Le Chuchoteur (Donato Carrisi, 2009)

Publié en 2009, ce premier roman de Donato Carrisi est sorti en poche au mois de juillet, et j’ai dévoré ses 575 pages avec un plaisir évident! Carrisi est un ancien juriste, spécialisé en criminologie et en sciences du comportement, et Le Chuchoteur bénéficie donc d’un solide background. L’auteur puise dans son expérience et dans ses connaissances afin de mettre sur pied un polar dense habité par des personnages forts, parmi lesquels il glisse probablement des interrogations et des attitudes personnelles… La figure de Goran Gavila semble d’emblée la plus proche de Carrisi, lui qui gère cette équipe de flics en amenant son sens de la déduction et sa vision atypique sur les enquêtes.

Gavila est un consultant extérieur, mais sa place est prépondérante dans l’équipe mise sur pied par l’inspecteur-chef Roche, car la vivacité d’esprit et l’intelligence du criminologue sont des ressources indispensables. Alors quand cinq fosses sont découvertes, avec à l’intérieur cinq bras gauches d’enfant, l’équipe de Gavila sait qu’elle a affaire a un tueur impitoyable, et que la traque ne sera pas aisée…

Le Chuchoteur est construit avec un grand sens du suspense et un savant dosage des révélations, et cette construction le rend palpitant d’un bout à l’autre. Sans atteindre la quintessence d’un Millénium, il se pose comme un thriller très efficace et supérieur à la moyenne, en grande partie grâce au réalisme dans les mécanismes de l’enquête. Carrisi profite de cet ouvrage pour nous révéler les dessous des investigations, qu’il s’agisse des méthodes d’interrogatoire, des lectures de scènes de crime ou encore de la façon d’appréhender un suspect. Ce livre est ancré dans une réalité sombre, celle des enlèvements d’enfants, et propose une approche très directe qui immerge complètement le lecteur. La vision de Gavila sur les tueurs et les pédophiles, et sa méthode pour s’en approcher, est de rechercher ce qu’ils ont d’humain, car même s’il est beaucoup plus simple de les cataloguer comme monstres, ils se cachent parmi la société en revêtant souvent une apparence d’une normalité trompeuse. Gavila explique que l’âme du monstre n’est pas si éloignée de celle d’un individu normal, et il cherche à définir les caractéristiques et les évènements ayant donné naissance à ce monstre.

L’inspectrice Mila Vasquez, envoyée en renfort pour aider l’équipe de Gavila à coincer le tueur en série, va découvrir un monde encore plus sombre que celui qu’elle côtoie déjà régulièrement, dans le cadre de son travail sur la recherche d’enfants. L’intégration dans l’équipe n’est pas évidente, et elle va se battre pour faire entendre sa voix et son intuition. L’un des nombreux intérêts de ce livre réside dans cette attention portée à l’intuition et aux sensations lors de l’enquête, le professeur Gavila appelant à maintes reprises ses troupes à considérer le moindre détail comme pouvant être significatif, et à ne pas avoir peur du ridicule en formulant une hypothèse. A plusieurs reprises, l’enquête stagne, et un nouvel évènement, ou une interprétation différente, va permettre d’avancer à nouveau vers le mystérieux tueur.

On peut regretter quelques facilités scénaristiques sur la fin, comme si Donato Carrisi sacrifiait à une approche plus spectaculaire, et c’est un peu dommage au vu de la construction sans faille qui se maintenait jusque là. Mais même s’il a cédé à des éléments très capillotractés sur la fin, l’ensemble se tient, et la sensation d’une enquête solide et au traitement original perdure. Le Chuchoteur est un vrai bon policier, élaboré avec une maîtrise littéraire évidente et un souci du détail qui fait plaisir à voir!

 

 

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