere de Gregg Araki, une pincée du Detention de Joseph Kahn, sans aller aussi loin dans le nihilisme ou dans le délire psychédélique, mais en se posant comme un constat de la jeunesse américaine des années 2010-2020. Sous ses airs légèrement acidulé, Spontaneous va nous raconter le quotidien d’élèves rongés par la peur dans une Amérique où les repères volent en éclat et où les lendemains n’ont rien d’assurés. Si le concept de l’explosion spontanée peut s’avérer drôle de prime abord, puisque on est dans une fiction après tout, Brian Duffield va très rapidement exprimer son véritable propos.

Quand on voit les instants de panique suivant chaque explosion, la ruée des élèves dans les couloirs afin de sortir sains et saufs du bâtiment, ça va forcément vous faire penser à quelque chose. Et oui, Duffield utilise l’aspect de prime abord fun et horrifique de l’explosion pour en filigrane nous faire sa propre version de Bowling for Columbine. Des élèves qui courent de manière désordonnée dans des couloirs en hurlant, d’autres dont les corps explosent de manière aléatoire, ça fait évidemment référence aux multiples tragédies vécues par ces centaines d’écoliers américains avec les tueries de masse qu’ils se prennent chaque année. Dans une telle configuration, comment donner un sens à son existence, et comment avoir foi en l’avenir, alors que l’on est même pas certain de voir le lendemain? Spontaneous bascule dans un tout autre registre quand on le regarde par ce prisme, et l’intelligence du propos de Duffield (qui signe le scénario en se basant sur le livre d’Aaron Starmer) est de développer un récit puisant dans beaucoup d’émotions contradictoires pour se raconter. Dans un monde qui tourne de moins en moins rond, comment trouver la motivation de survivre?

Paradoxalement, c’est à cause de ce monde complètement désaxé que l’histoire d’amour entre les protagonistes principaux va démarrer, et Duffield va nous offrir une comédie romantique adolescente là encore d’une très belle intelligence. On est très loin des stéréotypes et des séquences convenues dans ce type de production, pour atteindre une forme de réalisme rafraîchissante et tellement prenante! L’histoire entre Mara et Dylan est tout simplement belle, drôle, émouvante et tendre, sans la guimauve et la fadeur habituelles, mais avec un vrai sens de l’exploration intimiste et un mélange de peur et d’espoir typiquement adolescents, mais qui va être pris au sérieux. Il y a une spontanéité dans l’écriture et dans l’expression des sentiments des protagonistes qui rejoint là encore le titre du film, et qui fait de cette oeuvre une très belle réussite dans son développement. Katherine Langford et Charlie Plummer apportent cette spontanéité et ce réalisme faisant défaut à de nombreux films du genre, et on regarde le développement de leur idylle avec le sourire aux lèvres tant ils sont touchants et qu’ils méritent de vivre ces instants ensemble. Langford est connue pour avoir joué dans la série 13 Reasons Why, et on a pu voir Plummer dans la série Boardwalk Empire. L’alchimie fonctionne à merveille entre les deux, et la façon dont ils expriment leurs émotions, de manière à la fois directe et avec un peu de retenue, ça donne une très belle dynamique au film. Ils sont véritablement touchants, et au niveau des rapports humains, on appréciera aussi le dialogue intergénérationnel entre Mara et ses parents, qui là encore va à l’encontre des fossés habituels entre parents et enfants. Piper Perabo et Rob Huebel campent un père et une mère certes cool mais qui gardent les pieds sur terre, et on ressent tout l’amour qu’ils ont pour leur fille avec une certaine émotion. Et l’une des plus belles scène du film est certainement ce dialogue entre Mara et une autre adulte, alors qu’elle cherche un sens à son existence.

