L’écrivain italien Donato Carrisi s’est rapidement imposé comme un maître du polar, puisque son premier roman Le Chuchoteur paru en 2009 a été un succès immédiat. Ce récit macabre et très documenté voyant une équipe de police enquêter sur des disparitions de jeunes filles a séduit un public qui a su reconnaître le sens du suspense et la précision dans le déroulement de l’appareil judiciaire. Avant de se lancer dans l’écriture, Carrisi s’est intéressé à la criminologie et aux sciences du comportement dans le cadre de son métier de juriste. Il n’a pas résisté à l’appel de la plume en 1999. Il a commencé à écrire des scénarios pour la télévision italienne, avant de se tourner vers le roman.
L’auteur est prolifique puisqu’à ce jour, il a écrit 5 romans en l’espace de 5 ans! Le Chuchoteur est le premier livre du cycle de Mila Vasquez, du nom de l’héroïne principale; en 2011, il publie Le Tribunal des Ames, le premier bouquin du cycle de Marcus et Sandra, du nom des deux protagonistes principaux; en 2012, il écrit La Femme aux Fleurs de Papier, un roman indépendant, avant de revenir à Mila Vasquez en 2013 avec L’Ecorchée; et en 2014, il publie Il Cacciatore del Buio, que l’on pourrait traduire par « Le Chasseur d’Ombres » et qui développe le cycle de Marcus et Sandra.
Je n’ai pour ma part lu que deux bouquins de l’auteur pour l’instant, ceux du cycle de Mila Vasquez. Même si mes souvenirs du Chuchoteur sont lointains, j’ai retrouvé dans L’Ecorchée la même volonté de comprendre ce qui se passe dans les recoins sombres de l’âme humaine, en baignant ses protagonistes dans une ambiance doucereuse et lourde de menaces. Le titre évoque déjà la souffrance, qui renvoie à celle de Mila Vasquez, enquêtrice douée mais reléguée dans une section à part. La souffrance, Mila la connaît très bien, elle qui a échappée au Chuchoteur mais qui en paye le prix chaque jour… En se terrant dans le sous-sol des Limbes, le surnom de l’endroit où elle travaille, elle reste coupée d’un monde réel qui lui apparaît trop lointain.
Sur les murs des Limbes, des centaines de portraits regardent ceux qui y travaillent. Des centaines de personnes qui se sont un jour volatilisées, sans que l’on sache si elles ont été enlevées, tuées, ou si elles ont choisi de simplement disparaître. Des centaines de visages qui sont autant de questions, auxquelles Mila et son équipe tentent chaque jour de répondre. Alors quand certains de ces disparus commencent à revenir et à commettre des crimes, Mila va se retrouver confrontée à une réalité bien macabre…
Donato Carrisi mène son enquête avec un sens du détail très minutieux, et il nous plonge dans ce roman avec une vraie envie de le dévorer. Il sait comment happer le lecteur et maîtrise l’art du suspense, celui qui vous fait terminer un chapitre en laissant une question en suspens ou en donnant la révélation qui vous pousse à lire encore un autre chapitre! Du coup, le livre se termine bien plus vite que ce qu’on pensait, et on se rend alors compte que Le Chuchoteur n’était pas un coup de chance, mais que l’auteur a un réel talent pour nous plonger dans ses contes macabres. Le personnage de Mila possède une différence qui la marginalise, et Carrisi nous donne les clés pour la comprendre et pour ressentir de l’empathie pour elle. Le personnage de Simon Berish, un flic déchu spécialisé en anthropologie, est lui aussi à part, et à eux deux, ils offrent deux visions de personnages qui oscillent entre culpabilité et acceptation.
Les thèmes de la manipulation, de la culpabilité, du Mal sont très forts chez Carrisi, et il nous les sert avec un mélange de poésie macabre et de réalisme clinique qui alternent en surprenant le lecteur. Mais l’atmosphère, 7 ans après les événements du Chuchoteur, fonctionne toujours, et l’on plonge dans ce grand bain sombre avec beaucoup de plaisir! Je ne vous raconterai pas l’histoire, ce serait dommage de vous dévoiler les tenants et aboutissants de l’ouvrage, mais l’intérêt documentaire est tout aussi grand que l’intérêt fictif, et l’on va suivre les évolutions de l’enquête avec une vraie envie de comprendre les mécanismes du Mal, tout en s’attachant à des protagonistes prenants, même s’ils ont parfois quelques traits caricaturaux. Donato Carrisi n’a pas son pareil pour étudier les âmes déchues, et il le fait encore une fois de très belle manière avec L’Ecorchée.