Vermines (Sébastien Vaniček, 2023)

Vous vous souvenez de cette douce sensation qui vous parcourait délicatement l’échine à la vue du Arachnophobie de Frank Marshall dans les 90’s ? Le film fonctionne toujours même s’il a forcément pris un coup de vieux plus de 30 ans après, d’ailleurs un remake produit par James Wan est à l’ordre du jour et devrait sortir l’an prochain ou en 2025. Mais si je vous parle aujourd’hui de ce film emblématique du genre, c’est parce qu’un metteur en scène français a décidé de s’attaquer lui aussi à ce sous-genre horrifique, qui plus est dans son premier long métrage, le tout s’entremêlant avec un autre genre, celui du film de banlieue. Ca fait beaucoup de genres et de sous-genres me direz-vous ? Je vous répondrai que oui, mais quand c’est fait avec un tel niveau d’implication et une maîtrise aussi solide, on accepte le choc des cultures avec joie ! Sébastien Vaniček nous a pondu un film qui va vous faire frissonner, sursauter et flipper, et on sent derrière la caméra le réel amateur de films horrifiques, et non pas le simple yes man hollywoodien qui nous pond des Smile, L’Exorciste – Dévotion, La Nonne 2 et autre Halloween (je parle des derniers remakes attention ^^). Avec Vermines, tout est dans le titre, tout est dans la note d’intention, et le spectateur a droit à ce qu’il attend (pas comma La Nuée n’est-ce pas…), et le résultat s’avère très fort!

On est donc sur un premier film, même si Sébastien Vaniček a préalablement mis en scène 3 courts métrages depuis 2015. Le pari était très casse-gueule et très osé dans le paysage cinématographique français, et ça fait tellement plaisir de voir un film se démarquant de la production hexagonale habituelle ! La scène d’intro met direct dans l’ambiance et assume une identité graphique héritée de décennies de péloches dévorées, et régurgitées avec goût et dégoût bien comme il faut ! Tout comme dans Arachnophobie, on démarre dans un pays lointain où la vilaine bébête va se faire capturer, et on savoure la mise en scène nous renvoyant aux classiques du film d’aventures et d’action des années 90! Le plan ouvrant sur le générique est bien ludique et bien sauvage, appuyé par une excellente musique achevant de nous mettre définitivement dans le grand bain. Sébastien Vaniček annonce la couleur, il n’est pas venu ici pour enfiler des perles …

On raccorde sur une cité HLM française en nous présentant Kaleb, un habitant du quartier tentant de joindre les 2 bouts, et on va faire connaissance avec ses proches et certains voisins. Kaleb a une grande passion : il collectionne les animaux exotiques. Vous la sentez venir l’embrouille? Evidemment, il va se procurer un spécimen bien dangereux, et par un concours de circonstances plutôt fâcheux (et heureux pour nous spectateurs!), la petite bébête va retrouver sa liberté. Dans un immeuble rempli de gens. Sachant qu’elle aime bien pondre et qu’elle ne sera bientôt plus seule. Vous le sentez revenir ce petit frissonnement?? ^^ Théo Christine a joué dans l’atroce Play et a incarné JoeyStarr dans Suprêmes, et il est vraiment intense dans le rôle de Kaleb, en froid avec sa soeur et qui gère comme il peut le décès de sa mère. On sent une grosse implication de l’acteur qui habite vraiment ce personnage qui n’a rien d’un héros, et qui va devoir affronter une situation qui le dépasse avec ses proches. Il s’agit du premier long pour l’actrice Lisa Nyarko, qui donne une belle texture à un personnage très fort, rappelant un peu la solidité et l’indépendance de la frangine de T’Challa dans Black Panther. Et mine de rien, Sébastien Vaniček (qui a co-écrit le film avec Florent Bernard) cherche à faire dans le réalisme sans faire dans le cliché, et ça passe par de nombreux petits détails, comme par exemple la musique qu’écoute Manon. Et ça fait aussi du bien de voir que les personnages ne sont pas juste des stéréotypes comme dans les prods horrifiques habituelles!