Mine de rien, Spontaneous va nous livrer pas mal d’émotions tout au long de son déroulement, et va même se permettre de nous expliquer le sens de la vie. Et ça, quand c’est fait avec un tel tact et un tel respect, ça fait sacrément plaisir! Ce film n’a rien de prétentieux, et il est d’autant plus impactant qu’il avance avec beaucoup de sensibilité (et pas mal de références geeks glissées de manière subtiles!), pour devenir une sorte de somme de ce que peuvent vivre les adolescents de nos jours. Duffield va traiter les sujets de la vie, de la mort, de l’amour, du deuil, en prenant la hauteur du point de vue ado, et quand c’est fait avec intelligence et avec une sorte de poésie sous-jacente aussi maîtrisée, on ne peut qu’être conquis!

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News : Marvel down

Après un démarrage catastrophique avec 46,1 millions de dollars récoltés aux USA pour son premier week-end, ainsi qu’un score dérisoire à l’international avec 62,9 millions de dollars, pour un total de 109 millions, The Marvels réalise une contre-performance dramatique puisqu’il se place comme lanterne rouge du MCU, parvenant à faire moins bien que le mal-aimé L’Incroyable Hulk (55,1 millions au box-office domestique) !!!

Mais le second week-end va encore battre un triste record… En cumulant à peine 10,2 millions de dollars aux Etats-Unis, le film de Nia DaCosta effectue une chute historique de 77,9%, raflant le titre de plus grande dégringolade super-héroïque à Morbius (-73,8%)!!! Au niveau mondial, le film ne récolte que 19,5 millions de dollars, arrivant difficilement à 161,3 millions. Quand on sait que Captain Marvel 1er du nom culminait à 1,131 milliard de dollars en fin d’exploitation, et que ce second film va à peine tenter de se hisser à 200 millions… Le signal d’alarme va-t-il être entendu par Kevin?? La catastrophe est incroyable, mais comme expliqué précédemment ici, il va falloir que le MCU apporte de sévères améliorations à ses produits, même si une fois encore, ce film ne méritait pas ce bashing et paye pour une succession d’oeuvres bien plus détestables produites précédemment…

Un grand merci à l’excellent site Les Toiles Héroïques qui fait un travail dingue en explorant les chiffres du box-office, c’est toujours un plaisir de lire ses articles!!!

 

Sinon, on a Steven Yeun qui jouera Sentry dans Thunderbolts. Vous voyez la ressemblance? Moi non plus.

 

 

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Deca – All in a Dream

Le lundi, c’est le jour des découvertes sur Spotify, et quelle superbe claque que la découverte de l’artiste américain Deca, qui nous distille un hip-hop des plus captivants, dans cette veine underground tellement prolifique ces 20 dernières années! Je ne le connaissais pas du tout mais je me suis lancé dans l’exploration de sa discographie comptant 8 albums, étalés sur une période d’un peu plus de 10 ans, entre 2011 et 2022. Je ne peux que vous conseiller d’aller écouter ses morceaux superbement arrangés et sa voix qui donne juste envie de se poser et de se laisser bercer par le flow… Je vais continuer à découvrir ses albums, mais après les quelques-uns auxquels j’ai prêté l’oreille, je ne comprends réellement pas comment cet artiste a pu rester aussi confidentiel. Selon moi, il possède le talent d’un Aesop Rock ou d’un Eyedea & Abilities, et je lui souhaite vraiment de parvenir à faire connaître l’ensemble de son oeuvre! Je vous laisse vous faire votre opinion avec l’excellent All in a Dream issu de l’album Snakes and Birds sorti il y a 3 ans et produit par Beulah Records. Logiquement, vous devriez ensuite être contaminé comme moi et avoir envie de vous plonger dans sa disco! ^^

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Traquée (Brian Duffield, 2023)

Cela faisait une éternité que je n’étais pas tombé sur une pépite de ce genre, et ce n’est pas la mention Disney qui me mettait en confiance… Et pourtant, ce Traquée est tout simplement génial, et nous offre une bouffée d’air frais bien revigorante dans le domaine du film horrifique! Dorénavant, je pense faire très attention quand un film de genre proposera le terme « you » dans son titre, car c’est finalement très souvent un gage de qualité ^^ Le nom original du film claque bien davantage que le français, puisque No One will save You s’avère bien plus désespéré, et correspond davantage au déroulement du long métrage que ce « Traquée » générique… You’re Next et I see You sont 2 exemples parfaits de la qualité de ces films sortis de nulle part qui proposent un traitement très particulier de leur récit horrifique.

