Joe R. Lansdale est sans conteste mon auteur préféré, ce bon vieux Texan parvenant à instiller une bonne dose de réel dans ses romans toujours hauts en couleur. Le bonhomme a été chercheur d’or, fermier, plombier ou encore charpentier, et fait partie de ces individus bien complets à l’aise autant avec les mots qu’avec des outils! A travers son oeuvre, on ressent constamment la dure réalité de l’East Texas, et dans des atmosphères toujours travaillées, il nous fait rencontrer des personnages au verbe coloré et aux actes étonnants!
Le Sourire de Jackrabbit est le 20ème roman que je lis de cet écrivain compulsif, et il poursuit les aventures déjantées du duo Hap et Leonard, 2 Texans pur jus à qui on ne la fait pas. Les romans de cette série sont parmi les meilleurs bouquins que j’ai pu lire, et je me surprend à chaque fois à rire tout seul sans pouvoir me retenir ^^ Bon, ça, c’était jusqu’à ce dernier bouquin… Parce que la différence est significative, et ce Sourire de Jackrabbit m’en a à peine fait esquisser 2 ou 3 sur la totalité du livre… On sent un manque d’inspiration assez évident et une baisse de régime très visible, tant au niveau de l’humour que dans le récit, qui recyclent tous 2 des éléments déjà vus auparavant. En principe, je me force à reposer le bouquin pour ne pas le lire trop vite, là c’était l’inverse, j’ai dû me forcer pour enfin réussir à le terminer…
Hap et Leonard qui doivent retrouver une jeune fille disparue, ça a déjà été vu dans Tape-Cul ou Honky Tonk Samourai, et il ne va vraiment rien y avoir de neuf dans cette nouvelle recherche de disparue. On sent presque les personnages s’assagir sous la plume de Lansdale, alors qu’on adore les voir bastonner du Ku Klux Klan, des rednecks ou des bikers dès que l’occasion se présente. Bon, Hap et Leonard vont encore avoir droit à quelques rencontres désagréables, mais le ton est moins percutant et les situations offrent un sentiment de déjà vu… Joe R. Lansdale aurait-il effectué le tour complet de son inspiration?? J’espère que non, mais le résultat avec cet ouvrage est sacrément décevant.
Hap et Brett se sont enfin mariés, mais leur fête est interrompue par une mère et son fils à la recherche de leur fille/soeur. Un duo bien raciste qui va donc avoir du mal à se dire qu’ils vont embaucher Leonard pour enquêter… L’entrée en matière est intéressante, avec ce défi entre Leonard et le bouseux, mais on sait pertinemment qu’ils vont accepter de l’engager afin de retrouver Jackrabbit… Déjà, on sent un suspense qui n’en est pas vraiment un, et un premier aspect artificiel pointe à l’horizon…
Mais c’est l’ensemble de l’enquête qui va tourner en roue libre en semblant singer plusieurs séries télé, à commencer par Banshee, avec un bad guy ressemblant quand même fortement à Kai Proctor. En plus, il s’appelle le Professeur, ce qui évoque directement La Casa de Papel. Et on a encore quelques références à Breaking Bad, avec les personnages des jumeaux par exemple. A intervalle régulier, on sent donc des emprunts à la culture populaire, là où Joe R. Lansdale créait tranquillement sa propre culture populaire. C’est également cet aspect qui ajoute à la déception de ce roman, car on ne sent pas l’inspiration initiale traversant les aventures d’Hap et Leonard.
Pareil pour le style, qui s’avère bien plus plat et convenu qu’à l’accoutumée, ce qui fait quand même mal pour un auteur de cet acabit… Il reste néanmoins quelques légères traces de son style habituel disséminées par-ci par-là, comme ici : « Elle n’avait pas de maquillage, pas même de rouge à lèvres ou un trait d’eye-liner. D’après certaines idées religieuses, les questions de coiffure et de maquillage mettaient Dieu et Jésus dans tous leurs états, alors qu’ils étaient incapables d’arrêter une guerre ou d’éradiquer une maladie. Je me dis qu’il y avait peut-être un truc qui clochait dans les priorités de Dieu. »
Plus le bouquin avance, moins on s’intéresse à la résolution de l’enquête, et les personnages rencontrés obéissent à certains poncifs alors que d’habitude, Lansdale nous dévoile une galerie savoureuse de Texans pur jus. On survole ce roman sans vraiment y sombrer, et on arrive au bout avec une sensation d’amertume, en espérant que le prochain (The Elephant of Surprise), remette un coup de fouet au duo! Et mention spéciale aux couvertures, qui depuis maintenant 3 romans en version poche, sont signées Joann Sfar (l’auteur de Petit Vampire), et qui sont tout simplement dégueulasses.