Marvel 2099 (1992)

En ce moment, j’évoque pas mal les univers alternatifs chez Marvel, avec notamment les Marvel Zombies, Miles Morales, Gwenpool… Une envie de changer de monde peut-être, vu le contexte actuel du nôtre? ^^ En tout cas, si l’Univers-616 est déjà bien foisonnant, la multitude de dimensions alternatives élaborées par les scénaristes possède une très belle richesse également, et on va revenir aujourd’hui sur une ligne qui a eu son importance dans les années 90, avec l’Univers 2099. Comme son nom l’indique, il prend place dans un des nombreux futurs possibles, et débute dans l’année 2099 (Il s’agit plus précisément de la Terre-928). On y découvre une société dirigée par les conglomérats, dans laquelle le fossé entre les différents niveaux de population s’est accru, et où la pollution est une menace perpétuelle. On est en 2021 me direz-vous! Non non, ils avaient prévu plus large en fait chez Marvel…

Un univers bien dystopique donc, avec un état policier sacrifiant quotidiennement le bas-peuple pour conserver son pouvoir, et des luttes d’égos dans les hautes sphères entre les différents conglomérats régissant le monde : Alchemax, ECO, Synthia, Stark/Fujikawa, Pixel… Ce sont les GAFAM du futur, et ils ont à leur tête des individus peu recommandables, dont la sérénité va commencer à être mise à mal avec l’apparition de personnes aux potentiels hors normes. L’Age des Héros remonte au siècle dernier, mais se pourrait-il qu’une nouvelle ère super-héroïque soit sur le point de démarrer? Ce sont Stan Lee et John Byrne eux-mêmes qui ont eu l’idée de créer ce nouvel univers, qu’ils pensaient à l’origine comme une série unique, et qui sera finalement déclinée sur une multitude de titres inter-connectés.

En France, les séries présentées dans cet univers ont été réunies dans le mensuel 2099, qui démarra en 1993, avec Spider-Man 2099, Ravage 2099 et Fatalis 2099. Sur les 3 premiers héros, un seul n’était pas inspiré d’un personnage préexistant, Ravage, et au final, un seul aura un succès tel qu’il intégrera l’Univers 616, Spider-Man! Comme quoi, à toutes les époques et dans tous les univers, c’est toujours Spidey qui s’en sort le mieux! Enfin, sauf si on excepte le Peter Parker de l’univers Ultimate, mais ça, c’est une autre histoire! ^^ On commence donc par Spider-Man 2099, qui est incarné malgré lui par Miguel O’Hara, un généticien d’origine mexico-irlandaise, qui suite à une expérience qui tourne mal, va développer les pouvoirs d’une araignée! Ici, pas de piqûre de bébête radioactive, mais une tentative de modifier son ADN, et comme il travaillait sur les pouvoirs du Spider-Man d’origine (qui appartient donc à son propre passé), un de ses collègues tente de le tuer en mêlant l’ADN de Miguel et celui de Spider-Man. Avec un module inspiré du film La Mouche pour effectuer l’expérience, on craint évidemment pour le résultat… Mais celui-ci ne sera finalement pas monstrueux, même si Miguel va devoir faire face à des modifications très importantes de son ADN et de ses capacités physiques!

Ce sont Peter David et Rick Leonardi qui vont gérer les aventures de ce nouveau Spider-Man, et la paire va effectuer un travail remarquable! David est réputé pour son run sur The Incredible Hulk (avec un Eisner à la clé en 1992!), et il avait commencé à travailler chez Marvel sur la série The Spectacular Spider-Man! Rick Leonardi quand à lui a travaillé sur les séries Cloak & Dagger ou New Mutants, et possède un style très accrocheur! Son design de ce Spider-Man 2099 est excellent, et son travail sur le mouvement est d’une très grande fluidité! Ce sont certainement ses planches qui ont permis à la branche 2099 d’avoir un certain succès, et si le personnage avait un temps disparu, il est réapparu en 2013 en rejoignant la ligne temporelle principale, et en bénéficiant d’une nouvelle série par la suite! Peter David apporte une vision très sombre de cet univers 2099, et le travail élaboré avec Rick Leonardi permet de mettre sur pied des intrigues mêlant action et vie personnelle dans la droite lignée de ce que fait Marvel depuis 1961.

