Wounds (Babak Anvari, 2019)

Ce qui est plaisant avec les films sortant directement sur les plateformes, c’est que l’on n’est pas pollué par des bande-annonces qui vous dévoilent le contenu du film. J’ai donc découvert cette oeuvre estampillée Netflix de manière neutre, ce qui est très souvent la meilleure méthode pour se laisser surprendre! Je savais que le metteur en scène Babak Anvari avait réalisé Under the Shadow qui avait fait son petit effet en festival, mais je ne l’ai pas encore vu.

Tout commence de manière faussement calme, avec cette plongée dans le quotidien d’un barman et la découverte des multiples personnages gravitant autour de lui. L’atmosphère posée par Anvari est immédiatement prenante, offrant des reliefs intéressants aux protagonistes et ouvrant sur des tensions bien amenées. Sans savoir où Anvari veut nous embarquer, on est déjà conquis par son approche sensitive. Wounds (qui signifie « plaies ») va prendre son temps grâce à une écriture immersive, et on se retrouve face à une oeuvre qui va distiller des éléments à la limite du fantastique tout en respectant le travail effectué sur ses personnages.

Arnie Hammer (Lone Ranger, Naissance d’un Héros) s’avère très convaincant dans le rôle de Will, semi-loser végétant dans son boulot alimentaire tout en taquinant la bouteille chaque jour. Sa place lui donne une certaine légitimité vis-à-vis des clients, mais face à son ambitieuse petite amie étudiante, le fossé se creuse. Babak Anvari traite par son exemple de la dérive sociale d’un individu qui a arrêté d’avoir des ambitions, et qui se ment à lui-même afin de se ménager l’esprit. Le ton adopté est direct, et on assiste à ce quotidien morne et répétitif avec une certaine lucidité. Anvari va rompre cette spirale routinière avec l’oubli d’un portable par une cliente, que Will va récupérer. Il va découvrir des messages et des contenus perturbants sur l’appareil, et cela va enclencher des événements de plus en plus étranges dans son quotidien.

L’atout de Wounds est de proposer une plongée dans l’angoisse évitant les clichés habituels et les jump scares, et Anvari va négocier cette descente obscure avec un vrai talent. Le poids de la relation entre Will et sa copine va jouer dans sa façon de négocier les événements, et ce contexte social n’est donc pas simplement un prétexte mais participe activement à l’histoire, les acteurs renforçant encore efficacement cette tension. Dakota Johnson (la trilogie 50 Nuances de Grey, c’était elle) crée une distanciation intéressante et s’avère subtile dans sa manière de jouer Carrie. On sent que le couple est au bord de la crise mais et que le dialogue ne vient pas, et en même temps, on commence à sentir une autre tension dans leur appartement.

C’est comme si une menace sourde et intangible planait et se mettait en travers du couple, et les images subreptices entrevues par Will vont commencer à le perturber de plus en plus. Les événements liés au portable sont-ils réels, ou s’agit-il d’un mauvais canular? En tous cas, la normalité semble se craqueler chaque jour davantage, et les inquiétudes de Will grandissent rapidement. Anvari parvient à générer de vrais moments de tension avec une mise en scène très précise et anxiogène, et on se retrouve à retenir sa respiration en tentant de comprendre ce qui est en train de se passer. Le metteur en scène britannico-iranien évite toute surenchère pour se concentrer sur une angoisse sourde et immatérielle, et il le fait avec une très belle maîtrise. Du coup, je ne vous ai vraiment pas dévoilé grand-chose de ce long métrage, mais le but c’est de se laisser surprendre! 😉 Et moi je m’en vais regarder Under the Shadow maintenant! 🙂

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