Comme c’est difficile de rédiger une critique de ce film! Je n’ai pas pu me mettre à l’écrire juste après l’avoir vu, il m’a fallu du temps pour l’intégrer, parce qu’il s’est profondément immiscé dans mon cerveau! A Ghost Story est un film vraiment unique, qui met du temps à se dévoiler, mais qui paradoxalement nous fait bien ressentir dès le départ que l’on va faire un voyage étrange et très particulier. Casey Affleck et Rooney Mara jouent un couple vivant dans une petite maison tranquille, mais leur idylle prend tragiquement fin avec le décès de l’homme (les personnages ne sont jamais nommés). Pourtant, il va réapparaître sous la forme d’un fantôme portant un drap blanc, et va suivre l’évolution de la vie de sa femme…
A Ghost Story n’est pas du tout un film grand public, et l’extrême lenteur de son rythme en rebutera plus d’un. Pourtant, le metteur en scène David Lowery fait preuve d’une maîtrise formelle impressionnante, la composition de ses cadres étant l’un des nombreux éléments générant la poésie atypique qui parcourt le film de manière douce et discrète. Lowery va nous livrer une histoire tragique parlant de mort, d’amour, de deuil, de regrets et d’héritage, le tout avec une économie de moyens qui va pourtant être essentielle à la force de son propos. Le rythme très lent et la quasi-absence de dialogues va nous mener dans une direction flirtant avec l’expérimental, mais qui s’avère envoûtante et presque hypnotique! Par la radicalité de sa mise en scène, David Lowery va paradoxalement nous immerger totalement dans cette histoire d’amour si atypique!
Rooney Mara est déjà envoûtante à chacun de ses rôles, mais là elle est juste parfaite avec un jeu qui ne dévoile pas tout ce qu’elle ressent, même si on sent toutes les émotions bouillonner sous la surface. Le traitement du deuil proposé par Lowery est à la fois réaliste, prenant et pourtant d’une certaine manière distanciée, c’est assez étrange comme concept. Et Casey Affleck, que l’on ne voit pas beaucoup puisqu’il est drapé dans son linge blanc, parvient pourtant à faire ressentir tout le poids que son personnage a sur ses épaules fantomatiques. Il erre dans cette maison en observant sa femme, et on sent de chaque côté la douleur qui les étreint… David Lowery nous livre des plans d’une simplicité et d’une beauté absolue, comme lorsqu’elle écoute la chanson qu’il avait composé. Il y a une sorte de perfection dans cette mise en scène radicale et épurée, qui fait que l’on ne ressent pas les émotions de manière frontale, comme c’est le cas par exemple dans le très beau Beautée cachée de David Frankel, mais d’une façon beaucoup plus diffuse.
La vision de ce fantôme avançant lentement avec son drap blanc traînant derrière lui renvoie à l’image enfantine de cet archétype, et Lowery est parvenu à le rendre touchant et tragique. A Ghost Story va parler du temps qui passe, de l’impact des émotions, de la volonté de survivre à sa propre mort, et va aller dans des directions qui vont dépasser la simple histoire d’amour tragique. On va toucher au sublime par moments, avec des séquences inattendues et qui ne déplairaient certainement pas à Terrence Malick ou Godfrey Regio! La puissance visuelle de David Lowery va nous garder plongé dans ce film jusqu’à sa résolution, et l’émotion qui se dégage d’A Ghost Story est unique et impressionnante!