Kandisha (Alexandre Bustillo, Julien Maury, 2020)

Cela fait maintenant 14 ans que les metteurs en scène Alexandre Bustillo et Julien Maury travaillent ensemble, nous livrant 6 longs métrages et un court (un segment de The ABCs of Death 2). Ils ont émergé avec leur première oeuvre A l’Intérieur en 2007, et ont enchaîné avec le très bon Livide en 2011, puis Aux Yeux des Vivants en 2014, un Leatherface à priori massacré par les producteurs en 2017 (j’ai tenu 10 minutes il me semble), ce Kandisha donc, datant de 2020, et The Deep House sorti il y a 2 mois. Maury et Bustillo sont 2 artisans du cinéma de genre français, et ils poursuivent leur exploration du cinéma horrifique en se penchant cette fois sur une légende marocaine, celle d’Aïsha Kandisha

L’histoire de ce démon féminin remonte à l’époque de la colonisation portugaise du Maroc, et Aïsha Kandisha représente l’opposition du peuple face à l’oppresseur. On ne sait pas vraiment si le personnage se base sur des faits historiques, mais le mythe va dévoiler une sorte de démon pouvant changer d’apparence, passant de femme sensuelle à géante perchée sur des pattes de bouc. Maury et Bustillo vont donc développer un récit centré sur cette figure populaire dans le folklore marocain, au même titre que les Djinns, et vont incorporer cette légende du 16ème siècle à la société contemporaine.

Le plan aérien ouvrant le film promet d’emblée une très belle ambiance, et le fait de situer l’action dans une banlieue française s’avère déjà original. On a souvent le droit à des thrillers dans ce genre de décors (souvent très bons d’ailleurs, comme les excellents Les Misérables ou Caïd), mais c’est très rare de voir un film d’horreur situé dans des barres d’immeubles. Et ce qui est très appréciable, c’est qu’on ne tombe pas dans une caricature simpliste, mais que Maury et Bustillo vont prendre le temps d’écrire des personnages très intéressants. Le trio féminin apporte beaucoup d’authenticité à cette histoire d’amitié, et quand on a des daubes US comme The Craft – les nouvelles Sorcières, on se dit que ça fait du bien de chercher un peu de sensibilité dans le cinéma français…

Mathilde La Musse, Suzy Bemba et Samarcande Saadi sont 3 jeunes actrices entamant à peine leur carrière (il s’agit de leur premier film pour Suzy et Samarcande), et elles nous plongent directement dans leur quotidien au sein de cette cité, grâce à une complicité qui semble réelle et une vraie fraîcheur dans leur jeu. Elle sont entourées par des acteurs secondaires apportant la même approche réaliste, et on plonge avec plaisir dans ce récit inquiétant avec l’émergence de cette figure légendaire au sein de cette cité…

Bustillo et Maury apposent un regard original sur le lieu, et nous offrent des plans très immersifs dont l’impact pictural fonctionne vraiment bien. La manière dont ils filment ces barres d’immeubles permet de créer une atmosphère palpable, et on est agréablement pris dans cette histoire qui va aller crescendo et qui va se transformer en une sorte de slasher urbain… Je disais que c’était très rare de voir des films d’horreur en mode ghetto, mais on ne peut évidemment pas oublier le mythique Candyman de Bernard Rose. Bustillo et Maury y font bien sûr référence, à travers le personnage incarné par Suzy Bemba, et cette filiation est traitée avec une belle subtilité. Kandisha n’a pas la prétention de venir chatouiller les plate-bandes de Daniel Robitaille, mais il offre une autre vision au genre et permet de prouver une fois encore qu’il est possible de sortir des polars urbains pour visiter ces quartiers d’une autre manière.

On sent que le budget n’a pas été aussi conséquent que sur leurs prods US, pourtant le résultat est bien meilleur! Il y a quelques effets visuels un peu cheap, comme la scène du feu, par contre le reste fonctionne vraiment bien et offre son lot de séquences choc. Celle de la douche notamment s’avère bien gore… Kandisha va donc raconter le combat de 3 copines contre cette figure maléfique qui ne s’attaque qu’aux hommes. Amélie, Bintou et Morjana vont tout tenter pour sauver leurs proches, que ce démon vient traquer au fil des nuits. Kandisha est davantage un film d’atmosphère qu’un véritable film d’horreur, malgré quelques scènes bien crades. Mais on appréciera surtout la capacité à créer une ambiance inquiétante, comme c’était déjà le cas dans le très bon Livide, et c’est ce style de cinéma de genre français qui fait plaisir à découvrir! S’il n’est pas exempt de quelques petits défauts, Kandisha est assez sincère pour emporter l’adhésion, et les 3 actrices sont assez douées pour nous embarquer avec elles dans ce combat mortel!

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