Le home invasion est un exercice très périlleux, et nombreux sont les metteurs en scène a s’être cassé les dents dessus. You’re Next d’Adam Wingard est quant à lui un parfait exemple de réussite dans le genre, tout comme le brillant Intruders d’Adam Schindler. Le secret de ces réussites? Ne pas se laisser enfermer dans un carcan et dans les poncifs programmés, pour offrir un spectacle bien décomplexé et impactant à mort! Traquée fait clairement partie des plus belles réussites dans le genre, et il mériterait d’être bien plus connu! Brian Duffield en est seulement à son second film, après un Spontaneous qui a l’air bien intriguant! Mais il a déjà une certaine carrière de scénariste, ayant travaillé sur Divergente 2 : l’InsurrectionLa Baby-sitterUnderwaterThe Babysitter : Killer Queen, et il a également produit le très fun Crazy Bear.

Difficile de croire que le réalisateur en est à son second effort, quand on voit la maîtrise dont il fait preuve à chaque instant. Ce film est une réussite totale d’un bout à l’autre, et Duffield va manier des références savoureuses en leur appliquant une vision très personnelle. Son approche du personnage principal est complètement déroutant, avec cette femme-enfant vivant recluse dans une maison en bord de forêt, ce qui fait certes très classique, mais qui va être contre-balancé par l’intérieur très coloré et lumineux avec ses maquettes de ville miniature dont elle fait la collection. Brynn semble vivre dans un temps suspendu, bloquée dans un passé qu’elle tente de conserver et de maîtriser, et on ne comprend pas son mode de fonctionnement. Son attitude très bizarre vis-à-vis des gens de la ville, et leur attitude à eux par rapport à elle, sont là aussi incompréhensibles. Brian Duffield va insuffler une sorte de douce poésie surannée à son film, ce qui va lui conférer une identité toute particulière. Jusqu’au point de bascule qui va arriver sans crier gare, et qui va faire évoluer le long métrage dans le home invasion avec une approche résolument géniale.

L’élément perturbateur n’est pas n’importe qui, puisque Brynn va devoir faire face à une invasion extraterrestre! Le jeu sur les lumières et les sonorités est exemplaire, et on se retrouve dans une invasion nimbée d’une atmosphère très Poltergeist, avec un bon petit côté Amblin 80’s par moments, et surtout, de vraies séquences de flippe!!! Cela fait très longtemps que je n’avais pas accompagné un personnage de film avec ce niveau de stress, et Brian Duffield gère à la perfection la temporalité de ses séquences ainsi que la topographie des lieux. Rien n’est laissé au hasard, et il a découpé ses scènes avec un soin qui devrait être enseigné dans les écoles de cinéma! La précision entre les déplacements de Brynn et ceux des extraterrestres apporte un très haut niveau de stress (la séquence du frigidaire!), et Duffield compose des plans très marquants en jouant avec intelligence sur les hors-champs et sur les arrière-plans. Cela fait bien longtemps que je n’avais pas eu cette impression de profiter de chaque recoin d’un lieu dans un film d’horreur, et surtout de le faire avec un tel degré d’intensité!

La caractérisation des créatures est elle aussi très travaillée, et elles correspondent à la figure classique de l’extraterrestre tout en étant très réalistes et très flippantes. Vous vous rappelez du très bon Signes de Shyamalan? Duffield le sublime avec son Traquée! On a des créatures de diverses tailles, et il y en a une qui fait beaucoup penser aux dessins crépusculaires de l’artiste ukrainien Boris Groh. Duffield va jouer avec les différentes tailles de ses créatures, et Brynn va devoir lutter sans cesse pour survivre à cette invasion. Le rythme du film est assez dingue, car il n’offre pas de temps morts, juste parfois un espace de respiration avant de repartir à l’attaque. Traquée est un film généreusement dense et allant à l’essentiel, avec une imagerie bien flippante comme ce côté Body Snatchers revendiqué!

