Millénium : ce qui ne me tue pas (Fede Alvarez, 2018)

Il aura fallu attendre 7 ans pour qu’une suite au Millénium : les Hommes qui n’aimaient pas les Femmes de David Fincher voit le jour… Qui lui-même était le remake du 1er volet de la trilogie suédo-danoise Millénium, le Film – les Hommes qui n’aimaient pas les Femmes de Niels Arden Oplev, qui sera suivi de Millénium 2 : la Fille qui rêvait d’un Bidon d’Essence et d’une Allumette et de Millénium 3 : la Reine dans le Palais des Courants d’Air, tous 2 signés par Daniel Alfredson. Les 3 films dataient de 2009, et passée cette période allant de 2009 à 2011, qui a été très faste pour les personnages des romans de Stieg Larsson, le calme est très vite revenu… Le Suédois nous avait livré une trilogie foisonnante et passionnante, dont les films initiaux reprenaient les titres, et il était bien parti pour créer une saga exemplaire et très dense. Mais la maladie l’a emporté juste après qu’il ait rendu le manuscrit du 3ème roman…

Ce qui n’a malheureusement pas mis un terme à la franchise, puisque l’éditeur s’est empressé de trouver un autre auteur pour poursuivre les aventures des personnages principaux… Un choix purement pécuniaire et que je réfute totalement, et je n’ai jamais tenté la lecture de Ce qui ne me tue pas et La Fille qui rendait Coup pour Coup, rédigés par le Suédois David Lagercrantz. Fait assez curieux, c’est un des romans de Lagercranz qui est choisi pour prendre la suite du 1er film américain. On passe donc directement au 4ème roman, en laissant de côté les 2 autres de Stieg Larsson… Si la version papier ne m’intéresse aucunement, la continuation des aventures de Lisbeth Salander sur grand écran m’intrigue davantage. Et après avoir vu une bande-annonce plutôt engageante, j’ai voulu découvrir ce qu’avait bien pu nous concocter Fede Alvarez.

Le metteur en scène uruguayen est plutôt bien établi dans le film de genre à Hollywood, puisqu’on lui doit le désastreux Evil Dead et le plus sympathique Don’t breathe – la Maison des Ténèbres, et qu’il semble attaché à la suite du Labyrinthe de Jim Henson, film qui a bercé l’enfance de nombreux mômes dans les années 80. Outre le fait de choisir le 4ème roman comme point de départ, plusieurs aspects très curieux font de ce film un challenge assez étrange. On dit adieu à Rooney Mara et Daniel Craig dans les rôles de Lisbeth Salander et Mikael Blomkvist, ce qui est quand même une sacrée perte… Et on va se concentrer davantage sur Lisbeth que sur Mikael, qui devient un simple personnage secondaire, sans grande envergure d’ailleurs. Il faut dire Sverrir Gudnason (qui interprétait Björn Borg dans Borg McEnroe) n’a clairement pas la carrure de Daniel Craig, et que le choix de rajeunir le personnage lui ôte déjà pas mal de charisme… Quant à Claire Foy (The Crown) qui endosse le rôle de Lisbeth, on ne peut pas dire qu’elle nous fasse oublier Rooney Mara non plus… Et si on veut aller plus loin encore, les 2 acteurs ne nous font pas oublier non plus les excellents Noomi Rapace et Michael Nyqvist des films originaux!

Ce Millénium : ce qui ne me tue pas a donc de quoi désorienter et intriguer, avec ses partis-pris narratifs casse-gueule et ses choix de casting atypiques… Sans un David Fincher à la barre, on se doute que le résultat sera bien moins percutant, et la production a de toute façon revu ses ambitions à la baisse, allouant à cette suite la somme de 40 millions de dollars, contre 90 pour le Fincher. Une manière de réévaluer le potentiel de la saga, en créant une suite qui prend des airs de reboot, histoire de tâter le terrain pour une éventuelle continuation qui s’affranchirait finalement de l’aura du réalisateur de Seven. On se retrouve donc face à un produit hybride, qui vit à la fois dans l’ombre de son aîné, tout en essayant de trouver son propre rythme et ses propres enjeux. Si le concept est risqué, Fede Alvarez ne démérite pourtant pas, et nous livre une oeuvre que l’on sent tiraillée dans ses ambitions, mais qui parvient à capter l’attention avec un récit prenant et un traitement sincère.

Le piège aurait été de simplement vouloir reproduire ce qui faisait l’excellence du film de Fincher, mais Alvarez et son staff ont choisi de proposer leur propre atmosphère, qui s’avère d’entrée de jeu réussie. La scène d’ouverture est bien jouissive et pose le personnage de Lisbeth dans son rôle de justicière badass, histoire de bien la mettre dans la poche du spectateur, mais sans que cela soit arbitraire ou gratuit. L’écriture est assez intéressante pour que l’on ne souffre pas trop de la reprise du rôle par Claire Foy, qui certes fait le job, mais qui a aucun moment ne retrouve l’aura sublime d’une Noomi Rapace ou d’une Rooney Mara. Une fois que l’on accepte le fait qu’elle ne fait qu’endosser ce rôle sans retranscrire la puissance émotionnelle et brute des 2 actrices pré-citées, on est alors prêt à suivre ses aventures de manière plus distanciée, tout en appréciant l’intrigue développée et le soin apporté à l’atmosphère de ce thriller enneigé. Fede Alvarez nous livre une oeuvre qui se suit de manière très agréable, sorte de croisement féminin entre Jason Bourne et Mission : Impossible, bénéficiant d’une belle fluidité d’écriture de la part de Jay Basu, Fede Alvarez et Steven Knight.

C’est dans cette écriture sincère que le film va puiser sa force, et que Fede Alvarez va pouvoir nous intéresser à cette histoire très personnelle pour Lisbeth. Tandis qu’un dispositif de contrôle planétaire des armes nucléaires disparaît, elle va tout faire pour remettre la main dessus et empêcher une catastrophe mondiale. Le ton adopté par Alvarez est sombre et défaitiste, et il va conserver une très belle homogénéité dans les différents types de scènes émaillant son récit. Les poursuites motorisées vont s’avérer prenantes, les impacts des combats au corps-à-corps sont bien violents, et les oppositions entre Lisbeth et l’ennemi sont bien amenées. Alvarez nous offre un propos prenant tout en le revêtant de beaux atours graphiques, ce qui n’est pas négligeable. Du coup, ce qui apparaît sur le papier comme une aventure mineure de Lisbeth Salander en ressort de manière plus positive, même si elle n’atteint certainement pas le niveau du Fincher ou du Oplev.

Les choix de Sylvia Hoeks (Blade Runner 2049) et de Lakeith Stanfield (Snowden, Atlanta) sont encore des atouts supplémentaires permettant de solidifier ce projet qui n’était pas des plus évidents de prime abord. Ce Millénium : ce qui ne me tue pas n’est donc pas un film inoubliable, mais il s’avère bien plus réussi que ce que l’on pouvait attendre, et il est au final un thriller efficace qui mérite d’être vu.

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