Il y a une vraie richesse dans le mélange des thématiques, et je pense notamment au traitement de l’assistante holographique Lyla, qui fait fortement penser au personnage féminin de Blade Runner 2049. On sent que ce personnage immatériel commence à ressentir des émotions, et on se demande bien si elle va développer une certaine humanité… Il s’agit ici d’une sous-intrigue peu à peu esquissée, mais qui enrichit le combat principal de Miguel face à Alchemax. On va croiser des bad guys comme Venture, le Spécialiste, mais aussi un Vautour version 2099 qui s’avère bien plus impitoyable que son prédécesseur! Peter David va placer quelques private jokes bien senties (comme lorsque Lyla prend l’apparence de Tante May!), et l’ensemble est d’une très belle solidité. On est dans du comics 90, donc avec encore une vision assez manichéenne, mais ça fonctionne vraiment bien et c’est un bon plaisir de lecture.

On passe à Ravage 2099, qui est écrit par… Nul autre que Stan Lee lui-même! Le maître s’occupe du scénario le temps de 8 épisodes, et Pat Mills et Tony Skinner assureront la transition. Ravage est donc le seul héros original, c’est-à-dire non inspiré de super-héros déjà existant. On retrouve une patte très 60’s dans l’élaboration du personnage, avec un changement d’existence radical pour Paul-Phillip Ravage, qui passe en un clin d’oeil de directeur d’ECO (une filiale d’Alchemax) à paria recherché par les autorités. Cette naïveté dans l’écriture fait toutefois partie du côté nostalgique qui se dégage de ce titre, avec également des méchants bien méchants et des gentils forcément très gentils. Et pourtant, au fur et à mesure de sa métamorphose, Ravage va devenir de plus en plus violent, et ne va pas hésiter à tuer ses adversaires. Si le visuel du personnage semble pas mal s’inspirer des héros de cinéma bad boys à la Kurt Russell (Snake Plissken notamment), Ravage possède un côté monolithique qui le rend pourtant attachant. Stan Lee et le dessinateur Paul Ryan vont mettre en place un pan de cet univers 2099 avec l’île maudite Hellrock et ses monstres, les Mutroïdes, et ils vont s’aventurer à New Atlantis dont les habitants veulent conquérir la surface. Le thème de la pollution revient très souvent dans cette série, ce qui dénote une fois encore à quel point Stan Lee s’intéressait aux problématiques réelles en les intégrant dans ses fictions!

On termine par Fatalis 2099, qui pose une question très intéressante: est-ce que ce personnage soudainement apparu est bien le monarque de Latvérie ayant régné au 20ème siècle? Ce Fatalis n’a que des bribes de mémoire, mais il est persuadé d’être le Victor Von Fatalis du siècle passé. Comment aurait-il survécu jusque-là? Comment va-t-il pouvoir s’adapter à ce nouveau monde? Des questions pertinentes auxquelles va répondre John Francis Moore, secondé aux dessins par Pat Broderick. Il y a une grande richesse dans ce titre également, avec notamment une immersion très prenante dans le cyber-espace! En effet, on est début des années 90, et l’informatique est un territoire offrant des possibilités insoupçonnées, avec notamment la réalité virtuelle (Le Tueur du Futur, ouaiiiiiis!). Le personnage de Wire est un spécialiste des voyages virtuels, et il se balade dans ce qui n’est pas encore décrit comme le web. Pour rappel, c’est le 30 avril 1993 que le web arrive officiellement dans le domaine public. On a donc dans cette série Fatalis 2099 une approche innovante de ce nouveau monde, et voir Wire surfer avec sa planche de surf dans ces royaumes quantiques est très intéressant! On va notamment y découvrir un bad guy au design bien classe, Fever, qui est en fait l’archétype d’un humain branché H24 dans le cyber-monde.

Outre cette plongée passionnante dans cette dimension impalpable, cette série va également développer de véritables enjeux géopolitiques, puisque Fatalis souhaite reconquérir son trône. Il va s’opposer à Tyger Wylde, tyran sans pitié ayant pris possession de la Latvérie, et va se retrouver face à d’autres conglomérats, dans une lutte de pouvoirs qui s’avère très bien écrite. On se pose évidemment la question de savoir si ce Fatalis est bien le vrai, et on va suivre ses aventures avec la tribu des gitans Zefiro à ses côtés. Le dessin de Pat Broderick laisse parfois à désirer sur les visages, avec des choix anguleux pas forcément appropriés, mais il donne toutefois une certaine stature à Fatalis et à sa nouvelle armure.

Bref, ce Marvel 2099 possède une belle aura nostalgique, avec ce futur très sombre dans lequel émergent de nouveaux héros. Car d’autres suivront, augmentant ainsi le bestiaire ce det univers : Punisher 2099, X-Men 2099, Ghost Rider 2099, Hulk 2099, et bien d’autres! Cette ligne éditoriale prendra fin en 1996, après plusieurs numéros spéciaux destinés à clore les aventures de ces héros. Mais pour ceux qui ont vu Spider-Man : New Generation, si vous êtes restés jusqu’au bout, vous avez pu avoir un aperçu de Miguel O’Hara 😉

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