Après une saison 4 correcte mais moins captivante que les précédentes, et un Black Mirror: Bandersnatch bien raté, il y avait de quoi émettre quelques doutes quant à la pertinence d’une 5ème saison… Surtout qu’avec l’engagement de stars comme Anthony Mackie, Pom Klementieff, Topher Grace ou encore Miley Cyrus, on pouvait craindre une simple blockbusterisation du concept et une baisse de régime du concept fondateur de la série. Mais il n’en est absolument rien, et cette saison 5 est tout simplement la pus captivante que j’ai pu voir!!! Le choix de revenir à 3 épisodes, ce qui était déjà le cas dans les 2 premières saisons, semble avoir été très judicieux en tout cas!!! Les 3 sont parfaits, chacun dans un genre très différent, et ils composent une symphonie brillante et envoûtante!!!
C’est donc avec une certaine appréhension que je me lançais dans le 1er épisode, Striking Vipers. Dès les premiers plans, on sent que le metteur en scène Owen Harris va nous emmener dans un récit très maîtrisé, et qu’il s’est totalement approprié le script de Charlie Brooker. Owen Harris n’est pas un novice, puisqu’il a déjà mis en scène Be right back et San Junipero dans des saisons précédentes, et il a aussi oeuvré du côté de Misfits lors de 3 épisodes de la seconde saison. C’est dans cet épisode que l’on retrouve Anthony Mackie et Pom Klementieff, tiens, qui sont 2 Avengers (Falcon et Mantis) !!! Ils sont accompagnés par Yahya Abdul-Mateen II, qui était excellent dans Us, et qui jouera dans la très attendue série Watchmen!
Striking Vipers va être une sorte de radiographie d’un couple contemporain, analysant de manière très approfondie les questionnements que peuvent avoir un homme et une femme vivant ensemble depuis de nombreuses années et ayant un enfant. Le piège du quotidien, les regrets de passer à côté d’autres histoires, ce mélange complexe d’unicité au sein de la cellule familiale, et de besoin de s’en évader… Danny (Anthony Mackie) et Theo se connaissent depuis très longtemps, et ont passé ensemble les étapes classiques d’un couple, avec l’emménagement, le mariage, la naissance de leur fils… L’insouciance des débuts a fait place à la responsabilité de maintenir la cohésion de la famille, avec notamment le boulot nécessaire mais dans lequel l’ennui domine, et cela semble peser de plus en plus sur les épaules de Danny, sans qu’il ose l’exprimer. Mais quand son pote Karl (Yahya Abdul-Mateen II) va lui offrir le jeu vidéo Striking Vipers, cela va totalement chambouler le morne quotidien de Danny!!!
L’innovation de ce jeu de combat à la Street Fighter, qui se joue en réalité virtuelle, va mener Danny et Karl dans une sorte d’addiction assez radicale, et ils vont passer de plus en plus d’heures nocturnes à se rencontrer dans l’arène. Quand les coups sont ressentis, c’est plutôt immersif, et c’est ce qui va provoquer le glissement progressif dans ce jeu. Les séquences de combat sont réellement impressionnantes, Owen Harris parvenant à capter l’essence même de ces jeux d’arcade, usant d’une mise en scène qui renvoie de très belle manière aux classiques du genre. Les mouvements de caméra ont été étudiés, le réalisme des lieux est impressionnant, et la gestuelle des combattants est parfaite!!! L’évasion dans le jeu vidéo afin de fuir un quotidien trop terne va vraiment prendre tout son sens, et d’une manière très étonnante et géniale!!! Charlie Brooker, le créateur de la série (et qui a écrit tous les épisodes depuis la saison 1!) mêle donc chronique sociale et street fight virtuel dans un récit foisonnant et d’une maîtrise totale, qui va nous mener dans une direction sacrément inattendue, ce qui est finalement très souvent le cas avec les épisodes de Black Mirror! Striking Vipers est parfait, et va soulever pas mal de questions chez le téléspectateur, qui retournera tout ça dans sa tête encore longtemps après!!!
