Christopher Nolan a vraiment une obsession avec le temps, élément primordial revenant dans nombre de ses oeuvres. Ici, il va encore une fois explorer cette thématique en la triturant de façon très originale, et en nous triturant par la même occasion le cerveau de belle manière! Tenet est un film reposant sur un concept étonnant, celui d’un écoulement différent du temps. Vous vous rappelez la complexité d’Avengers : Endgame qui s’amusait déjà avec le concept de temporalité? Eh bien oubliez, car Christopher Nolan va aller dans une direction différente et encore plus casse-tête!
Déjà dans Interstellar, il donnait vie à un concept bien abstrait, celui du paradoxe des jumeaux. Ici, il s’amuse avec d’autres concepts scientifiques, comme par exemple le paradoxe du grand-père. Et il le fait à sa façon bien spécifique, en appliquant une forte tension à ses séquences d’action, tout en s’amusant avec les joutes verbales entre protagonistes lors des passages plus calmes. L’ouverture est réellement impressionnante et renvoie d’une certaine manière à l’intro de The Dark Night : le Chevalier Noir, et on a donc dès le départ un pur morceau de bravoure filmé avec une intensité maximale, Nolan n’ayant pas son pareil pour trouver le bon angle ou le bon mouvement de caméra. Autant à l’aise dans les scènes d’action que dans les scènes de dialogues, il va enchaîner l’ensemble avec une très belle maestria, se permettant un montage elliptique qui va effacer les habituels moments de flottement que l’on peut voir dans un film. Ici, chaque séquence est essentielle, et les 2h30 vont passer sans que l’on s’en rende compte. Une belle façon pour Nolan de nous faire saisir la relativité du temps 😉
Visuellement, le film bénéficie d’effets spéciaux bluffants et on va assister à des séquences jamais vues jusque-là. Mais tout l’attrait de ce film est de parvenir à combiner cette pure folie visuelle avec un véritable suspense, grâce à des personnages très impliqués et intéressants. Avec Tenet, Nolan ne nous oblige pas à choisir entre un blockbuster trop souvent décérébré ou un film d’auteur trop lent, puisqu’il nous offre un blockbuster ultra-cérébral! Il a rédigé lui-même ce scénario complètement dingue, dans lequel on va s’embarquer avec un réel plaisir! Comme le dit Clémence Poésy au début, quand elle explique le concept d’inversion : « N’essayez pas de comprendre. Ressentez. » Eh bien c’est exactement le principe que l’on pourrait appliquer au film dans son ensemble, qui encore une fois va être un ride sensitif de la part de Nolan, au détriment de la compréhension pure. Notre esprit va s’acharner à chercher la logique et les imbrications naturelles, mais il nous balance dans un univers où tous nos repères vont être mis à mal, et où il va falloir se réadapter en faisant confiance à nos sensations. Donc le mieux dans ce genre de situation, c’est de lâcher prise et de profiter du moment, et Christopher Nolan va vraiment très bien jouer sur ce point. Là où son cinéma est la plupart du temps décortiqué à outrance (cette putain de toupie, est-ce qu’elle s’arrête oui ou non??), il pousse le concept tellement loin que les critiques vont s’arracher les cheveux à expliquer la totalité de ce film. Il y a clairement une logique impressionnante, mais le plus important au final, c’est le ressenti face à ce morceau de pellicule grandiose!
Tenet va jouer avec nos sens, notamment avec ceux de l’équilibre et de la vue, en nous embarquant dans des scènes perturbant totalement notre appréhension de la réalité. Et Nolan ne va pas perdre son temps en explications absconses, il va nous balancer dans cette fragmentation de la réalité de manière directe, en nous donnant des éléments de compréhension avec parcimonie. Le jeu va être de tenter de saisir la portée de l’ensemble, tout en se laissant happer par la folie globale du concept! Avec Tenet, Christopher Nolan nous livre une variation de James Bond comme vous n’en avez jamais vu, et avec quelques ajustements, le film pourrait réellement s’inscrire dans la saga des producteurs Broccoli! L’aisance avec laquelle Nolan passe d’une séquence à l’autre est impressionnante, et confère une fluidité assez atypique pour un bloc de 2h30! Avec cet enchaînement et l’absence d’expositions lors de certaines scènes, on arrive dans des morceaux de bravoure sans être prévenus, ce qui s’avère là encore très surprenant! Et des morceaux de bravoure, il y en a pas mal, mais je vous laisserai les découvrir par vous-même! 😉
Le duo John David Washington–Robert Pattinson fonctionne vraiment bien, en mode buddy movie très classieux et à l’humour subtil. Nolan va jouer sur les conventions du film d’espionnage, notamment celui des beaux costumes à la James Bond, avec un humour british ^^ Les 2 acteurs offrent chacun une très belle densité à leur personnage, et ils sont autant à l’aise dans les situations de dialogues tendues que dans les scènes d’action complètement barges! Et Kenneth Branagh impressionne également par son jeu, avec son personnage de méchant auquel il confère une rage assez flippante. Là encore, il pourrait très bien s’accorder avec l’univers de James Bond.
Tenet est une folie visuelle d’une très belle inventivité, bénéficiant d’une écriture démente, et le tout servi par une interprétation impeccable. Christopher Nolan nous livre encore une fois un film clairement au-dessus, et ce ride s’avère une nouvelle fois totalement immersif! Ne vous fiez pas aux critiques qui vont juste tenter de faire refroidir le truc en le décortiquant, allez-y simplement et laissez-vous embarquer, avec un seul mot d’ordre : ressentez !!!