Kaitlyn Dever n’est pas une actrice connue, on a pu la croiser dans Booksmart ou dans Dopesick, mais elle est donne tout ce qu’elle a dans ce film et nous embarque avec elle dans ce survival avec une énergie redoutable! Le mélange de fragilité et de résilience du personnage est excellent, et Kaitlyn Dever nous offre une Brynn hantée par son passé tout en essayant de maîtriser un présent ingérable. L’aspect émotionnel de Brynn va s’avérer très important dans ce long métrage, qui a la particularité de quasiment être un film muet! Là encore, Brian Duffield opte pour un parti-pris radical mais dont on ne se rend pas compte immédiatement tant on est pris dans l’action. Kaitkyn Dever porte le film sur ses épaules pas si frêles que ça, et son alliance avec Duffield est parfaite! Pour la petite histoire, il se pourrait bien que l’actrice gagne quelques galons puisque elle est actuellement en pourparlers pour incarner Abby dans la saison 2 de The Last of Us!

Il y a dans ce Traquée une richesse à chaque niveau, et on va enchaîner les séquences de stress les unes après les autres avec une inventivité et une maîtrise exemplaires. Le coup des marches qui grincent dans les vieilles bâtisses? Les vitres déformant les corps et les visages? Duffield va se servir de chaque élément à sa disposition pour que la menace soit la plus impactante, et il va s’appuyer sur des éléments graphiques très forts (les lumières extraterrestres, cette image sur le toit de la maison!) pour nous livrer un chef-d’oeuvre du film d’invasion alien, qui parvient même à se payer le Nope de Jordan Peele! Bref, Traquée est un classique instantané, à découvrir de toute urgence!

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The Killer (David Fincher, 2023)

Cela faisait un long moment que je n’avais pas croisé la route de David Fincher. Le dernier film que j’ai vu de lui remonte à presque 10 ans, il s’agit du très bon Gone Girl. Je m’étais laissé tenter par la première saison de Mindhunter en 2017, que j’avais trouvé à un très bon niveau, même si la fin m’avait déçu. Je n’ai pas enchainé sur la seconde. Il y a 3 ans, il a tenté un pari graphique avec Mank, auquel je n’ai pas adhéré et que j’ai stoppé au bout de 30 minutes. Voilà pour mes dernières expériences avec son cinéma. Jusqu’à aujourd’hui, où j’ai découvert son The Killer sans être spécialement pressé.

Ca tombe bien, l’un des sujets principaux de ce nouvel effort du réalisateur américain s’avère être la patience. Et il faut bien avouer que l’on avait rarement mis en scène cette vertu avec autant de classe et de précision. En racontant l’histoire d’un tueur à gages, Fincher nous immisce dans son quotidien fait de très (très) longues périodes d’attente. Pour réussir dans ce métier, il faut être capable de gérer l’ennui et l’inactivité d’une manière presque similaire à celle d’un moine retranché pour prier. J’exagère à peine, et Fincher met à profit sa science du cadrage et son amour pour les textures sonores afin de nous livrer une vision très frontale et d’une très belle précision quant à ce métier ô combien mystérieux pratiqué par le personnage principal, qui ne répondra à aucun nom durant toute la durée du métrage. La rigueur des plans accompagne la rigueur que s’impose le tueur, tant dans son rythme de vie que dans son approche des contrats. Il procède en tentant de maîtriser l’ensemble de la chaîne d’événements menant à l’exécution dudit contrat, et découlant de cette exécution.

