James Gunn sera donc parvenu à finaliser sa trilogie avant de partir remanier de fond en comble le catalogue super-héroïque de la Distinguée Concurrence. Fort du succès du premier film en 2014, puis de sa séquelle en 2017, il s’était également fendu d’un épisode intermédiaire des plus oubliables avec un téléfilm pour Disney +, histoire de capitaliser sur la vanne de Kevin Bacon. Mais aujourd’hui, le véritable 3ème opus est de sortie, et va concentrer à la fois ce qui se fait de mieux et ce qui se fait de pire chez Marvel, pour un voyage de 2h30 afin de sauver une énième fois le monde, ou l’univers, ou le Multivers je ne sais plus…
Cette critique risque de vous spoiler quelques éléments, donc je vous invite à ne pas la lire si vous souhaitez vraiment rester vierge de tout élément du film ^^ L’exercice de la critique sans spoil est vraiment très compliqué, et ne permet pas toujours de développer les raisons faisant que telle oeuvre soit agréable ou non. Je vais minimiser au maximum les révélations, en donnant parfois quelques indications me semblant nécessaires sans quoi tout serait vraiment trop nébuleux (et non ce n’est pas un jeu de mots). Tout commence de manière paisible sur Knowhere, avec une scène d’intro qui fonctionne plutôt bien, mettant en scène Rocket de manière classe tout en optant pour une certaine retenue. On a l’impression que James Gunn a envie d’opter pour une approche moins tapageuse, ce qui s’avérera vrai dans une certaine mesure. Mais aussi totalement faux dans une autre…
Le scénario va axer sa colonne vertébrale sur le personnage de Rocket, et là encore, ce n’est pas un mauvais jeu de mots. On va enfin en apprendre davantage sur son histoire et ses origines, James Gunn scénariste ayant vraiment à coeur de développer le potentiel de ce récit tragique et tenu secret jusque-là. A l’instar d’un Wolverine qui en comics aura mis du temps à révéler son passé, on va enfin connaître le cheminement l’ayant mené à devenir ce petit guerrier cynique et ravageur. Et le peu que l’on puisse dire, c’est que toute cette partie, dont les informations seront données avec parcimonie, est une réussite totale! Visuellement, le résultat est prenant, mais surtout, ça prend aux tripes émotionnellement! Et un Marvel qui nous prend par les sentiments, on n’avait plus vu cela depuis… Ben depuis bien trop longtemps! On sent l’attachement de James Gunn pour les créatures cabossées et les freaks, et cette sincérité doublée d’un réel talent dans l’écriture intimiste font que l’on ne peut qu’être déboussolé par cette histoire.
Mais là où un John Wick : Chapitre 4 de 2h49 aurait largement pu durer 2h de plus tant sa construction totale était incroyable, James Gunn va se perdre dans un mélange de volonté de satisfaire tout le monde et un cahier des charges marvellien à respecter coûte que coûte. Résultat : Les Gardiens de la Galaxie 3 est une créature hybride morcelée entre une véritable force émotionnelle et de trop longs passages boursouflés remplis de CGI et d’humour vraiment trop lourd… Avec une seule et unique exception, j’ai nommé Drax! Mais procédons par ordre. Avec une durée au compteur de 2h30, Les Gardiens de la Galaxie 3 prend l’eau à de multiples endroits, et il aurait mérité d’être amplement taillé à la serpe pour parvenir à rester centré sur cet excellent point de départ. Mais en l’état, il va partir dans plein de directions et de tonalités différentes, qui vont contribuer à abolir considérablement la force de caractère que sa proposition initiale apportait. En concentrant son histoire sur 1h45-2h, il aurait nettement gagné en impact et ne se serait pas perdu dans toutes ces circonvolutions inutiles…
Je mentionnais Drax car de l’ensemble de la saga, il est sans conteste l’un des personnages les plus emblématiques et surtout les plus drôles, mais dans un registre bien personnel et permettant de diluer l’humour MCU standard qui devient lui de plus en plus insupportable. Pourquoi jouer à ce point sur des éléments aussi dramatiques, et venir contre-balancer sans aucune raison avec des vannes d’une pauvreté aussi navrantes??? Je ne comprends franchement pas, mais Drax fonctionne comme une anomalie permettant de minimiser ce carnage, grâce à une véritable maîtrise humoristique de son interprète Dave Bautista, qui à l’instar d’un Ryan Reynolds adepte du surjeu nuancé et de l’ellipse, apporte de véritables notes d’humour, de celles qui nous font vraiment nous marrer en salle! Il est l’un des piliers de cette saga, et il possède quelques dialogues également avec Mantis qui s’avèrent réussis. Mais le reste de l’humour n’est pas du tout à la hauteur, et pire, vient constamment dénaturer les éléments plus émotifs et adultes proposés par le script. Comme s’il fallait s’excuser d’être aussi sérieux en imposant à tout prix un peu de légèreté, quitte à la passer au forceps… Ce qui n’est pas du tout la meilleure idée. D’ailleurs, petit détail en passant, mais James Gunn a vraiment un problème avec tout ce qui est corps passant dans un autre, enfin vous verrez bien ^^
Je suis obligé de vous parler de Warlock, puisqu’il est teasé depuis tellement longtemps. Déjà, le choix de Will Poulter pour incarner ce super-héros à la force cosmique me paraissait sur le papier une très mauvaise idée, et elle se trouve confirmée à l’écran, d’autant plus que le personnage est intégralement massacré dans ce film. Il incarne une certaine idée de la grandeur et de la puissance dans le monde des comics, et dans Les Gardiens de la Galaxie 3, il est juste… Ca… A tel point que je me pose une question essentielle : est-ce que j’ai préféré le personnage de M.O.D.O.K. dans Ant-Man et la Guêpe : Quantumania? Je n’ai pas encore assez de recul pour avoir la réponse…
J’avais complètement oublié qu’un autre personnage apparaissait dans ce film, en la personne du Maître de l’Evolution! On ne pourra pas dire que c’est une franche réussite là non plus… Ce simili-Samuel L. Jackson version low cost est une redite totale du Kang d’Ant-Man et la Guêpe : Quantumania, avec une chute vertigineuse face au charisme de Jonathan Majors, et constitue un ratage intégral tant l’acteur Chukwudi Iwuji est mauvais dans le rôle… Il n’est certainement pas aidé par une approche extrêmement manichéenne, mais quand on a déjà connu un bad guy de la carrure de Thanos capable d’éliminer la moitié de l’univers tout en parvenant à captiver les spectateurs, on touche le fond du panier ici avec cet individu qui n’est rien d’autre qu’un psychotique totalitaire complètement dément et narcissique. Rien de très neuf dans la galaxie Marvel, mais au moins, Jonathan Majors incarnait une certaine puissance dans un état d’esprit déréglé…
Dans Les Gardiens de la Galaxie premier du nom, il y avait une forme de désinvolture qui confinait au génie, et que Marvel n’a eu de cesse de tenter de retrouver de manière artificielle tout au long des métrages ayant suivi. A l’époque, il y a eu une conjonction de planètes et une liberté de ton qui ont fait de ce film la géniale anomalie qu’il constitue, et qui appartient clairement au passé. Le choix des musiques qui claquent, la mise en scène inspirée, l’alchimie entre tous les personnages… On retrouve ici et là quelques bribes de ces éléments, mais on les sent par moments sincères, mais trop souvent artificiels, à l’image de ces séquences étirées proposant des combats qui doivent juste en mettre plein la vue, au lieu de se focaliser sur un véritable point de vue… Il manque beaucoup de choses à ce 3ème opus, qui paradoxalement propose certainement l’un des récits les plus poignants de toute la trilogie. La manière dont Gunn gère ces parties est impressionnante, et en font un film dans le film qui vaut le coup d’oeil juste pour ça. Dégraissé de toute cette foire pyrotechnique et de tout ce matracage visuel, Les Gardiens de la Galaxie 3 aurait constitué une sublime fin de trilogie…