Gen V saison 1 (2023)

Ayant dévoré une bonne partie des comics The Boys de Garth Ennis et Darrick Robertson, j’attendais avec impatience la sortie de la série homonyme d’Eric Kripke. Je n’y ai jamais retrouvé la folie créative et l’indécence libertaire du matériau de papier, et j’ai lâché au bout de 2 saisons tant c’était d’un ennui mortel. La première saison parvenait tout juste à donner illusion, mais la multiplication des édulcorations (coucou Boudin d’Amour, coucou Terreur!) achevait le constat d’une adaptation clairement ratée, malgré le cabotinage de ce bon vieux Anthony Starr.

Voilà qu’entre les saisons 3 et 4 de la série-mère, débarque la petite dernière qui se contre sur l’Université Godolkin. Nommée Gen V en référence à la génération du Composé V, elle souhaite attirer un nouveau public dans l’univers de The Boys. La cible est clairement adolescente avec des récits se déroulant à la fac, mais l’approche sanglante et violente reste la même que pour The Boys. On se rappelle les excellents épisodes d’Ennis prenant place chez Godolkin, qui parodiaient avec classe et efficacité les X-Men, dans un mélange d’humour noir et de fureur dévastatrice. Et ici, on va faire le même constat que pour la série The Boys, à savoir une première saison posant des bases sympathiques, mais qui joue sur son ambition de durée pour masquer ses faiblesses.

Tout commence pourtant très fort avec l’introduction du personnage de Marie Moreau, qui sera l’élément central du show. Une séquence à forte dose d’hémoglobine et d’émotion qui va placer d’entrée de jeu des enjeux forts, même si classiques pour un personnage à super-pouvoirs. La mise en scène de cette entame s’avère très soignée, et on se prend à rêver d’une série qui pourrait enfin tenir la comparaison avec les comics. On va avancer pendant plusieurs épisodes avec un développement intéressant au niveau de l’intrigue et de la découverte des personnages, même si on sent qu’il y a quelques éléments gênants aux entournures. Ca semble bien frais, ça envoie de temps en temps et les acteurs se prennent globalement au jeu.

On est dans une ère inclusive, donc on va y aller franco avec un personnage capable de changer de sexe, et ce/cette Jordan s’avère dès le début intéressant avec cette capacité de se métamorphoser. On se dit qu’on tient enfin un personnage transgenre intéressant, mais il va rapidement se redéfinir par sa seule fonction au lieu de poursuivre le développement de son histoire. Jordan est représentatif du sacrifice qui est fait aux personnages que l’on veut créer pour surfer sur la vague de la tolérance à outrance, et qui se vautre parce que l’intérêt qu’il avait au départ est juste laissé de côté par des auteurs qui se disent que son statut de transgenre sera suffisant. Ben non, qu’il soit transgenre, homo ou hétéro, l’intérêt d’un personnage résidera toujours dans sa psychologie, ses interactions et ses choix. Limiter un perso à son statut ou à sa sexualité a toujours été réducteur, et ça l’est encore à l’heure de l’inclusion à tout prix.

On a un casting qui fonctionne globalement bien, avec dès le départ une mention pour Lizze Broadway qui campe un perso vraiment intéressant, Emma. Celle-ci est capable de rétrécir, et quand on voit ce qu’elle doit faire pour cela, ça pose un questionnement réel sur un problème touchant malheureusement trop d’adolescentes. Lizze Broadway apporte une vraie énergie à son personnage, et pose de véritables questions sur les sacrifices à faire pour gagner un peu de popularité, quitte à mettre sa santé en danger. Globalement, ce sujet est très bien traité au début de la série, avec cette recherche perpétuelle du buzz de la part de certains étudiants, et le classement effectué par Vought sur ses élèves. Même si la notoriété via les réseaux sociaux n’est pas une nouveauté, et que Black Mirror a déjà tout dit là-dessus, ça n’empêche pas cette série de poser des questions pertinentes et de les traiter efficacement. Mais là encore, tout ce qui est mis en place va peu à peu être laissé de côté pour se concentrer sur l’élément central du show, à savoir ce qui se passe réellement dans cette école.

On va donc glisser de la parodie sanguinolente et osée à un script bien plus convenu à base d’expérimentations interdites et de contrôle des êtres à pouvoirs, dans un esprit forcément 1984 et Mengélé. Le soufflé retombe pas mal avec cette approche plus classique et moins impactante émotionnellement, même si les effets visuels sont encore bien fait et que la facture de l’ensemble reste correcte. Mais pour une série qui se voulait la petite soeur impertinente d’un show déjà bien essoufflé, ça reste finalement très gentil… Ca se regarde jusqu’au bout sans problème, mais c’est clair que je n’enquillerai pas sur la saison 2, surtout avec un cliffhanger de fin aussi pourri… Les producteurs jouent une fois encore sur le long terme, et au lieu de résoudre une intrigue en fin de saison, ils préfèrent laisser les personnages dans une situation qui doit donner envie de poursuivre la série. Sauf qu’à force de voir ça dans toutes les séries et même dans les films (coucou Fast & Furious X, coucou Mission : Impossible – Dead Reckoning, Partie 1), ça fait l’effet inverse et j’abandonnerai sans problème ces étudiants à leurs soucis.

Une fois encore, Gen V manque cruellement de profondeur et de la patte Garth Ennis, ce qui faisait la folie des comics The Boys. On est dans une université, et on n’assiste quasiment à aucun cours, on ne voit presque aucunes interactions entre des groupes d’étudiants, et au final on ne va suivre que les 6 personnages principaux dans leur vie en-dehors de tout ce qui fait la vie d’un étudiant. Pourquoi on n’assiste pas à des cours où ils apprennent à utiliser leurs pouvoirs? Ou à des fêtes étudiantes en mode Herogasm? Malgré une propension certaine à balancer du sang, l’ensemble reste encore très sage et très conventionnel pour une adaptation de Garth Ennis…

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