4 ans après Black Panther, Ryan Coogler est parvenu à nous livrer ce Black Panther : Wakanda Forever qui a la lourde tâche de donner des réponses suite à un événement tragique. La disparition de l’acteur Chadwick Boseman en 2020, alors qu’il était à peine auréolé du succès du premier opus, a modifié la totalité des plans initialement prévus, et fait de cette suite une oeuvre imprégnée par une certaine dose de réalisme. Ryan Coogler et son co-scénariste Joe Robert Cole ont dû intégrer la mort de l’acteur dans l’univers Marvel, en lui rendant hommage à travers la mort fictive du roi T’Challa. Cette double lecture se fera avec une certaine émotion et une belle volonté intimiste, autant que cela peut s’effectuer dans un blockbuster de cette envergure. L’exercice peut s’avérer périlleux, mais le traitement choisi fonctionne avec finesse.
Le premier Black Panther offrait une histoire relativement simple avec un héros qui n’avait pas autant de charisme que lors de ses apparitions dans Captain America : Civil War, Avengers : Infinity War et Avengers : Endgame, cet état de fait étant dû au fait de placer sa relation amoureuse avec Nakia comme un élément central. Sans être aussi catastrophique que le traitement du couple de Thor : Love and Thunder, cela ôtait néanmoins un certain impact à la puissance de roi T’Challa, avec ses hésitations sentimentales qui venaient plomber le récit. Aujourd’hui, on entre dans une oeuvre bien plus triste, dans laquelle prédominent les notions de deuil et d’héritage… Et après des mois à se coltiner des séries Marvel toutes plus minables les unes que les autres avec leur humour bas de plafond, en plus du Thor cité juste avant, ce film avec davantage de gravité et de sérieux apporte un contrepoint salvateur, en traitant un triste impératif imposé par le réel avec respect.
La mémoire de T’Challa, et par extension celle de Chadwick Boseman, traverse le film à travers des instants sincères, permettant à ce Black Panther : Wakanda Forever de se construire dans une direction très différente de celle prévue, mais en gardant un certain cap. La nation wakandaise a perdu son souverain, et différentes nations n’hésitent pas à profiter de cette faiblesse pour tenter de récupérer le secret du vibranium, ce fameux métal rare enfoui dans le sol de l’état africain. Mais il semblerait qu’un autre gisement existe ailleurs, ce qui pourrait bien créer de nouvelles tensions internationales… Ce concept de l’exploitation du minerai apporte une belle dimension aux enjeux géopolitiques majeurs, et est couplé avec l’apparition d’une race jusqu’ici méconnue, les Talokan. Si ce nom ne dit rien aux fans de Marvel, c’est tout à fait normal, car le studio a opté pour une stratégie d’adaptation puisque en 2018, du côté de la Distinguée Concurrence, Aquaman avait déjà fait sortir de l’eau les Atlantes. Cette race existant aussi dans les comics Marvel, Kevin Feige a décidé, afin d’éviter toute confusion, de ne pas utiliser le mythe d’Atlantis, mais de le transformer en se basant sur Tlalocan, issu de la mythologie aztèque. Par contre, le souverain de ce royaume sous-marin n’a pas perdu son nom, puisque il répond toujours à celui de Namor! C’est donc la première fois que le personnage créé par Bill Everett en avril 1939 est adapté en live!
C’est l’acteur mexicain Tenoch Huerta qui a la lourde tâche de porter le personnage sur ses épaules, et il donne une belle épaisseur et un certain charisme à cette transposition en mode aztèque. Il offre une prestation digne et une certaine aura à Namor, ce qui est suffisamment notable au vu du caractère emblématique du personnage, avec un background intéressant dévoilé en flash-back. La dualité et l’ambivalence du personnage fonctionnent bien, et on se retrouve avec un homme qui pourrait bien se révéler très dangereux. La caractérisation des Talokan est bien rendue, avec leur peau bleue et leur cité sous-marine, ce qui fait presque sourire en renvoyant indirectement au futur Avatar : la Voie de l’Eau ^^ Le traitement de la mythologie apporte une solidité à l’ensemble, et on se retrouve avec un nouveau pan de l’univers Marvel qui est traité efficacement.
Letitia Wright reprend son rôle de Shuri avec un mélange de force et d’émotions, et elle porte le film de manière efficace. A ses côtés, on accueille la nouvelle venue Riri Williams, qui a donc les honneurs du grand écran avant sa série Ironheart en 2023. Ses affinités avec Shuri sont intéressantes et elle amène un autre regard très technologique, dans un Wakanda pourtant pas en reste dans ce domaine. Il y a une certaine fluidité dans ce récit s’étalant pourtant sur 2h41, et malgré quelques longueurs, on suit cette séquelle avec attention et intérêt. Black Panther : Wakanda Forever est un brin au-dessus de son prédécesseur, grâce à la qualité de ses enjeux et à une certaine finesse de traitement, qui fait que l’on se retrouve face à un blockbuster efficace et avec ce petit supplément d’âme qui fait du bien. On est certes pas dans un film inoubliable, mais il remplit son office avec soin, et vient espère-t-on clore les chapitres trop niais ayant précédé…
Visuellement, le film offre une belle bouffée d’air frais technologique, entre la beauté de l’univers sous-marin, une certaine vision épique lors des batailles entre armées, et certaines armes bien high-tech. Ce mélange entre tradition africaine et avancées techno est l’un des aspects qui fonctionne le plus dans le film, et cela fait plaisir de voir que les acteurs parviennent à donner vie à ce monde fantastique de manière réaliste. Black Panther : Wakanda Forever est un chapitre du MCU ouvrant sur de nouveaux possibles enthousiasmants, qui sans être un film hors norme, parvient à nous maintenir dans son sillage sans peine.