5 ans après l’ultime volet de la saga consacrée à Alice, l’univers Resident Evil est de retour, sous la direction d’un metteur en scène anglais spécialisé dans la série B horrifique. On doit notamment à Johannes Roberts les sympathiques Storage 24 et 47 Meters down, qui parvenaient à placer une belle atmosphère dans ses films de monstres. Son 47 Meters down : Uncaged commençait à tirer sur la corde et à perdre de son inspiration, et on ne savait pas dans quelle catégorie allait se ranger cette nouvelle incarnation du jeu de zombies par excellence!
J’avais entendu dire que Roberts était plutôt fan de la franchise de Capcom, et qu’il avait cherché à respecter l’aspect visuel du jeu originel et de sa première suite. Resident Evil : Bienvenue à Raccoon City adapte en effet le génial Resident Evil se déroulant dans le Manoir Spencer, et le génial Resident Evil 2 se passant dans le commissariat de la petite ville pas si tranquille. Mais avant de se rendre dans ces endroits, Johannes Roberts nous convie à une introduction à la tonalité étrange, qui semble bien éloignée de l’essence même des jeux tout en étant proche de nombreux films horrifiques. Une manière de dire poliment qu’on a déjà vu ça des centaines de fois? Probablement… On sent un esprit très old school dans l’élaboration de cette séquence, et on ne sait pas trop si Roberts veut se la jouer hommage ou s’il s’agit de sa limite cinématographique…
On revient ensuite au présent, enfin pas vraiment, puisque le film se déroule en 1998. Mais bizarrement, pas une seule évocation de la victoire de la France face au Brésil… Bref, il y a plus important, puisqu’un problème sanitaire va déboucher sur une crise majeure à Raccoon City. En fait, il fallait juste attendre le retour d’un personnage important dans sa ville natale, pour que les événements se précipitent pile poil ce soir-là. Déjà la vraisemblance en prend un coup, mais pourquoi pas… On a donc l’expatriée Claire Redfield qui revient au pays pour retrouver son frangin Chris, et ils vont se retrouver coincés dans cette ville avec quelques zombies affamés à leur poursuite. Si l’actrice Kaya Scodelario n’avait pas donné le nom de son personnage, on aurait certainement jamais fait le lien avec la Claire du jeu vidéo, et c’est pareil pour Chris… C’est là que ça va donc devenir intéressant en terme de fan-service.
En effet, on disait Johannes Roberts fan de la saga de jeux vidéo, et il est capable de filmer une rare poignée de beaux plans qui plairont aux gamers, en mettant en avant l’architecture du Manoir Spencer ou celle du commissariat. On a même une séquence qui rend vraiment hommage au tout premier jeu, avec la première apparition du zombie dans le manoir. Là, les gamers s’en rappellent certainement, et cette scène est absolument fidèle tant dans son aspect visuel que dans son atmosphère macabre. Mais le premier problème, c’est que mis à part ces rares plans, le reste ne rendra plus jamais justice aux lieux et à l’ambiance qui s’en dégageait dans les jeux. Il y a tellement de passages mythiques dans Resident Evil et dans Resident Evil 2, qui ne sont même pas esquissés ici. Le manoir et le commissariat vont rapidement perdre de leur éclat pour au final ne constituer que des lieux ternes et interchangeables.
Déjà, ça fait mal à l’âme du gamer. Mais le second problème est encore plus… Problématique dirais-je. Dans un jeu vidéo, on a des lieux et une atmosphère, mais on a également des personnages qui se baladent là-dedans. Et quand on voit à quel point Johannes Roberts, qui est également scénariste sur ce film, n’a rien respecté au niveau des personnalités des protagonistes, on peut aisément douter de son statut de fan de la franchise! Je vous disais que Claire et Chris étaient interchangeables, mais c’est également le cas de Wesker, de Jill Valentine, et surtout, ô mon Dieu surtout, de Leon S. Kennedy! Qu’est-ce que ce personnage a fait pour mériter un tel traitement??? Le héros badass et taciturne est ici remplacé par un pauvre benêt totalement dépassé par les événements, qui se fait marcher dessus par sa hiérarchie et par ses collègues. Ils auraient pris Pierre Richard version François Perrin, c’était sensiblement la même chose. J’avais déjà trouvé Avan Jogia light dans Now Apocalypse, mais il faut dire qu’il n’était clairement pas aidé par son personnage. Et bien là c’est le même problème, il ne parvient à donner aucun relief à Leon, qui est aux antipodes du personnage des jeux…
Et je ne vous ai pas encore parlé de l’humour et des dialogues il me semble… Quand on a un flic qui demande à Leon S. Kennedy si le S veut dire stupide, voilà le genre de traitement que Leon subit sans broncher… Au niveau des dialogues, on se retrouve là aussi projeté dans les années 90, et on a réellement l’impression de regarder un film issu des 90’s… De ce côté-là, c’est plutôt bien fait, le problème c’est qu’on ne sent aucun second degré dans ce traitement, et que ça semble finalement se prendre au sérieux… Vous vous rappelez d’Horribilis de James Gunn, qui jouait sur l’aspect rétro? Ici on a aussi droit à un monstre hideux bien rétro, mais ça semble aussi sérieux qu’un film d’Albert Pyun, et ça pose un sérieux problème quand même… Et pour en revenir aux dialogues, c’est quoi ces répliques du commissaire sans déconner??? Ca ne veut tellement rien dire et ça tombe tellement à plat qu’on en est même gêné par moment… Et ça ne s’arrête pas aux dialogues du commissaire, ça se ressent dans tout le film au final… La scène de la cellule de prison est à ce titre un cas d’école impressionnant, et encore plus en terme de crédibilité…
Paul W.S. Anderson et Milla Jovovich se sont fait savater durant toute une décennie à cause de leurs films qui ne respectaient pas la mythologie des jeux. Je suis assez d’accord avec ce constat, mais si elle n’est clairement pas inoubliable, la saga avait au moins le mérite de proposer un divertissement au final sympathique (mis à part un épisode totalement pourri, mais je ne me rappelle plus lequel ^^). Ici, Johannes Roberts nous livre une version tellement expurgée de tout ce qui fait le sel de la saga, tout en ne respectant tellement pas l’essence des personnages originels, qu’on se dit que regarder un Resident Evil avec une Alice qui n’a rien à voir avec les jeux, ce n’était au final pas une si mauvaise idée. Ce Resident Evil : Bienvenue à Raccoon City est une véritable purge, et ne mérite certainement que l’on retourne du côté de chez Umbrella… Et j’en profite donc pour vous conseiller de regarder l’excellent film d’animation Resident Evil : Vendetta, qui permet de retrouver le vrai Leon S. Kennedy et qui s’avère bien plus impressionnant en terme d’action, de dramaturgie, et de tout quoi!!!