Avec Collision, Paul Haggis suit le sillage du Short Cuts – les Américains de Robert Altman, en proposant lui aussi une vision introspective d’une poignée d’habitants de Los Angeles dont les vies vont s’entremêler durant quelques heures sans que ce fil du destin ne soit perçu. Collision est un film choral au casting impressionnant qui va voir se débattre quelques être humains aux prises avec leur quotidien, dans une vision critique d’une certaine Amérique, et un point de vue contemplatif de tous ces événements.
3 ans avant le soporifique Dans la Vallée d’Elah, Paul Haggis réalisait un film captivant qui développe toute une galerie de personnages tentant de contenir leur quotidien et de maîtriser leurs émotions. Chacune de leurs histoires va avoir un impact sur une autre, et le mouvement perpétuel initié par Haggis va nous faire passer d’un personnage à l’autre, sans forcément comprendre tout de suite comment ils sont interconnectés. Il y a une très belle vision de ces individualités se débattant dans leur quotidien, avec une frénésie atténuée par la mise en scène plus globale et calme d’Haggis. Sa vision est proche de celle d’un entomologiste observant une colonie de fourmis oeuvrant chacune avec son rôle prédéterminé, et ayant au final un impact sur l’ensemble de la population.
Collision traite du racisme de manière très directe et sous toutes ses formes, qu’il soit dirigé vers les Blacks, les Hispaniques ou les Maghrébins. Chacun des personnages a sa propre vision du racisme, qu’il subit ou qu’il véhicule, et ces différentes collisions de points de vue vont avoir des répercussions diverses. Entre un couple de bourgeois, un duo de voleurs de voitures blacks, un serrurier hispanique, une famille d’origine maghrébine qui souhaite faire vivre son commerce, un flic désabusé, un autre novice, chacun va vivre sa propre expérience, et va devoir se sortir d’une situation pas forcément méritée mais qui va révéler ses propres faiblesses et capacités. Doute, méfiance, amour, rédemption, Haggis brasse des thèmes universels dans un maelstrom très réussi, accompagné par des acteurs très talentueux: Sandra Bullock, Don Cheadle, Keith David, Matt Dillon, William Fichtner, Brendan Fraser, Terrence Howard, Ludacris, Thandie Newton, Michael Pena ou encore Ryan Phillippe composent un casting haut de gamme pour ce très beau film à l’ambiance captivante.
Au travers de ces différents récits, Paul Haggis véhicule des émotions à la fois basiques et complexes. La vision d’une femme emprisonnée dans une voiture en proie aux flammes crée une sensation directe et forte, et l’identité de son sauveur va jouer sur un registre beaucoup plus complexe au vu de ce qu’ils ont vécu auparavant. Haggis joue constamment sur ces deux niveaux, offrant un film faussement simpliste mais qui se sert du hasard et du chaos pour construire un récit très dense et puissant émotionnellement. Qu’il s’agisse de scènes stressantes comme un accident, ou intimistes comme celle d’un père discutant avec sa fille, il y a une vraie poésie urbaine qui traverse ce film pour composer une oeuvre à la fois belle et intense.