On ne présente plus Michael Fassbender, qui a fait du chemin depuis Frères d’Armes, 300 ou encore Hunger. Il compose un tueur implacable, imperturbable et qui maintient un contrôle émotionnel et physique de chaque instant. Le voir se glisser dans les plans fluides et maîtrisés de Fincher apporte une sorte de dynamisme feutré, pas celui bien clinquant que l’on a l’habitude de voir dans de trop nombreux films, mais un de ceux qui se rapprocheraient de la musicalité de l’excellent Baby Driver d’Edgar Wright. Les 2 metteurs en scène ont ceci en commun de ne rien laisser au hasard, et de faire se succéder des plans et des séquences bien pensés en amont et minutieusement préparés. C’est à ce prix que l’on pourra ressentir cette musicalité diffuse qui va venir créer des sensations déroutantes, dans un long métrage aux antipodes du tout explosif et du tout explicatif. L’important ici réside dans la maîtrise de chaque instant afin de se servir de chaque élément à sa disposition pour arriver à ses fins.

Je ne vous parle pas en vain de musicalité, car une fois encore, Fincher s’est entouré de ceux qui sont devenus ses compositeurs fétiches depuis The Social Network, Millénium : les Hommes qui n’aimaient pas les Femmes, Gone Girl ou encore Mank. Trent Reznor et Atticus Ross en sont en effet à leur 5ème participation musicale pour le réalisateur, et le résultat est à la hauteur des vélléités atmosphériques des 2 artistes, avec des nappes discrètes mais prenantes venant délicatement se poser sur les images de Fincher. L’attrait pour les BO de Reznor se fait depuis longtemps ressentir dans les albums de Nine Inch Nails, et le pionnier de l’indus s’est depuis assagi pour nous livrer des compositions moins torturées et plus envoûtantes. Je vais reparler de Baby Driver, car je trouve que le personnage principal de The Killer a une approche sensorielle similaire à celle du personnage de Baby, sans toutefois être aussi poussée. Mais le fait d’avoir régulièrement cette musique surgissant furtivement afin d’accompagner le personnage principal va apporter une certaine touche personnelle à l’accomplissement de son travail, et va permettre à Fincher d’effectuer des jeux sonores très subtils et captivants. La modulation permanente entre le niveau sonore réellement entendu par le personnage et celui pris de plus loin va créer une sorte de distorsion presque spatiale au travers des plans, pour un résultat très intéressant au niveau des sensations. Ce jeu va se poursuivre avec les différents bruits entendus au gré du film, Fincher jouant par exemple avec les ouvertures et fermetures de portes afin de monter ou réduire le curseur sonore, dans la même optique de légèrement déstabiliser le spectateur à ces moments. Ca n’a l’air de rien, et pourtant ça procède d’une très belle maîtrise de Fincher et ça offre au film une certaine texture innovante.

Fincher va découper son film en 6 actes, et créera 6 atmosphères distinctes au gré des pérégrinations de son protagoniste principal. Il va capter les temporalités et les atmosphères bien précises de chaque lieu traversé, comme Paris, La Nouvelle-Orléans, la Floride ou encore la République Dominicaine. A chaque destination, on sent un réel travail dans l’exploration picturale et sensitive des lieux, et c’est tellement mieux fait que dans un James Bond ou chaque lieu ressemble au précédent alors que 007 voyage à travers le monde… Dans chacun de ces lieux, le tueur semble tout aussi à l’aise comme s’il s’appropriait chacun des éléments de chaque ville, puisqu’il semble gérer la topographie de chaque lieu ainsi que tous les systèmes de sécurité qu’il va croiser. On a un côté high tech qui n’en fait pas des tonnes mais qui a un rendu très réaliste, et le tueur peut compter sur Amazon pour arriver à ses fins ^^

Le rythme très particulier de ce film pourra en rebuter quelques-uns, mais on appréciera grandement ce thriller en mode silencieux et feutré se permettant pourtant quelques accès de violence fulgurantes. On a notamment droit à un combat que n’aurait pas renié le Daredevil de Netflix, même s’il est un poil trop sombre pour être apprécié à sa juste valeur. Mais l’ensemble se tient de très belle manière grâce à cette musicalité discrète et constante, qui fait de The Killer non pas un chef-d’oeuvre, mais un film possédant une certaine aura envoûtante.

The Killer. Michael Fassbender as an assassin in The Killer. Cr. Netflix ©2023

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