Third Person (Paul Haggis, 2013)

Réputé pour son très bon Collision, Paul Haggis poursuit dans la veine du film choral avec ce Third Person très particulier, dans lequel il développe une ambiance douce-amère sans que l’on parvienne à deviner où il va mener l’ensemble de ses personnages. On croirait regarder un film adapté d’un roman, mais c’est simplement la plume de Paul Haggis qui donne cette tonalité typique que l’on retrouve dans son œuvre.

S’il a commencé à écrire pour la TV dans les années 80 avec La Croisière s’amuse ou Arnold et Willy, il est même curieusement à l’origine de la création de Walker, Texas Ranger, pour lequel il a écrit une soixantaine d’épisodes! En 2004 s’opère le tournant Collision, qui est sa première mise en scène ciné, qu’il a bien évidemment écrit. Depuis, il a rencontré Clint Eastwood pour lequel il a écrit le diptyque Mémoires de nos Pères et Lettres d’Iwo Jima, ou encore James Bond pour lequel il a scénarisé Casino Royale et Quantum of Solace.

Paul Haggis aime donc les tranches de vies qui s’entremêlent, et son Third Person va nous présenter toute une galerie de personnages traversant des instants difficiles. On a la jeune femme qui doit se battre pour récupérer la garde de son fils (Mila Kunis, excellente), un homme qui va aider une étrangère dont le fils est retenu par une bande (Adrien Brody, impecc comme d’ab), un écrivain en perte d’inspiration (Liam Neeson, lui aussi très bon), une femme aussi pétillante qu’insaisissable (Olivia Wilde, belle et fatale)… Ajoutez à cela James Franco, Maria Bello et Kim Basinger, et on a une demi-douzaine de destins qui vont plus ou moins s’entrecroiser dans les capitales que sont Paris, Rome et New York.

Liam Neeson entre avec beaucoup d’aisance dans la peau de cet écrivain en perte de vitesse, à la fois fatigué et amusé par cette femme avec qui il entretient une relation plutôt chaotique. Cela donne lieu à des moments bien drôles, mais le doute se réinstalle assez rapidement. Qui est-elle vraiment, et pourquoi entretient-elle cette distance? Le rôle va parfaitement à Olivia Wilde, qui use de sa beauté pour faire chavirer le cœur de l’écrivain avec un mélange d’amour et de cruauté.

Il y a une vraie élégance dans la présentation des personnages, dans le traitement qui leur est insufflé, et on navigue entre des moments intimistes parfois drôles, parfois délicats, parfois difficiles. La scène d’amour entre Adrien Brody et la mystérieuse jeune femme est très belle, le désespoir de la jeune mère qui ne peut plus voir son fils est touchant, le secret de la femme fatale incarnée par Olivia Wilde est très triste… Paul Haggis compose sa symphonie avec une vraie maîtrise qui lui permet de ne pas créer des êtres artificiels, mais de leur donner une consistance permettant de véhiculer des émotions. On est touché par ce qui leur arrive, et on est emporté dans ce rythme lancinant, fait d’un mélange de beauté et d’inéluctabilité.

Third Person est une sorte de poème à la fois grave et universel, un instantané de plusieurs existences qui avancent sans que l’on puisse les stopper, et surtout sans que l’on puisse deviner ce qui va se passer. Paul Haggis ne cède pas à la facilité, et nous offre un film envoûtant et mystérieux, tout en restant dans la lignée de son Collision.  En explorant ces diverses personnalités en quête d’amour, de reconnaissance ou de rédemption, Paul Haggis nous invite à examiner les notions de culpabilité, de pardon et de don de soi à travers un prisme multiple, dans lequel les histoires vont s’enrichir grâce aux autres. Et le film se clôt sur un excellent morceau signé Moby!

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