Second film de la réalisatrice française Alice Winocour après Augustine en 2012, Maryland est une très belle proposition à mi-chemin entre le film d’auteur et le film de genre. Matthias Schoenaerts (De Rouille et d’Os) joue Vincent, un militaire qui accepte un boulot de vigile lors d’une réception pour un riche homme d’affaires. Dès le départ, La réalisatrice va instiller une ambiance tendue qui ne se démentira pas tout au long du film, avec des variations très intéressantes. Vincent est un homme peu loquace, qui va s’acquitter de sa mission avec sérieux, tout en essayant de contenir ses problèmes. Il souffre en effet d’un syndrome de stress post-traumatique (SSPT), et est sujet à des hallucinations auditives et à un sentiment de paranoïa. Un état pas forcément compatible avec une mission dans le domaine civil…
Mais il a l’opportunité après cette soirée de travailler une seconde fois pour le même homme d’affaires, en gardant sa maison en son absence, et en assurant la protection de sa femme et de son fils. Vincent accepte, et va assumer son rôle avec le même sérieux. Mais sa nature solitaire, ses hallucinations et sa méfiance vont bientôt l’amener à penser que quelque chose se trame, et que le danger rôde autour de la maison. Sa méfiance est-elle fondée, ou n’est-ce qu’un effet de son SSPT? Alice Winocour joue sur cette frêle frontière avec une belle maîtrise, et on embarque dans ce film avec un doute permanent quant à la véracité du danger.
On va suivre Vincent dans ses déambulations nocturnes et diurnes, en collant au personnage et en suivant sa logique interne héritée d’un passé militaire. Il est là pour assurer la protection des personnes présentes, et il va le faire de manière méthodique, tandis qu’Alice Winocour le filme en laissant monter toute la tension sous-jacente inhérente à la situation. A la vue de ce film, j’ai beaucoup pensé à La Vie domestique d’Isabelle Czajka, qui dans un registre totalement différent, joue également sur la menace latente indéfinissable. C’est dans cette incapacité à savoir si le danger est réel ou non que le film va gagner en tension, puisque Vincent essaie de se préparer à quelque chose qui n’est pas certain d’arriver. Matthias Schoenarts est excellent dans le rôle de cet homme fragilisé, mais qui s’avère toujours efficace. Il apporte une belle complexité à son personnage, et en fait un être brut et secret.
A ses côtés, la toujours excellente Diane Kruger incarne une femme mondaine à la vie pas aussi heureuse qu’elle l’aurait souhaitée, et qui veut avant tout le bien-être de son jeune fils. La rencontre entre ces 3 personnages va être celle de 2 mondes, et va offrir des moments de frictions et de complicité. Mais autour de ce trio, l’atmosphère va se faire de plus en plus pesante… Le travail sur le son est fait avec beaucoup d’intelligence, Winocour créant des situations où ce qui est perçu par Vincent se confond parfois avec ce qui est réel, mais de manière très subtile. Le basculement va se faire de manière très progressive, et la tension va se nourrir des divers éléments qui vont être rencontrés. La centrale de surveillance avec la vision de toutes les caméras balayant la maison est une belle source de tension, offrant un regard désincarné sur les lieux, que l’on va scruter dans l’attente d’un mouvement imperceptible.
Le lieu même, baptisé Maryland, est assez vaste pour que le danger puisse survenir de nombreux endroits, et ces diverses possibilités vont alimenter la tension. Alice Winocour use d’un traitement qui tient du documentaire dans la construction de son récit, mais elle démontre un sens aigu de la mise en scène dans sa gestion de l’atmosphère. Maryland est un film au rythme oscillant mais à la tension palpable, porté par 2 excellents acteurs. Une très belle surprise dans le paysage cinématographique français!