Hulk (Ang Lee, 2003)

Hulk - Film 2003 - AlloCiné
(Reprise de ma critique datant du 26 juin 2008 sur Salem Center)
On peut trouver ses films précédents fades et ennuyeux, mais le choix d’Ang Lee sur le projet Hulk reste néanmoins intéressant. Si son Tigre et Dragon était bien loin d’être la quintessence du cinéma de Hong-Kong et si ses plus anciennes pellicules comme Salé sucré sont d’un profond ennui, le fait de lui donner les commandes de ce blockbuster est à la fois surprenant et prometteur. Le traitement aura au moins le mérite d’être original avec cet homme habitué à des registres plus intimistes que spectaculaires.
En ce sens, Ang Lee part dans la même direction que le couple Stan Lee– Jack Kirby lors de la genèse du personnage de comics en 1962. L’impact psychologique de l’apparition de cette créature est aussi important que les dégâts matériels et les combats titanesques qu’elle va provoquer. Mais la naïveté teintée de propagande américaine en pleine guerre froide laisse place dans le métrage d’Ang Lee à des drames intimistes mêlés à des velléités militaires actualisées.
Hulk (2003) - IMDb
La genèse même du monstre souligne cette approche à la fois frontale et délicate du sujet. Dans le comics, Hulk était né de l’explosion d’une bombe Gamma qui avait tout d’une vision apocalyptique, manifestation vivante du danger atomique. Dans le film, l’irradiation de Bruce Banner se passe dans le labo d’une école, et seules trois personnes assistent à la scène. Un choix scénaristique évitant le spectaculaire mais cadrant davantage avec le combat personnel qui va s’engager entre les deux entités Banner-Hulk. Ce qui est préfiguré dans le générique avec ses manipulations génétiques va progresser jusqu’aux répercussions psychologiques qui en résultent. Et c’est là que le film d’Ang Lee trouve son redoutable angle d’attaque: Hulk en tant que manifestation physique de l’inconscient de Banner. Le combat du jeune scientifique n’en est que plus palpitant et ses liens avec sa collègue Betty Ross n’en sont que plus fragiles.

Avis impopulaire ? En 2003, Hulk était le meilleur Hulk CGI. Je suis peut-être partial parce que c'est de loin mon film Hulk préféré, mais pour un film sorti il ​​y a
Hulk est en quelque sorte un film psychanalytique, centré sur les effets du refoulement de souvenirs traumatiques et sur la volonté inconsciente de se retrouver face à ses démons. Les carences émotionnelles de Banner et sa constante retenue vont finir par céder pour révéler toutes ses frustrations et toute sa colère. Les cadrages serrés des acteurs et une écriture fluide nous immiscent sans peine dans cette aventure humaine, mais Ang Lee n’occulte pas pour autant le potentiel spectaculaire de son sujet; et si la relation Bruce-Betty est des plus touchantes, les apparitions de Hulk restent bien fracassantes.
Les scènes de combats contre l’armée sont visuellement bluffantes et voient le géant vert démonter des tanks et des hélicoptères, bondir à travers les étendues désertiques ou encore détruire une rue de San Francisco avec la puissance d’un tremblement de terre. Les effets spéciaux sont excellents et le réalisme de ces scènes est parfait, allié à l’excellente partition de Danny Elfman.

NATURALISTIC! UNCANNY! MARVELOUS!: HULK (2003)
Eric Bana est parfait dans le rôle de Bruce Banner et parvient à faire ressentir les émotions troubles qui agitent son personnage; Jennifer Connely est comme d’habitude excellente et insuffle une fragilité désarmante au personnage de Betty Ross, lui conférant un rôle bien plus important que son personnage dans le comics originel. Sam Elliott est la copie conforme du général Ross au poil de moustache près. Seul le personnage du père de Bruce Banner est irritant; ce vieux scientifique dégénéré joué par Nick Nolte est l’incarnation de l’assoiffé de pouvoir aigri, et Nolte en fait des caisses. Mais ce personnage est nécessaire dans le récit puisque l’accent est mis sur les relations père-fils et père-fille, Bruce affrontant son père dans un combat quasi-oedipien et Betty affrontant son général de père pour s’affranchir de son autorité et trouver sa liberté.
Hulk est une œuvre majeure combinant efficacement le spectaculaire et le microscopique, passant de la colère à la douceur avec une facilité désarmante; le traitement visuel proche de la BD n’a rien d’artificiel et les split-screens ou les fondus renforcent les liens entre les personnages et les séquences. L’exemple de l’écran partagé entre le général Ross et sa fille, puis la partie du général chassant celui de sa fille souligne sans ambiguïté cette soumission à laquelle elle est encore contrainte. Ces détails visuels sont nombreux et parsèment le film comme autant d’indices inconscients, obéissant à la théorie des rêves déguisant le réel pour tenter de le rendre conscient.

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A l’heure où L’incroyable Hulk s’apprête à envahir les écrans, il faut signaler à ceux qui ne le savent pas que le film de Louis Leterrier s’affranchit complètement de celui d’Ange Lee, les producteurs préférant oublier son succès mitigé. Il me paraissait important d’en reparler justement, car même s’il n’a pas rapporté assez de dollars, Hulk est un film génial qui ose s’aventurer dans des directions rarement explorées pour un blockbuster. Et en plus, c’est fait avec énormément de talent.

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