Candyman (Bernard Rose, 1992)

4 ans auparavant, le metteur en scène anglais nous livrait son envoûtant et mythique Paperhouse, et il s’engouffre cette fois plus avant dans la veine cauchemardesque. Candyman est un film culte pour toute une génération, la création de ce boogeyman ayant un crochet à la place de l’avant-bras étant assez réaliste pour filer quelques cauchemars aux spectateurs! L’ensemble a certes pris un petit coup de vieux, mais l’atmosphère crépusculaire est toujours active, grâce à ce regard atypique de Bernard Rose amenant un traitement à la la limite de l’onirique à son sujet.

Le générique place d’emblée un regard vertical et vertigineux sur la ville, avec ce réseau d’autoroutes filmé en un lent travelling aérien. Bernard Rose est de ces metteurs en scène naturalistes qui aiment à questionner l’importance de l’environnement urbain sur les agissements humains, et sa démarche se rapproche beaucoup de la sensibilité d’un Godfrey Reggio. La filiation avec le sublime film expérimental Koyaanisqatsi est une évidence, et elle est encore plus claire avec l’appui de la superbe musique de Philip Glass, qui oeuvrait sur l’expérience de Godfrey Reggio. Candyman apparaît comme une sorte d’extension en mode fictionnel de Koyaanisqatsi, empruntant des thématiques similaires et offrant une vision plus horrifique de l’exploration de la nature humaine.

Si Candyman a autant marqué les esprits, c’est parce qu’il parle à notre subconscient à travers des séquences étranges et atypiques, créant des connexions avec nos peurs profondes. Cette légende urbaine de l’homme au crochet renvoie bien évidemment au conte macabre initial (relaté par Stephen King dans son excellent Anatomie de l’Horreur) qui a fait frissonner tant d’ados autour de feux de camp! En utilisant une imagerie ancrée dans l’inconscient collectif américain, Bernard Rose accentue l’impact de son boogeyman, et l’ambiance éthérée et macabre qu’il crée achève de lui conférer une aura immortelle. Il faut dire que la prestation de Tony Todd dans le rôle-titre est assez glaçante, avec ses brusques apparitions statiques… 2 ans auparavant, il incarnait Ben dans La Nuit des Morts-Vivants de Tom Savini, et Candyman l’inscrira définitivement comme un acteur incontournable dans le domaine horrifique. Sa voix gutturale, son regard transperçant et sa présence inquiétante en font un personnage bien flippant, et la pauvre Virginia Madsen a du mal à résister à son attractivité malsaine.

On a pu croiser la soeur de Michael Madsen (Reservoir Dogs) dans Dune ou Highlander, le Retour, et elle campe ici une étudiante s’intéressant aux légendes urbaines, qui ne croit pas à ces mythes mais qui est fascinée par la capacité de l’humain à perpétrer des actes tout en se cachant derrière ces croyances. Quand la légende dit que le Candyman apparaît lorsqu’on prononce 5 fois son nom face à un miroir, elle va évidemment être tentée de tester l’incantation… C’est à partir de là que d’étranges et sanglants événements vont avoir lieu autour d’elle… Bernard Rose va créer des séquences graphiquement fortes, qui vont très souvent se situer aux limites du réel et de l’imaginaire, un savoir-faire qu’il gère depuis son sublime Paperhouse! Sa manière de personnifier le Candyman est impressionnante, avec ces grouillements d’abeilles notamment! Pour la petite histoire, vu que le tournage se passait avec de vraies abeilles, Tony Todd avait négocié une prime de 1000 dollars par piqûre! Et comme il s’est fait piquer 23 fois, ça a considérablement rallongé son salaire ! ^^

Le quartier de Cabrini-Green à Chicago est le lieu principal de tournage, proposant une délocalisation à la nouvelle de Clive Barker qui est à l’origine du film. The Forbidden se déroulait en effet à Liverpool, mais ce quartier pauvre de Chicago était incroyable pour Bernard Rose, car il y sentait que la peur était palpable. La dimension qu’il en donne est en effet impressionnante, avec ces grands ensembles sinistres ressemblant à une jungle de béton. Bernard Rose s’intéresse aussi au street art, avec ces fresques murales de toute beauté, notamment celle représentant Candyman! Il y a une force émanant de ce quartier et qui en parcourt les artères, mais c’est une puissance maléfique avec laquelle les habitants sont contraints de vivre. Le contexte social est traité là encore frontalement, avec des flics qui refusent de venir lorsque des Noirs se font tuer, mais qui interviennent rapidement quand une Blanche se fait agresser…

Candyman est un film très intéressant qui doit se replacer dans son contexte, puisqu’il a effectivement vieilli, mais il conserve malgré tout une très belle aura grâce à la mise en scène de Bernard Rose et à la musique de Philip Glass! Et dernière anecdote, le premier choix pour le rôle du sinistre personnage hantant ce quartier n’était pas Tony Todd, mais… Eddie Murphy!!! Heureusement, il coûtait trop cher, car son aura comique aurait très certainement atténué la portée de ce film!

 

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