Mulan (Niki Caro, 2020)

Après avoir découvert une bande-annonce flamboyante et épique, j’étais très motivé à l’idée de découvrir cette énième adaptation live-action d’un classique Disney, qui promettait une approche plus mûre et moins enfantine, et dont les prétentions visuelles avaient de quoi imprimer la rétine sur grand écran! Mais ça, c’était avant le Covid-19, les multiples reports et la décision finale de sortir le film sur Disney +, en abandonnant donc toute exploitation en salles (sauf en Chine)! La déception est immense, mais elle ne vient pas uniquement de ce choix de diffusion.

La Warner est finalement le studio qui aura eu le plus de couilles en maintenant une sortie en salles pour Tenet, alors que Disney a choisi de capitaliser sur sa plate-forme de streaming. Quand on sait que les recettes au cinéma sont partagées entre le studio, le distributeur et l’exploitant, ce choix stratégique permet d’empocher la totalité des revenus générés par le film. Mais est-ce que cette sortie en VOD Premium (il faut l’abonnement à Disney +, et ensuite un paiement de 30 dollars pour avoir accès illimité au film) peut être plus rentable? En cette période où de nombreux cinémas sont fermés ou désertés, la question est pertinente, mais là où le bât blesse, c’est que Disney la joue totalement solo et ne soutient aucunement l’industrie cinématographique. Warner aurait pu opter pour la même formule en diffusant Tenet sur HBO Max, mais a fait le choix de poursuivre sa logique d’exploitation en salles, ce qui donne une bouffée d’air non négligeable aux différents cinémas. Même si le film ne casse pas la baraque au box-office, Warner voit une exploitation qui va se faire sur le long terme, mais de toutes les manières, le studio est méritant pour avoir partagé son film avec les distributeurs et les exploitants.

Au-delà de la stratégie égoïste de Disney, qu’en est-il de l’oeuvre de Niki Caro? Je ne pourrai pas faire d’étude comparative par rapport au dessin animé Mulan de Tony Bancroft et Barry Cook, puisque je ne l’ai pas vu, donc je ne suis pas un fan de Mushu et de Cri-Kee ^^ Mais dès le départ, il y a un élément qui va rapidement gêner, et que j’espérais n’être qu’une erreur de début de film. Mais malheureusement elle sera réitérée tout le long… Je vous disais que la bande-annonce promettait un film épique, réaliste et sérieux, et il n’en est finalement rien. Ce premier problème consiste en un manque de réalisme problématique lors de la première scène, qui voit Mulan enfant faire des prouesses aussi incroyables qu’impossibles, et surtout mal gérées visuellement… Ce sera encore le cas à plusieurs reprises dans le film, et ce parti-pris grossier amoindrit déjà considérablement la portée des scènes d’action. Rajoutez à cela les fameux câbles qui viennent constamment gâcher les séquences de combats, de Tigre et Dragon à Ip Man 4 : le dernier Combat, et on obtient des scènes molles et sans relief… Et que dire des prouesses ridicules de Mulan, qui semblent tout droit sorties de Shaolin Soccer?? Au moins, le ridicule était assumé dans le film de Stephen Chow… Autre problème évident, l’absence de respect pour les chorégraphies martiales, puisque Niki Caro choisit un montage cut impersonnel censé inculquer du rythme, et qui ne fait que dénaturer la gestuelle…

Concernant les scènes de combats plus globales, le résultat s’avère encore une fois relativement brouillon, avec un manque d’emphase impressionnant, soulignant le très bon travail des monteurs de la bande-annonce, qui ont réussi à nous faire croire que le film offrirait un spectacle grandiose! Bravo à eux, ce sont certainement les personnes les plus douées ayant oeuvré sur le film. Il faut dire aussi que voir Yifei Liu (l’interprète de Mulan) prendre des poses qui donneraient un lumbago au Neo de Matrix, ça n’aide pas non plus à insuffler du réalisme à ce film de guerre… D’ailleurs, le combat final contre le bad guy de fin de niveau est réellement lamentable, tant il ne respecte aucunement les lois de la gravité et qu’il s’avère très mal filmé aussi… Et dans le genre manque cruel de réalisme, la scène de l’avalanche mérite à elle seule le détour tant elle s’avère ridicule… Elle m’a d’ailleurs fait penser à cette fameuse scène de Fast & furious 8 avec le sous-marin, pour la logique du déplacement! ^^

Il parait que les personnages sont attachants dans le dessin animé, ils ont dans ce cas été très mal retranscrits, car niveau émotion il ne se passe quasiment rien, et on accroche avec aucun personnage. Yifei Li est jolie et bouge bien dans tous les sens, mais n’apporte pas une grande consistance au personnage de Mulan, et ce ne son pas ses partenaires de jeu qui vont lui voler la vedette. Jet Li est engoncé dans le rôle monolithique de l’empereur, Donnie Yen fait ce qu’il peut avec un rôle de commandant dans l’armée, Jason Scott Lee fait la grimace pour incarner le méchant du film, et Gong Li joue une bad girl qui manque elle aussi de relief… Chacun est engoncé dans son rôle sans avoir de grandes marges de manoeuvres, ce qui fait que l’on va assister à une suite de séquences sans se soucier de ce qui arrive à tous ces protagonistes, et l’un des éléments fondateurs de cette absence d’enjeux apparaît assez rapidement dans le film. Le principe de Mulan est que la jeune femme va se faire passer pour un homme, sauf que dès le départ ça n’est pas crédible du tout, et que l’on voit direct qu’elle est une femme. Mais le subterfuge va passer sans problème auprès de tous les mâles du camp, ce qui est là encore très grossier au niveau du traitement, et qui va forcément amoindrir les moindres tentatives de créer du suspense sur ce terrain-là.

Mulan est un film qui manque donc véritablement d’enjeux et de réalisme, et rajoute des éléments fantastiques qui n’étaient à priori pas présents dans la version animée. L’aspect girl power tombait à point nommé en ces temps de #meToo, mais le traitement est tellement irréaliste qu’il ne fonctionne pas. Quand on a un commandant qui parle de déshonneur alors que Mulan vient de sauver ses troupes, mais qui change son fusil d’épaule juste parce que ses soldats remettent en question son jugement, ça manque là aussi beaucoup de réalisme, et je pense qu’à l’époque, une remise en question des paroles de son capitaine, ça ne se terminait pas avec des sourires, ou alors kabyles…

Il n’y a donc rien à sauver de ce Mulan cuvée 2020, qui n’est là que pour alimenter la machine Disney en nouveau contenu, et finalement, il a davantage sa place sur la plate-forme de streaming qu’en salles, où il ne mérite pas d’être diffusé!

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