En 2002, M. Night Shyamalan était encore en odeur de sainteté à Hollywood, jeune metteur en scène prodige sortant de Sixième Sens et Incassable. Il convoque Mel Gibson et Joaquin Phoenix pour un thriller surnaturel bien stressant, et qui n’est pas sans rappeler quelques productions Amblin au passage! Shyamalan est un fan du réalisateur d’E.T., l’Extra-Terrestre, et décline une mise en scène qui renvoie assez régulièrement à Steven Spielberg. Le jeu des cadrages qui replacent les personnages dans leur environnement en faisant bien comprendre qu’ils en sont dépendants, les travellings qui appuient cette inter-dépendance, il y a vraiment quelque chose de Spielberg dans la narration de Shyamalan, bien que ce dernier n’hésite pas à appuyer l’accent horrifique.
Signes pourrait se voir comme un pendant inquiétant d’E.T., l’Extra-Terrestre, et l’aspect film familial cher à Spielberg est ici teinté d’une certaine noirceur. Shyamalan va jouer intelligemment avec ce mélange de sensations, pour nous livrer un film axé davantage sur le suspense que sur la démonstration. Tiens, cette économie de moyens rappelle un certain Les Dents de la Mer… Steven Spielberg avait fait frémir les spectateurs à l’époque en 1975, en jouant davantage sur le suspense que sur la surenchère. M. Night Shyamalan va oeuvrer sur le même terrain, en dévoilant très peu la nature de la menace, et en mettant l’accent sur sa présence diffuse et inquiétante! Un procédé qui fonctionne toujours très bien lorsqu’il est entre les mains d’un très bon cinéaste, et c’est encore le cas à l’époque de Signes.
On sent toutefois que la précision n’est plus la même que pour son chef-d’oeuvre Incassable, et qu’il y a parfois des plans inutiles ou moins travaillés, là où chacun avait son utilité et offrait un impact dans son film précédent. Mais Shyamalan va se faire plaisir et va nous faire frissonner à l’ancienne, en filmant ces champs dans lesquels le vent bruisse, et où quelque chose semble tapi sous les épis… Vincenzo Natali gère lui aussi très bien ce procédé visant à donner une consistance inquiétante à la nature, comme on a pu s’en apercevoir avec le très bon Dans les hautes Herbes! Shyamalan sait comment impacter le spectateur au maximum, et il va entraîner Mel Gibson et Joaquin Phoenix dans ces champs en les faisant flipper de plus en plus, et nous aussi par la même occasion!
Mel Gibson s’avère très bon dans le rôle de cet ancien pasteur esseulé, et à ses côtés, Joaquin Phoenix est très bon comme d’habitude, et les jeunes Rory Culkin et Abigail Breslin (le frère de Macaulay Culkin et la gamine de Bienvenue à Zombieland!) sont très crédibles dans le rôle des gamins, ce qui va encore une fois dans un sens très spielbergien, où la vision enfantine est souvent prédominante! Shyamalan va développer une très forte importance familiale, et on va être pris dans de vraies émotions au fur et à mesure de l’avancée du récit. Les relations entre les personnages sont très belles et très intenses, et nous mettent limite les larmes aux yeux par moment!
Shyamalan va traiter la thématique de la religion et de la foi, et va en proposer un traitement intéressant, amené par des dialogues semi-philosophiques qui font sens au vu des événements en train de se dérouler. Il va également traiter du prisme de la télévision, avec les dérives qu’elle entraîne et la déformation qu’elle peut engendrer au niveau de l’information. Et ce qui est impressionnant, c’est qu’il va même utiliser ce prisme pour filmer la nature de la menace! La surface réfléchissante de l’écran est un beau miroir de nos peurs profondes, et ça ne déplairait pas aux créateurs de Black Mirror, non? ^^ Shyamalan va jouer avec le spectateur, en lui bouchant la vision à certains moments, comme lorsque Gibson et Phoenix sont en train de clouer des planches. Ca renvoie au vieux procédé de 3D à l’époque, qui jouait directement avec le spectateur, comme c’était le cas dans Meurtres en 3 Dimensions! ^^
Signes est un film qui fonctionne toujours près de 20 ans après, et qui nous enlace agréablement dans une atmosphère inquiétante, et on se plaît à arpenter ses immenses champs et les couloirs de cette vieille maison perdue!