Francis Lawrence est un réalisateur passionné par les futurs dystopiques ou apocalyptiques, puisqu’il est derrière Je suis une Légende ainsi que 4 films de la saga Hunger Games. Après Richard Matheson et Suzanne Collins, il adapte aujourd’hui un auteur encore plus réputé en la personne de Stephen King, dont le roman Marche ou Crève (publié en 1979 sous le pseudonyme de Richard Bachman) était le 7ème livre du prolifique chef de file de l’horreur littéraire. Un roman qui a la relecture m’avait paru interminable et dénué de tout intérêt, mais qui paradoxalement pouvait offrir certains atouts cinématographiques.
On passe de 100 participants à 50 pour les besoins de l’adaptation, ce qui permet d’avoir un rythme plus condensé et une durée bénéfique d’1h48. Ce qui n’évite pas certaines petites longueurs, mais le métrage s’en sort bien mieux que le bouquin en permettant notamment d’avoir une caractérisation plus intéressante des différents protagonistes, qui sont incarnés par des acteurs relativement peu connus. Cooper Hoffman joue Ray Garraty et David Jonnson incarne Peter McVries, le duo principal du film, et leur amitié naissante est plutôt bien retranscrite. Les autres jeunes sont eux aussi bien interprété, notamment les persos un peu plus étranges de Barkovich et Stebbins, respectivement joués par Charlie Plummer et Garrett Wareing. On passera rapidement sur Mark Hamill dans le rôle hyper caricatural du Colonel, qui atténue par moments l’aspect dramatique. Mais globalement, l’ensemble démarre plutôt agréablement, avec notamment une belle mise en scène des paysages de l’Amérique profonde, renvoyant à des images mentales que l’on a tous lorsqu’on a grandi avec le cinéma US. Francis Lawrence sait comment filmer les gens se trouvant en bord de route et incarnant cet inconscient collectif américain typique, en les cristallisant dans des décors naturels caractéristiques.
Là où le film parvient à surprendre, c’est dans la frontalité avec laquelle il présente les mises à mort des participants. Dans la quasi-totalité des oeuvres grand public, la caméra se détourne in extremis au moment de la détonation, mais dans Marche ou Crève, on assiste aux dégâts provoqués par cette détonation avec un sens graphique bien choquant. Le travail sur les maquillages est à ce titre remarquable, et ce choix de nous montrer l’entièreté du processus de mise à mort va participer au malaise que l’on ressent. Ce qui apparaît comme une variation de Battle Royale (ou d’un Hunger Games) prend une tonalité très réaliste et les jeunes participants se rendent vite compte du caractère irréversible de ce défi que représente la Longue Marche. Pour rappel, le but est d’être le dernier à marcher à une allure de 5 kilomètres/heure minimum, sans limite de temps ou de distance pour y arriver. Avec le nom de JT Mollner au scénario, il est fort probable que cette frontalité lui revienne, lui à qui l’on doit l’excellent Strange Darling qui jouait habilement avec les codes du film de tueur en série.
Si le film se suit agréablement pendant une bonne partie, il gagne en puissance dans son dernier quart, avec des qualités émotionnelles plus présentes et de vrais questionnements sur les notions de vie et de mort. Tous ces jeunes qui se sont lancés dans cette marche-suicide se rapprochent irrémédiablement de la mort, et leurs discussions triviales au départ vont se recentrer peu à peu sur l’essentiel, en exprimant leurs peurs profondes et le sens que chacun donne à sa vie. Entre l’aspect très graphique et choquant des mises à mort et ces questionnements existentiels, Marche ou Crève réussit là où le roman ne fonctionnait pas (ce qui est étrange puisque Stephen King avait brillament traité des thématiques similaires dans son excellent roman roman Rage, publié 2 ans avant Marche ou Crève).
Marche ou Crève (le film) fonctionne car il s’éloigne de cette approche du film de genre trop élitiste à la Evanouis, et qu’il cherche à être réaliste sans se croire plus malin que les autres. Le résultat est un film dont la progression s’avère intéressante et qui marque les esprits avec cette allégorie condensée de l’existence, qui est véritablement une thématique puissante chez Stephen King, comme on a pu le voir dans le sublime Life of Chuck sorti plus tôt cette année.