Sofia Lesaffre a davantage d’expérience, puisqu’on a pu la croiser dans Nous Trois ou Rien, Seuls, Les Misérables ou encore La Terre et le Sang. Elle donne de sa personne et de sa voix pour camper Lila, et honnêtement on va flipper à ses côtés avec une belle intensité! Finnegan Oldfield joue un personnage volontaire et capable de prendre les devants, avec là aussi un désir d’approfondir l’habituelle aspect lisse des protagonistes. Et que dire de Jérôme Niel, alias Monsieur Tutos, oui c’est bien lui sans la moustache! Si on s’attend à un rôle de bouffon, on va effectivement y trouver quelques scories mais l’acteur va nous gratifier d’un vrai bon personnage, attachant et évoluant au fil du métrage. Il se révèle vraiment très bon et ça fait plaisir de le voir embarqué dans un projet aussi qualitatif!

Tout ce beau petit monde va devoir se serrer les coudes pour survivre à l’infestation se répandant dans l’immeuble, avec un mélange de réalisme pur et de contexte série B qui happe à fond ! Oui dans les cités il y a des sales gosses, et il y a des gens biens. Le propos social n’est pas appuyé mais il est juste présent en léger filigrane, et ça change tellement des poncifs habituels avec tout le temps que des gens biens dans les films français. Sébastien Vaniček parle du réel, avec les problématiques classiques de cité comme la vétusté des installations, et il va s’en servir pour appuyer son propos flirtant avec le fantastique. Toute l’intelligence de l’auteur pourrait se résumer à ça : baigner dans un maximum de réalisme afin de rendre crédibles les plus grosses peurs qu’il a à nous offrir! Et dans ce registre, il a de quoi nous faire frissonner, avec des références ultra-assumées à des classiques comme la saga Alien ou Predator, le premier pour certains choix graphiques, le second davantage pour des utilisations sonores qui claquent! Mais ce qui est génial avec ce film, c’est qu’on va être amené à penser à ces références tout en étant conscient de la force avec laquelle Sébastien Vaniček gère son sujet. Vermines est un film résolument unique se suffisant à lui-même, et qui sera certainement amené à devenir lui-même une future référence! C’est tout le mal que je lui souhaite en tout cas…

Sébastien Vaniček nous embarque à ses côtés avec une aisance sidérante, alternant les tours de force visuels pour faire monter le stress au maximum. Il y a bien quelques baisses de régime par moments, mais dans l’ensemble, le film déroule très efficacement son propos, et on va garder en mémoire pas mal d’instants très précis que je ne vous dévoilerai bien évidemment pas ^^ Mais juste pour vous montrer un exemple, l’utilisation des miroirs donne pas mal de saveur par exemple lors d’une scène qu’Alfred Hitchcock aurait certainement apprécié! Et les petites bébêtes sont parfaites, tantôt assez grande pour faire flipper ou assez minuscules pour grouiller partout, et là encore, le film de cité prend tout son sens, avec une utilisation exemplaire du survêt à capuche ^^ Je me rappelle du très bon Kandisha de Maury et Bustillo, et je trouve qu’il y a dans Vermines la même volonté d’apporter une identité spécifique en mêlant cité et série B, et que le résultat est sacrément immersif, avec en plus un côté [REC] assumé!

Sébastien Vaniček va jouer comme un dingue avec l’architecture des lieux, va travailler à mort sur le son et sur les lumières, et va d’ailleurs même nous faire une sorte de partie macabre de 1 2 3 Soleil bien haletante !!! Franchement, ce film est exactement ce que j’en espérais, et je pense qu’il fonctionne diablement aussi bien car on doit avoir ingurgité les mêmes références et que ça fait tellement de bien de sentir une vraie vibe horrifique qui a ENVIE de faire stresser !!! Je vous invite vraiment à aller le découvrir en salles, ce serait bien si le bouche-à-oreille pouvait permettre à Vermines de se faire davantage connaître, car la période n’est pas forcément la meilleure pour sortir un film horrifique, mais il est tellement au-dessus du lot que ce serait dommage de le rater sur grand écran !!!

 

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