Legacy, notre Héritage (Yann Arthus-Bertrand, 2021)

Je ne m’étais jamais vraiment intéressé aux travaux de l’explorateur Yann Arthus-Bertrand, et je me suis réellement pris ce documentaire en pleine face, tant pour sa beauté graphique que pour son message d’une importance capitale. Yann Arthus-Bertrand est parvenu à effectuer un condensé de l’existence humaine d’une limpidité totale, et nous met face à un constat des plus alarmants sur la survie de la planète, et par conséquence de notre espèce. L’Homme est parvenu en un temps record à maîtriser toutes les ressources énergétiques de la Terre, mais sa faim insatiable de pouvoir est l’élément qui le mène droit à sa perte.

La façon dont Arthus-Bertrand entame son Legacy, notre Héritage est touchante, car il revient sur son arrivée au Kenya il y a 40 ans, et la découverte de ces immensités synonymes de liberté, où il a pu suivre le cycle de la vie sauvage sans aucune barrière. Aujourd’hui, il voit les différences significatives après 4 décennies, avec la réduction drastique des portions naturelles, qu’il s’agisse des surfaces exploitables par les autochtones, ou des zones de chasse et de vie des espèces animales. Pour expliquer comment on en est arrivé là, il va nous raconter l’Histoire de l’Homme, depuis ses tout débuts, et il va même remonter plus loin afin de revenir aux origines de notre planète Terre. En parlant de chimie ou de biologie, il va nous raconter les débuts du monde et sa lente évolution, et ce de manière très compréhensible. On suit la logique des métamorphoses du vivant avec attention, et on saisit rapidement les enjeux présentés. Il va utiliser des points de référence très clairs et très marquants pour nous expliquer cette évolution, et comment tout s’est emballé trop rapidement à un certain moment.

L’exemple le plus frappant est celui représentant l’apparition de l’espèce humaine en comparant l’évolution du monde à une échelle plus simple : si on prenait une horloge et que le présent était situé à minuit, cela ferait 24 heures que le monde aurait été créé. Et l’être humain quant à lui, serait à peine apparu à 23h58 min!!! Et l’impact de l’Homme se sera fait ressentir sur une durée terriblement courte, puisque les 150 ans de Révolution Industrielle démarreraient 5 millisecondes avant minuit!!! En un laps de temps incroyablement court, l’Homme est parvenu à marquer la Terre de son impact, et pas de manière positive… Yann Arthus-Bertrand va nous expliquer l’histoire de l’humanité avec un mélange de naïveté et de pessimisme qui va rapidement faire froid dans le dos, et on se demande comment tant de beauté à pu engendrer un tel instinct de mort. Quand il nous montre l’art pariétal de la grotte de Chauvet, c’est pour nous faire ressentir les émotions des premiers hommes, qui avaient déjà ce besoin de retranscrire le monde… Arthus-Bertrand ressent une véritable connexion avec les premiers représentants de notre espèce, et cette connexion va se retrouver dans la nature de manière générale. Quand il parle de cette énergie nourricière, il y voit un terreau commun primordial à toutes les espèces, et c’est cette énergie même qui est aujourd’hui totalement trahie.

Chaque image de ce documentaire est véritablement sublime, Arthus-Bertrand parvenant à capter la beauté indicible en chaque être et en chaque lieu. Les techniques modernes de prises de vue sont réellement impressionnantes, mais il faut toujours un regard vif et aiguisé derrière l’objectif pour capter l’essentiel de l’existence. Legacy, notre Héritage va représenter un condensé de ce qu’est le monde, et en cela, il est très proche du sublime Koyaanisqatsi de Godfrey Reggio. Ce sont 2 visions terriblement conscientes du monde et de l’humain, qui se passait de paroles chez Reggio, mais qui était habitée par la grâce de la musique de Philip Glass. Yann Arthus-Bertrand quant à lui, tient à habiller ces images somptueuses avec un constat réel et terrible de l’état actuel du monde. Entendre parler de la fonte des glaces est une chose, mais voir des images très précises de ce qui est en train de se passer en Arctique et en Antarctique, c’est bien plus impressionnant… Et le pire dans tout ça, c’est peut-être encore la beauté qui se dégage de ces images pourtant terribles… Tout comme pour les immenses incendies qui ont ravagé les continents en 2020…

Legacy, notre Héritage s’avère vraiment poignant, car il va nous raconter comment l’Homme court à sa perte depuis 150 ans, et comment 1% est prêt à sacrifier 99 autres sans aucun problème éthique. Arthus-Bertrand nous parle de l’hypocrisie des COP censées réduire la température globale mais qui jusqu’ici n’a strictement rien fait de concret à ce sujet. Encore un exemple très fort concernant cette augmentation de 2 degrés, qui paraît de prime abord négligeable : si notre température corporelle augmente de 2 degrés, on se retrouve dans un état fiévreux. Et si elle augmente de 4 degrés, on en meurt. Les modifications à l’échelle planétaire sont certes plus souples, mais n’en sont pas moins dangereuses. La fonte des glaces a beau avoir lieu très loin de notre regard, le jour où l’élévation des eaux sera de 6 mètres, on en ressentira violemment l’impact…

Yann Arthus-Bertrand filme des ensembles immenses créés par l’homme, qu’il s’agisse de zones de stockage, de zones pétrolifères ou de champs immenses, et il y a toujours une beauté picturale forte qui ressort de cette folle démesure. Ces images donnent véritablement le tournis, et soulignent à quel point l’homme est parvenu à des désirs de grandeur décadents. Il y a une certaine fascination dans cette vision d’une toute-puissance, mais elle est réellement malsaine et conduit l’humanité à sa perte. Pour asseoir sa suprématie, l’homme a détruit 70% du vivant, et semble vouloir rester seul sur sa petite planète… Les ravages causés par l’exploitation des énergies fossiles sont impressionnants, tant à une grande échelle qu’à une plus petite, comme ces photos horribles d’oiseaux ayant ingérés des objets en plastique… Et en parlant d’animaux, on a aussi la vision de ces immeubles destinés à l’élevage des cochons, dans lesquels ils ne verront pas une seule fois de toute leur vie le soleil… On en est arrivé à un point où la démesure a pris toute la place, et où l’espoir est véritablement ténu…

Ce documentaire est à la fois très beau et réellement dramatique, nous touchant au plus profond de notre identité et de notre appartenance à cette espèce suicidaire. Y a-t-il encore une possibilité de s’en sortir? La fenêtre de tir est extrêmement réduite, et passe par la décarbonation : il faut sortir du pétrole et des énergies fossiles, c’est l’unique moyen d’enrayer le réchauffement climatique. Les gouvernements vont-ils enfin modifier le système économique? Rien n’est moins sûr… Legacy, notre Héritage est terriblement touchant et impactant, et ce documentaire est d’une nécessité absolue. Il devrait être vu par le plus grand nombre, afin de comprendre à quel point critique on en est arrivé…

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