Le parcours d’Antonin Baudry est assez atypique, puisqu’il a été diplomate de 2004 à 2014! Il a notamment été conseiller de coopération et d’action culturelle à l’ambassade de France en Espagne, avant d’être nommé conseiller culturel de l’ambassade de France aux Etats-Unis. En 2015, il succède à Xavier Darcos en tant qu’ambassadeur pour la culture française et président exécutif de l’institut français, poste dont il démissionnera au bout de quelques mois afin de poursuivre des objectifs plus personnels. En 2010-2011, il s’était immiscé dans le monde de la bande dessinée avec Quai d’Orsay, dont il avait assuré le scénario avec Christophe Blain (qui s’occupait également des illustrations). Et cette année, il nous livre son tout premier film, dont il assure à la fois la mise en scène et le scénario! Comme quoi, la politique mène à tout!
On sent d’entrée de jeu toute la rigueur issue du milieu diplomatique, qui va de pair avec l’univers impartial militaire. Il va nous faire entrer dans un monde difficile et aux règles très strictes, gages de sécurité élémentaire et d’un maintien de l’ordre exemplaire. Et pourtant, on sent rapidement aussi une volonté de se désolidariser de cette rigidité inhérente à la fonction même du militaire, une manière de penser différemment qui pourrait être un atout dans ce milieu très strict et confiné. François Civil (Made in France, Five, Burn out) incarne à la perfection cet analyste en guerre acoustique, titre étrange revenant à un militaire capable de catégoriser les différents sons entendus afin de reconnaître les menaces et de prendre les mesures nécessaires. Dans le cas présent, le personnage de Chanteraide est capable de déterminer si le son entendu provient d’un animal aquatique, d’un engin nucléaire, et est surtout capable de déterminer le type de sous-marin qu’il pense détecter! C’est assez impressionnant, et c’est effectivement basé sur le travail de vrais analystes. Sa manière de fonctionner est différente de ses collègues, adoptant une attitude décalée due à ses capacités sensorielles. Son analyse a quelque chose de musical, et il l’adapte aux besoins rigoureux du monde militaire.
La situation politique se dégrade rapidement en Finlande, avec la Russie qui est à 2 doigts de provoquer une guerre. On va alors suivre la mission de 2 sous-marins dont l’objectif dissuasif est capital afin de désamorcer cette escalade… Aux côtés de François Civil, on a une belle brochette d’acteurs avec Omar Sy, Mathieu Kassovitz ou encore Reda Kateb, vu récemment dans Frères Ennemis. Antonin Baudry peut s’appuyer sur ces pointures pour augmenter la portée de son film, qui se trouve être un thriller très tendu comme on a peu l’occasion d’en découvrir en France! Quand en plus il se double d’un film de guerre en milieu sous-marin, c’est assez étonnant pour en justifier la vision. Pour un premier film, Antonin Baudry fait preuve d’un très grand talent, avec une mise sous tension qui ne se rompra jamais, une capacité de mise en scène impressionnante, et un travail sonore exemplaire. A ce titre, il avait envoyé une très belle lettre à tous les cinémas diffusant son oeuvre, dans laquelle transpiraient sa passion et son humilité, et qui comportait des indications très précises quant aux normes techniques sonores à respecter. On comprend aisément à la vue (et à l’audition donc!) de ce film que cet élément sonore est capital pour la pleine appréciation de cette oeuvre!
La première scène va tout de suite mettre l’accent sur l’importance du son, et surtout du décryptage du son fait par Chanteraide. On va rapidement prendre conscience du travail impressionnant de ce militaire, qui doit se concentrer sur toutes les strates sonores qui lui parviennent et faire le tri afin de prendre une décision rapide alors que le stress est à son maximum. Le travail sonore est donc capital pour ce film, et s’avère tout aussi important que son aspect visuel. L’apport de Tomandandy au niveau de la musique est d’ailleurs lui aussi très important, eux qui avait notamment participé aux bande-son de Killing Zoe, La Colline a des Yeux, Sinister 2 ou encore 47 Meters down.
Grâce à cette conjonction de talents à tous les niveaux, on se retrouve pris dans un véritable thriller sous haute tension qui ne relâche jamais son étreinte, et qui impressionne par sa redoutable efficacité. Difficile d’en parler sans trop dévoiler l’intrigue, donc je vais éviter au maximum les spoils. Mais je peux vous dire que l’on découvre un univers jusque-là très peu exploré au cinéma, et qui possède son propre jargon, ce qui peut un temps désarçonner le spectateur. Mais il y a une vraie complexité dans les enjeux et une approche ultra-réaliste qui permettent de se prendre ce récit de plein fouet, et de ne pas en ressortir avant la fin! La tension est permanente, et la maîtrise impressionnante… Le Chant du Loup est une excellente surprise dans le cinéma hexagonal, et mérite d’être découvert en salles pour une expérience optimale!