On va avoir bien du mal à comprendre où l’épisode Smithereens veut aller, et ça encore, c’est une marque de fabrique très forte de la série! Ca fait tellement de bien de sortir des récits balisés où on vous explique tout dès le départ, où on sait tout de suite dans quelle catégorie se rangent tous les personnages, et où on ne fait que d’aller à un point A connu jusqu’à un point B connu trop longtemps à l’avance! Ici, on ne sait rien de rien, et on va progresser dans une histoire bizarre qui va devenir de plus en plus tendue… Et le réalisateur James Hawes gère à la perfection cette tension et cette évolution des plus étranges! Hawes a à son actif des épisodes de Doctor Who, Mad Dogs, Penny Dreadful, et l’excellent épisode Hated in the Nation de la saison 3 de Black Mirror! On ne comprend pas du tout où veut en venir le mystérieux Chris (Andrew Scott, qui jouait dans Sherlock), et on va découvrir au fur et à mesure ce qui se passe dans sa tête… Andrew Scott est excellent, et il va entraîner plusieurs protagonistes dans sa quête inconnue, pour ce qui est un épisode franchement captivant! Je ne peux évidemment pas raconter grand-chose, mais bordel qu’est-ce que c’est bon, et il y a pas mal d’émotions bien contradictoires, ce qui là encore prouve l’excellence du show de Brooker!!!
Que dire de Rachel, Jack and Ashley Too, qui est juste totalement dingue??? Le concept est énorme, le traitement est très astucieux, et le résultat est une trouvaille tout simplement sublime!!! C’est dans cet épisode que joue Miley Cyrus, et elle est bien plus importante qu’un simple faire-valoir pour la série!!! Elle joue Ashley, une chanteuse pop mondialement connue, et va s’auto-parodier avec un humour et une acuité impressionnants!!! Elle va mettre en avant les réelles difficultés de sa condition de star, le côté totalement enfermé dans lequel on peut se retrouver, quand on est un personnage public et qu’il ne faut surtout pas modifier son comportement, pour ne pas heurter les fans. Parallèlement à ça, on va suivre le quotidien de Rachel (Angourie Rice, excellente!), une ado de 15 ans totalement fan d’Ashley, et qui manque cruellement de confiance en elle. Elle vit avec son père dératiseur, et sa soeur adepte de metal, et se sent incomprise dans un environnement familial pas évident.
Et comme si ça n’était pas déjà assez compliqué à gérer, Charlie Brooker va incorporer la poupée Ashley Too, sorte d’intelligence artificielle basée sur la chanteuse Ashley! Rachel va bien évidemment vouloir cette poupée pour son anniversaire, et elle va devenir sa meilleure amie. Là encore, la dépendance aux nouvelles technologies est traitée avec une pertinence impressionnante, et Brooker va nous donner plusieurs pistes sans nous expliquer tout de suite sur quel terrain il veut aller. On a un côté léger, un autre plus inquiétant, et on ne sait pas trop où cela va basculer, jusqu’à ce que l’histoire évolue… La Norvégienne Anne Sewitsky va totalement intégrer le script de Brooker, et va faire de cet épisode une vraie petite merveille!!! Le traitement psychologique des personnages est excellent, la mise en images de cette poupée Ashley Too est géniale, et le mélange d’humour et de gravité fonctionne tellement bien!!! Là encore, je ne vais pas spoiler, mais les idées sont totalement innovantes, et voir Miley Cyrus jouer ce rôle s’avère complètement pertinent!!! Et la référence dans son tube musical est énorme!!! 😉
Une saison complètement dingue et totalement réussie, qui permet de se remettre dans ce chemin qui n’a rien de droit, et c’est tant mieux!!! C’est comme cela que l’on adore Black Mirror, et c’est ce regard unique et presque omniscient qui donne toute la saveur de ce chef-d’oeuvre qu’est cette saison 3!!!