Alone (John Hyams, 2020)

John Hyams étant l’un des plus grands metteurs en scène dans le domaine du film d’action, la découverte d’une nouvelle oeuvre de sa part était une excellente nouvelle. Hyams est l’homme qui a permis à la saga Universal Soldier d’atteindre un degré de maturité et de violence graphique inespérés, avec ses chef-d’oeuvre crépusculaires que sont Universal Soldier : Régénération et Universal Soldier : le Jour du Jugement. Il s’est ensuite tourné vers la télévision, en s’intéressant notamment aux zombies, puisqu’il a écrit, produit et réalisé plusieurs épisodes de Z Nation et de Black Summer (il est co-créateur de cette dernière). Il revient donc aujourd’hui au cinéma avec Alone, dont le pitch ultra-simple est annonciateur d’une bonne dose de stress et de violence.

Jessica est sur le point de prendre la route pour déménager, et va entamer un périple de plusieurs jours à travers les Etats-Unis. Dès les premiers plans, on sent toute la puissance visuelle de John Hyams, qui sait exactement quel cadrage utiliser pour renforcer au maximum l’impact de ce qu’il raconte. On commence pourtant simplement, avec Jessica qui charge ses affaires, mais on sent dès le départ une tension, créée et maintenue par les choix de caméra d’Hyams. Sa manière de filmer de l’arrière de la voiture, de cadrer Jessica sans que l’on voit son visage entièrement, participent à l’élaboration d’une atmosphère forte. Et si Hyams est capable de créer cela avec le simple départ de la jeune femme, vous imaginez bien la tension qu’il va être pouvoir générer par la suite.

On ne connaît pas les raisons de son déménagement, mais on va la suivre sur cette longue route, et l’élément perturbateur va se profiler rapidement. Tout commence avec une voiture roulant très lentement, et qu’elle va tenter de dépasser. Cette séquence est traitée avec une approche très réaliste, et Hyams sait exactement où placer les points de tension pour alimenter le stress de la jeune femme. Il va entamer une partition dangereuse et jouer avec les différents degrés de stress, permettant quelques accalmies avant de faire remonter le compteur avec soin. Même dans les moments calmes qui vont se profiler, il va glisser une tension sous-jacente grâce à des mouvements de caméra d’une précision parfaite, comme c’est le cas lors de la pause sur une aire de repos. Jessica est au téléphone en plein air, et Hyams va jouer sur les focales pour mettre l’accent sur différents personnages, générant une tension palpable et diablement efficace.

Je ne vais évidemment pas vous raconter le déroulement du film, ce serait criminel de ma part! Mais Jessica va se retrouver dans une situation très difficile, qui est toujours traitée avec un réalisme impressionnant. On se retrouve dans des situations qu’on a déjà vu dans d’autres films, mais dont l’impact est certainement plus percutant et dont les choix narratifs sont nettement plus plausibles. Le scénariste suédois Mattias Olsson a rédigé un script possédant une très grande force, car sa mécanique est insidieuse tout en étant très crédible, créant une empathie totale avec Jessica. Et quand on a un script exemplaire couplé à une mise en scène aussi immersive, on ne peut que subir l’expérience avec stress et fascination. Avec Alone, on ressent tout ce que traverse la jeune femme, et on se retrouve littéralement propulsé dans un défi dont l’enjeu est la survie, et où les détails vont être des éléments-clés de cette survie.

Jules Willcox (Bloodline, Under the Silver Lake) effectue une performance viscérale avec le rôle de Jessica, et elle va nous faire ressentir le stress, la douleur et la rage avec une acuité étonnante. John Hyams va sublimer son combat en soulignant constamment l’importance de son environnement, dont les éléments peuvent devenir des menaces quant à sa survie, ou des alliés précieux. La façon dont il utilise la pluie, la lumière, la nature, rendent cette expérience traumatisante encore plus intense, et Jules Willcox se fond dans le personnage avec une aisance incroyable. Tout comme Hyams sublime son récit grâce à une approche sensitive optimale, Willcox apporte une énergie viscérale à Jessica, prise dans un engrenage implacable et mortel. Et il faut également souligner une prestation glaçante de Marc Menchaca, sans en dire davantage! L’acteur vu dans Ozark, The Sinner ou Black Mirror donne une consistance particulière à son personnage, et va jouer une partition haletante avec Jessica.

Hyams va revenir à une lutte très primale, et va utiliser la dimension temporelle pour rajouter du stress à une situation déjà intense. Les moments d’attente, durant lesquels on ne sait pas s’il faut agir rapidement ou au contraire ne rien faire, atteignent un degré d’intensité très fort, d’autant plus que le script de Mattias Olsson bénéficie d’un réalisme cru. Il y a juste un élément qui m’a fait tiquer, mais mis à part ce détail, l’ensemble fonctionne avec une précision impressionnante. Hyams est doué pour faire ressentir les impacts, et il ne va pas s’en priver, augmentant l’implacabilité de la situation, et façonnant Jessica pour qu’elle puise en elle des ressources insoupçonnées.

Alone est l’un des thrillers les plus ambitieux que j’ai pu voir, et finalement, ce n’est pas étonnant au vue de la qualité de metteur en scène de John Hyams! Et si l’association avec un scénariste suédois peut surprendre, c’est parce que ce film est le remake d’un film suédois, Försvunnen, datant de 2011 et mis en scène par Olsson et Henrik JP Åkesson. Ca donne donc très envie de découvrir l’original!

 

Ce contenu a été publié dans 2020's, Cinéma. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *