N’écoute pas (Ángel Gómez Hernández, 2020)

Le catalogue Netflix propose régulièrement des nouveautés horrifiques, et parmi les innombrables titres inondant la plateforme au N rouge, nombreux sont ceux à ne pas mériter le détour. Mais on y décèle régulièrement quelques oeuvres au-dessus du lot, comme c’était le cas avec Wounds ou La Plateforme. Netflix a également la particularité de s’intéresser à des cinémas provenant de différentes nationalités, et met une fois encore en avant un film espagnol, qui est la première oeuvre du jeune Ángel Gómez Hernández. N’écoute pas (dont le titre français lorgne clairement du côté du British Ne te retourne pas) permet de retrouver une sensibilité ibérique à un niveau très intéressant, le metteur en scène maniant un certain classicisme tout en le mêlant à une modernité salvatrice.

Daniel, sa femme Sara et leur fils Eric emménagent dans une vaste demeure située en-dehors de la ville, et qu’ils souhaitent retaper avant de la revendre. Dès leur arrivée, le petit garçon de 9 ans va avoir un comportement étrange, prétendant entendre des voix à travers son talkie-walkie (le film se nomme Voces en version originale). Il va rapidement être de plus en plus effrayé par ce qu’il ressent dans cette maison, et ses parents se retrouvent démunis face à son attitude. Tout commence de manière relativement classique, avec une ghost story où l’enfant se révèle le catalyseur le plus aisé pour les mystérieuses présences. Sauf qu’Ángel Gómez Hernández va se servir de ce schéma typique pour nous emmener vers des bifurcations bienvenues, qui permettent de redonner un coup de fouet au genre. Ángel Gómez Hernández va donc osciller entre un savoir-faire hérité de tout un pan historique du cinéma d’horreur, et quelques évolutions permettant de moderniser l’ensemble.

On pense tomber dans des pièges vus et revus au gré des décennies, mais le réalisateur joue avec nos connaissances et nos sensations pour effectuer de légers décalages, permettant la création d’un stress bien réel et d’une vraie bonne tension. On va avoir droit à des séquences que ne renierait pas le James Watkins de La Dame en Noir, avec toute la finesse d’une mise en scène immersive. On a évidemment droit à quelques jump scares, mais qui là encore, s’avèrent plutôt bien dosés. Hernández va ainsi rythmer son oeuvre en immisçant une peur bien réelle et pourtant intangible, dans une veine Conjuring plus flippante que chez James Wan. Le choix de faire intervenir de nouveaux protagonistes est là encore intéressant, car elle va redonner une dynamique différente du début, tout en maintenant le cap du récit. On va assister à une chasse aux fantômes où les technologies permettent de véhiculer de bonnes doses de stress!

Ca fait bien plaisir de retrouver le cinéma espagnol à ce niveau, avec cette oeuvre qui ne cherche pas forcément à révolutionner le genre, mais qui parvient à y apporter un niveau sensitif des plus intéressants. En jouant sur l’angoisse provoqué par des sons indistincts, mais également par un travail sur les jeux d’ombre et sur la clarté des lieux, Hernández nous balade dans cette vieille demeure avec une réelle maîtrise de son sujet, et va encore le développer en jouant avec l’Histoire de manière plus générale. On retrouve des thématiques inhérentes à l’Espagne, qui permettent de donner davantage de crédit au récit. Il est souvent difficile de clôturer un film d’horreur, mais sur ce point encore, Hernández s’en tire vraiment bien, offrant une belle continuité à cette histoire flippante. Le jeune Lucas Blas est très doué, Rodolpho Sancho qui joue le père également, et les autres acteurs sont tout aussi investis! C’est assez marrant, mais l’actrice jouant la mère est une sorte de Rene Russo, tandis que celle jouant Ruth est un clone de Noomi Rapace ^^

Ángel Gómez Hernández va jouer avec la temporalité de ses séquences, afin d’optimiser leur impact et leur puissance émotionnelle. Personne n’est à l’abri de la mystérieuse présence rôdant dans cette maison, et les diverses manifestations permettent de belles expérimentations sensitives! Le travail sur la profondeur de champ, sur les focales, sur les ajustements sonores… Rien n’est laissé au hasard, et la précision du travail d’Hernández fait plaisir à découvrir! Ca fait du bien de trouver un film d’horreur capable de filer des frissons, et pas juste le temps d’une porte qui claque. Ici, on a un maintien de la tension effectué avec soin, et la chair de poule s’installe durablement!

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