En l’espace de 7 ans (de 2008 à 2015), JT Mollner a réalisé 7 courts métrages, avant de se lancer dans le long en 2016 avec Outlaws & Angels. Il aura attendu 7 ans avant de mettre en scène son second long, ce Strange Darling dont on va parler aujourd’hui. C’est toujours surprenant de tomber sur un réal capable d’arriver à ce niveau-là lors de son premier ou second film, et la découverte de ce Strange Darling a donc été une belle leçon de cinéma, tant au niveau de la mise en scène que de l’écriture, laquelle a aussi été assurée par JT Mollner. De manière générale, je ne suis pas très friand des films ou séries centrés sur des tueurs en série, et j’avais initialement commencé Strange Darling avant de l’arrêter au bout d’une dizaine de minutes. La mise en scène m’avait pourtant happée, mais l’aspect trop glauque et malsain des premières images ne m’avaient pas donné envie de poursuivre. Mais la mise en scène utilisée par le réalisateur me revenait en tête, et je me suis décidé à le relancer. Ce qui a été une excellente initiative!
Strange Darling va nous raconter les agissements d’un tueur en série, ce qui finalement est très (trop) à la mode de nos jours, mais JT Mollner fait preuve d’une mise en scène très inventive et sacrément immersive, ce qui m’a permis de dépasser les à-prioris de ma première tentative. Avec la mention « tourné en 35 mm », son plan sur cette femme fuyant au ralenti avec cette belle musique en fond, on sent d’emblée qu’il y a une patte derrière ce film et que l’on peut être face à une oeuvre qui va aller plus loin que la simple évocation de l’histoire vraie d’un tueur. Et lors de cette seconde tentative, j’ai donc été immédiatement pris dans cette séquence de poursuite filmée avec une précision optimale, et qui pourrait en remontrer à pas mal de réalisateurs soit-disant spécialisés dans le cinéma d’action! Bon, maintenant que j’ai dit ça, il faut quand même que je vous prévienne de ne lire aucun (autre) article sur ce film, vous risquez de perdre pas mal de bénéfices de cet excellent film!
Parce que si la mise en scène est impressionnante, le sens de l’écriture de Mollner l’est tout autant, et son choix de scinder le film en 6 chapitres s’avère très judicieux. Sa façon de gérer le chapitrage participe activement à la forte tension du film, et on se retrouve dans une sorte de survival de toute beauté! Sa façon de filmer la nature renverrait presque à Predator, et on peut aussi le rapprocher d’une certaine manière de l’excellent Alone du non moins excellent John Hyams. Mollner va par moments jouer avec certains codes d’une façon originale, et ce film va bénéficier de cette sensibilité. Au vu de son sujet, le film va évidemment traiter des relations hommes-femmes, en mettant en conflit une certaine vision patriarcale et une autre davantage féministe. Là encore, la subtilité de l’écriture va permettre de traiter ces thématiques de manière frontale sans être trop simpliste.
Mollner a eu beaucoup de problèmes avec Miramax sur le tournage et en post-production, mais au final, il a réussi à sortir son film dans la version qu’il souhaitait. On va suivre une Willa Fitzgerald poursuivi par Kyle Gallner, et chacun des deux s’avère excellent dans son registre. L’actrice est notamment connue pour avoir eu le rôle principal dans la série Scream et bordel je viens de voir à l’instant que c’était elle qui jouait Roscoe dans la saison 1 de Reacher!!! Ah ouais dis donc, merci IMDb je ne l’avais pas reconnue ! ^^ Kyle Gallner a quant à lui eu le malheur de jouer dans l’atroce Freddy : les Griffes de la Nuit (le remake), et on a aussi pu le voir dans le plutôt bon Red State de Kevin Smith, ou tiens, dans le film Scream (celui de 2022) et encore le franchement pas terrible Smile. Ca fait donc très plaisir de le voir à un bien meilleur niveau avec ce film!
Le réalisateur va nous raconter cette relation singulière entre un tueur et sa victime, avec quelques émotions contradictoires par moments et une très grande intelligence dans le traitement de ces paradoxes. On ne parle pas ici de syndrome de Stockholm, mais il y a des éléments qui peuvent prêter à confusion chez les personnages, et ça fait plaisir de suivre un récit bien plus prenant que je pensais au départ! JT Mollner filme l’intimité des corps et des esprits avec un très grand soin, et il est capable de faire ressentir l’alchimie entre les deux pour ensuite faire ressentir la menace sous-jacente. On a clairement des images fortes dans ce film et des séquences bien stressantes, mais je ne vais pas les évoquer pour ne pas vous spoiler, ce serait dommage! Mais la tenue graphique est indéniable, et la photographie qui l’accompagne est elle aussi très qualitative. Vous connaissez l’acteur Giovanni Ribisi? C’est lui qui s’occupe de la photographie du film, et c’est sa première expérience dans le domaine sur un long-métrage. Il avait auparavant occupé ce poste sur 3 clips et un court, et il a effectué un travail remarquable sur Strange Darling.
Ce film fait partie de ceux qui vous restent en tête pendant un bon moment, de par sa structure et sa mise en scène, et il faut bien évidemment souligner la prestation assez incroyable de Willa Fitzgerald qui donne de sa personne dans ce rôle difficile. Le parti-pris de raconter l’histoire romancée d’un tueur en série renforce l’aspect glaçant du film, mais il possède paradoxalement aussi un fort potentiel attractif! Le mélange des genres peut s’avérer déroutant, mais pour moi, c’est une réussite totale.