Zulu (Jérôme Salle, 2013)

Zulu est un film étonnant à plus d’un titre. Tout d’abord, il est signé Jérôme Salle, qui avait auparavant réalisé Largo Winch. Autant dire que je partais avec un à-priori pas très positif sur la mise en scène, mais que l’histoire m’intéressait assez pour que je tente l’expérience. Et j’ai été véritablement surpris par les qualités visuelles développées par Jérôme Salle, qui parvient à faire de son film un véritable polar dense qui a le mérite d’offrir une vision originale avec cette ambiance sud-africaine. Le metteur en scène français s’est totalement investi dans ce film qui est à la fois marqué par l’histoire de son pays, mais également par une atmosphère héritée des films policiers américains des années 70. Ce mélange des genres entre polar urbain et histoire culturelle africaine fait de Zulu un long métrage particulièrement captivant!

Zulu est étonnant également dans le traitement de ses personnages, et l’on sent toute la substance bien puissante héritée du bouquin de Caryl Ferey. Le romancier français a créé des personnages dont l’apparente banalité cache de manière subtile un vrai bouillonnement intérieur, et les figures antagonistes des agents Brian Epkeen et Ali Sokhela vont prendre le temps de révéler tout leur potentiel. En se basant sur ces personnages complexe, Jérôme Salle va créer un film qui va lui aussi révéler ses atouts de manière progressive, amenant le spectateur à s’immiscer de plus en plus profondément dans un récit habile et prenant.

Julien Rappeneau, l’un des scénaristes de 36, Quai des Orfèvres (une référence dans le polar à la française) a écrit Zulu avec Jérôme Salle, et les 2 hommes ont élaboré un récit très fort qui place deux flics aux tempéraments opposés dans une enquête macabre qui va remettre à jour des éléments sombres de l’histoire de l’Afrique du Sud. Ces thèmes historiques et politiques sont très intéressants, c’est d’autant plus dommage qu’ils ne sont pas exploités davantage. Mais le personnage d’Ali Sokhela, incarné par l’excellent Forest Whitaker, est représentatif des stigmates laissés par ce passé douloureux. Son aspect effacé cache une volonté indéfectible, et il va poursuivre cette enquête en surmontant tous les obstacles.

A ses côtés, le flic borderline interprété par Orlando Bloom paraît de prime abord ne pas être d’une grande aide, mais il va se révéler essentiel à la poursuite de l’enquête. Avec le flic Brian Epkeen, Orlando Bloom trouve l’un des rôles les plus intéressants de sa carrière, loin devant ses jeux de pirates ou d’elfes… Il y a une vraie aura 70’s dans son personnage, qu’il joue avec beaucoup d’intelligence pour ne pas en faire une simple référence. Jérôme Salle semble connaître ses classiques, et l’on sent des touches très French Connection et Dirty Harry dans son Zulu, et ce mélange des genres avec la culture sud-africaine s’avère hautement intéressant.

L’amorce du sujet (le meurtre d’une jeune étudiante) va ouvrir sur un récit très violent, que Jérôme Salle va traiter frontalement. Zulu nous donne donc quelques scènes difficiles, mais qui ne sont pas pour autant gratuites, car elles s’inscrivent dans l’évocation de cette violence historique que connaît ce pays. Il y a constamment des renvois entre un présent où le racisme perdure et un passé qui a mis sur pied tout un régime d’intolérance. On navigue entre des personnages qui offrent toute leur bonté, comme la mère d’Ali, et des individus qui font perdurer cet héritage nauséeux, comme les gangs des townships.

Zulu est une excellente surprise qui se place comme l’un des très bons polars de cette année, grâce à une mise en scène très forte de la part de Jérôme Salle. Son utilisation des grands espaces est remarquable, et il place ses protagonistes dans un cadre qui les dépasse et dans lequel ils tentent de faire valoir leur point de vue. La beauté picturale de certaines scènes fonctionne vraiment bien avec toute l’intensité dramatique véhiculée par ce récit dense et sans concessions.

 

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