C’est en relisant Anatomie de l’Horreur de Stephen King (critique à venir ^^), dans lequel il traite de ses influences littéraires, cinématographiques et autres, que j’ai eu envie de découvrir ce Prophecy – le Monstre de John Frankenheimer. Il ne fait pas partie des classiques horrifiques, mais est un de ces petits films passé au travers des décennies un peu en secret, et qui se révèle pourtant très intéressant! Avec son trip écolo et son approche d’une horreur en pleine nature, Frankenheimer nous invite à un voyage étrange en plein territoire indien!
Tout commence en pleine jungle urbaine, dans un quartier défavorisé qui fait penser au Wolfen de Michael Wadleigh, lequel sortira 2 ans plus tard! Les 2 réalisateurs partagent une certaine vision des mégalopoles, dans lesquels les habitants se débattent comme ils peuvent pour survivre. On va faire la découverte d’un médecin révolté par les conditions déplorables dans lesquelles vivent les habitants de ces quartiers, et qui a l’impression de ne parvenir qu’à colmater des brèches avant que cela éclate ailleurs… Robert Foxworth confère une personnalité très intéressante à Rob, qui a des positions très arrêtées sur certains sujets, justement parce qu’il a une vision très pessimiste de ce monde… Face à lui, Talia Shire (Adriaaaaaaaan dans la saga Rocky ^^) est une femme réservée dont les ambitions semblent bloquées par l’attitude de Rob… Dans ces circonstances, difficile de lui annoncer qu’elle est enceinte alors que lui ne souhaite pas avant d’enfant… Il y a de vraies problématiques dans leur couple, et chacun des personnages développe son point de vue avec justesse. Ils semblent à la fois opposés et pourtant attentionnés l’un envers l’autre…
C’est dans ce contexte délicat que Rob est appelé sur le site d’une papeterie située aux abords d’une rivière sauvage, afin de déterminer si l’usine représente une menace pour l’environnement. Là encore, on a des personnages qui ne sont pas tranchés et manichéens, le patron de l’usine n’étant pas l’archétype du boss écrasant tout le monde. Du coup, la première rencontre avec les Indiens vivant dans la réserve est surprenante, et la tension que Frankenheimer donne à cette scène est impressionnante! Les Indiens refusent que les voitures passent sur leur territoire, et le ton va rapidement se faire très menaçant de la part des gens de l’usine. L’intimidation va vite prendre de l’ampleur, et Rob découvre à quel point les enjeux sont dangereux! Armand Assante va jouer John Hawks, le leader des Indiens, avec une très belle présence et intensité!
Au-delà du film à tendance horrifique, Prophecy – le Monstre est avant tout une oeuvre écologiste, et on va découvrir comment Rob mène son enquête afin de déterminer ce qui provoque les problèmes physiques dans cette tribu. L’eau est-elle polluée par l’usine? Les difformités sont-elles dues à des produits chimiques? Frankenheimer nous montre le fonctionnement de cette papeterie en mode presque documentaire, ce qui renforce le réalisme de la situation. Et le mode film de monstre va s’insérer naturellement dans cette trame, conférant à la créature une nature très tragique. Née des produits chimiques, sa rage est celle d’une nature se rebellant contre l’humain destructeur. On se rapproche des enjeux de Long Weekend, le film australien de Colin Eggleston sorti l’année précédente, et où ce sont les éléments mêmes de la nature qui tentent d’éradiquer le fléau humain!
La mise en scène de Frankenheimer nous offre de très belles séquences, notamment celle bien stressante du souterrain, qui renvoie directement aux tunnels du Vietnam! Il parvient à jouer avec nos nerfs en étirant l’attente, les personnages se retrouvant piégés et devant être totalement silencieux s’ils veulent échapper à la bête. Ses cadrages très dynamiques avec des visages en avant-plan et en arrière-plan sont excellents, et on est au plus près d’eux pour ressentir leur terreur. Un autre exemple de la qualité de ce metteur en scène, avec ce plan du vieil Indien portant ses lunettes, et dans lesquelles se reflète le feu qui ravage un véhicule…
Il y a dans ce film une belle portée philosophique et une écriture très réussie, permettant de donner une certaine aura à cette créature qui forcément a pris un coup de vieux visuellement avec les années. Mais l’ensemble fonctionne vraiment bien, et Prophecy – le Monstre constitue une très belle petite surprise!