Je l’avais vu à sa sortie en 2003, et je n’avais pas été particulièrement emballé… Mais je me souvenais d’une ambiance assez oppressante et d’une photographie franchement belle, et j’ai eu envie de me replonger dans ce cauchemar signé Marcus Nispel histoire de voir comment ça se passait quelques années plus tard. Et j’ai été vraiment bluffé par ce film à la tonalité ultra sombre et à la radicalité certaine! La maîtrise de Nispel ne fait aucun doute, et ce qui était son premier film reste à ce jour sa plus belle oeuvre.
Difficile de croire que c’est le même gars qui a dynamité Jason Voorhees dans le remake tout pourrave de 2009, mais en 2003, le réalisateur allemand était totalement inspiré par cette relecture du classique horrifique de Tobe Hooper datant de 1974, et préfigurant la vague des boogeymen qui allait déferler sur l’Amérique. Pour commencer, un mot sur la photographie qui est tout simplement somptueuse, et qui est signé Daniel Pearl, qui n’en est pas à son coup d’essai en la matière, puisqu’il a commencé dans le métier avec… Massacre à la Tronçonneuse en 1974! Un juste retour des choses donc pour un habitué des productions horrifiques (Les Enfants de Salem, L’Invasion vient de Mars) et des et des documentaires musicaux (il a bossé sur des vidéos des Rolling Stones, de Michael Jackson, de Metallica…). Pearl appose une vision crépusculaire au film, qui baigne dans une tonalité aux notes sépia du plus bel effet. Le travail pictural mené conjointement par Nispel et Pearl fait de Massacre à la Tronçonneuse un véritable cauchemar éveillé, tout en nous replongeant dans les 70’s avec une aisance déconcertante!
On retrouve l’âpreté de cette époque, on ressent cette fin de l’innocence hippie qui se heurte aux problèmes politiques contemporains (Watergate, Vietnam…) qui font que toutes les désillusions volent en éclat. Dans ce contexte difficile, une bande de jeunes traverse l’état du Texas dans le but d’aller assister à un concert des Lynyrd Skynyrd. 2 nana et 3 mecs à peine adultes, qui ont juste envie de profiter et de vivre leur jeunesse au gré d’une insouciance qu’ils savent presque terminée. Mais leur road trip va s’arrêter de manière tragique lorsqu’ils vont prendre en stop une jeune femme mutique errant au bord de la route. Ce sera le point de départ d’une véritable descente aux enfers, dans ce coin reculé du Texas où personne ne leur viendra en aide…
J’ai revu le film original du coup, et je ne comprend toujours pas ce qu’on peut lui trouver comme qualités. Mais le remake de Marcus Nispel parvient à sublimer ce récit atroce d’une manière réellement impressionnante! On sent toute l’inéluctabilité de ce qui est en train de se passer, et le mélange de désespoir et d’énergie avec lequel les jeunes cherchent à s’en tirer est très puissant émotivement. C’est typiquement ce qui manque cruellement dans la plupart des bandes horrifiques, cet élément viscéral qui permet de ressentir ce qui arrive aux personnages, et qui est ici totalement présent. Marcus Nispel crée un survival horrifique dans lequel on est littéralement pris aux tripes, et je le dis sans mauvais jeu de mots. L’urgence des situations, les fractions de seconde où il faut agir, tout est traité avec une intelligence qui fait souvent défaut au genre, et on parvient à comprendre les différents personnages et leurs réactions.
Jessica Biel fait une infidélité à la série 7 à la Maison pour tourner ce film, qui lui permet de prouver ses talents dans un registre très différent. Le personnage d’Erin qu’elle incarne est à la fois fort et sensible, et elle va se battre jusqu’au bout pour s’n sortir et pour aider ses amis. A ses côtés, Eric Balfour (qui jouait Milo dans 24 Heures Chrono) est son petit ami, tiraillé entre son côté ado et son amour pour Erin. Sinon, Andrew Bryniarski est très efficace en Leatherface! Il joue de la tronçonneuse avec beaucoup de talent, et verse dans le gore avec une redoutable énergie! Nispel filme quelques séquences choc bien atroces, mais contrairement à certains films où le gore est gratuit, il participe ici à la construction d’une oeuvre radicale et implacable, un cauchemar de toute beauté et terriblement malsain! Marcus Nispel a complètement réussi son remake, qui est un classique incontestable! Les images d’Erin courant dans les bois, de l’immense bâtisse en pleine nuit, ou de l’antre de l’horreur, possèdent toutes un fort symbolisme avec cette luminosité si particulière, et Massacre à la tronçonneuse version 2003 tient vraiment du travail pictural mélangé à l’horreur la plus crue!