Aller voir un film de la saga Fast & Furious, c’est accepter un niveau de suspension d’incrédulité allant bien au-delà de la dose habituellement requise. On sait depuis 2009 que la saga place ses enjeux familiaux et anti-gravitationnels au centre de l’équation, dans un déferlement de gomme sur asphalte, de bimbos pimpées et de séquences automobiles WTF. La machine était bien huilée depuis 10 films, se permettant même des spin-off et capitalisant sur l’attrait de stars multiples et successives au gré des épisodes, se la jouant MCU avec des morts et des résurrections n’ayant finalement plus aucune logique, mais l’ensemble devant être pris pour ce qu’il est, à savoir un spectacle racé et pyrotechnique, on acceptait la totalité de ces partis-pris sans se prendre la tête.
Qu’est-ce qui explique la sortie de route de Dom Torreto que l’on se prend en pleine face aujourd’hui? Les causes sont multiples, et on va tenter de les répertorier afin de saisir l’ampleur des dégâts… Déjà, il y a la grève des scénaristes ayant actuellement lieu aux Etats-Unis, et… Ah non, on me signale que le processus d’écriture du film n’a pas été impacté par l’arrêt de la Writers Guild of America, puisqu’elle vient à peine de démarrer ^^ En tout cas, l’excuse serait tombée à point, c’est dommage. On commence par un énième barbecue dans le jardin afin de mettre en avant l’importance de la famille, un classique de la saga qui commence tout de même à devenir sacrement pesant, mais on y reviendra. Evidemment, dès que tout semble aller sur de bons rails, un événement va tout faire basculer, et c’est justement ce grain de sable que l’on attendait après s’être farci ces poncifs familiaux et ces dialogues insipides.
Comme j’avais presque toujours apprécié les films composant cette saga, je pensais que le système en roue libre fonctionnerait toujours et que ce sympathique bordel partant dans tous les sens serait comme presque à chaque fois maîtrisé d’une certaine manière. Pourtant, cette fois-ci, tout est vraiment parti en couilles… Il va bien falloir parler de la « prestation » de Jason Momoa, élément qui initialement m’avait bien laissé croire que la saga pourrait enfin revenir à un niveau équivalent à l’opus 6, mais il n’en sera finalement rien. Pour la faire courte, si j’avais eu envie de revoir Jack Sparrow, je me serai refait les Pirates des Caraïbes. Le personnage de Dante (machiavélique, infernal, diabolique, vous l’avez? Oui c’est très subtil comme choix de nom) est un plagiat pur et simple de Johnny Depp, et Jason Momoa perd toute crédibilité dans ce film. C’est un calvaire de le retrouver au fil des séquences, et il aurait toute sa place dans un film du MCU en terme de ratage de bad guy.
Louis Leterrier. C’est dommage que Justin Lin ait été absent, parce qu’au moins il troussait des séquences d’action ayant une certaine esthétique et un souffle agréable, tandis qu’ici, on subit chaque séquence s’avérant plus débile que la précédente, dans un maelstrom de bruit qui n’en finit plus. Si on résumait ce film simplement, ce serait un bruit continu venant vous vriller le crâne durant 2h21. Les séquences de combat au corps-à-corps sont illisibles et ne présentent aucun intérêt, et les séquences de poursuites automobiles n’ont aucune saveur… Quand on voit la séquence de Rome et qu’on la compare avec celle de Florence signée par Michael Bay dans le génial 6 Undergound, on se dit qu »on a atteint le fond du panier avec Fast and Furious X… Michael Bay est parvenu à allier humour et action ébouriffante avec une classe ultime, dans son film qui se veut un décalque de la saga Fast en tellement plus abouti! Je vous conseille donc d’aller (re)voir 6 Underground au lieu de tenter ce Fast X…
A un moment, au vu des actions effectuées durant les poursuites, on se dit que si Newton pouvait se retourner dans sa tombe, il le ferait tellement vite qu’il pourrait alimenter une éolienne… Il n’y a plus aucun respect pour la physique de base et pour la gravité, ce qui peut être marrant de temps en temps, mais là on confine au sublime si le but est de pulvériser la logique. Après j’ai peut-être mal compris le film, et qu’il s’inscrit dans un schéma de post-Nouvelle Vague… J’ai complètement zappé de parler de Baboulinet! Personnellement je trouve que ses meilleures prestations dans cette saga, on les trouve surtout chez Mozinor, donc n’hésitez pas à aller voir sur YouTube 😉
Les liens familiaux, allez. Au fil de la saga, on a découvert à chaque chapitre le frère caché, le fils caché, le neveu du petit-fils de l’oncle par alliance du cousin germain caché, et le procédé est aussi interminable que les morts et résurrections à répétition. Franchement, on ne sait même plus qui est qui et quels sont leurs liens tellement il y a de monde et que c’est capillotracté, et surtout on commence à vraiment s’en foutre… Bref, vous aurez encore droit dans cet épisode à des fils de, soeur de ou autre, et on ne peut pas dire que ça rehausse le scénario, si scénario il y a eu un jour (la grève tout ça).
On a donc des dialogues insipides, des scènes d’action foutraques, mais également des associations totalement débiles. Le méchant d’un épisode devient le gentil du suivant, on fait pareil pour un autre, wahou niveau psychologique on sent qu’il y a eu du travail au niveau de l’écriture, on croirait presque du Pizzolatto. (la grève tout ça). Bon on ne va quand même pas se quitter sur toutes ces mauvaises choses, parce qu’il y a 1 ou 2 éléments surnageant dans cette mer d’hébétude, à commencer par John Cena, notre Marine préféré! Son rôle est bien cool et il offre un second degré bienvenu, et ça fait juste plaisir de voir ça! On a bien évidemment l’incontournable Jason Statham, qui là encore fait plaisir à retrouver, même s’il est purement anecdotique dans le film… Et je crois bien que c’est tout, donc sur 2h21, ça fait cher le kilométrage…
En plus, pour un film qui devait conclure la saga et qui selon les rumeurs serait le début d’une trilogie censée conclure la saga, on sent que le filon n’est pas près de se tarir. Mais de manière plus globale, entre un Gardiens de la Galaxie 3 à moitié génial et à moitié atroce, un Ant-Man et la Guêpe : Quantumania horrible, on sent vraiment qu’en terme de blockbuster, on est vraiment tiré de plus en plus vers le bas, et que ce bon vieux John Wick : Chapitre 4 ressemble vraiment à une superbe anomalie crépusculaire dans ce paysage pathétique du blockbuster contemporain…