Shell (Scott Graham, 2012)

Premier long métrage pour l’Ecossais Scott Graham, qui s’inspire de son court éponyme pour nous livrer une oeuvre pas forcément facile d’accès mais captivante. Shell est une jeune fille de 17 ans vivant dans un coin paumé des Highlands, où elle gère une station-service avec son père. Loin de tout, elle passe de longues journées mornes à attendre que le temps défile, sous la caméra réellement subtile de Scott Graham qui parvient à magnifier ces instants de solitude et à en tirer une ambiance très réussie. Shell repose sur son atmosphère à la fois calme et tendue, la révolte et les sentiments contradictoires étant prêts à exploser chez cette jeune femme en quête d’ailleurs. Shell se cherche et désespère de se trouver dans un environnement trop étriqué pour une jeune femme, et les rares rencontres qu’elles fait ne lui permettent pas de s’épanouir.

Shell est la révélation d’une actrice très talentueuse, l’Ecossaise Chloe Pirrie, qui joue ce rôle difficile avec énormément de talent. Shell est une jeune femme à la fois froide et envoûtante, dont le charme opère sur les hommes qui passent, mais qui ne parvient pas à se détacher de son père. Son attachement devient presque malsain, et Scott Graham montre sans porter de jugement à quel point la solitude et l’absence de communication peuvent mener à des situations bizarres. Shell ne fait pas dans le glauque ni le voyeurisme, mais il interroge sur la perte de temps et l’étiolement de la jeunesse lorsqu’elle ne connaît pas la joie et les rires. Shell se morfond de plus en plus dans cette sinistre station-service loin de tout, balayée par le vent glacial des Highlands. Scott Graham filme magnifiquement cette contrée perdue, faisant ressentir la morsure du vent et la solitude qui plane sans discontinuer. Ce film se rapproche dans l’esprit du Guerrière de David Wnendt, offrant une vision épurée de la solitude, les deux réalisateurs partageant une vision qui demande beaucoup d’implication de la part du spectateur, mais qui est riche et complexe.

L’acteur Joseph Mawle, qui joue le père de Shell, est lui aussi excellent, composant un personnage également difficile à jouer. Les fractures de cet homme se révèlent peu à peu, sans qu’il en dise trop, et sa solitude se comprend également. Les rapports délicats entre sa fille et lui sont très complexes, lui ayant besoin d’elle à ses côtés, et elle aspirant inconsciemment à une autre existence mais se sentant redevable.

Film sur la désolidarisation des liens, sur le sentiment d’abandon et sur la beauté paradoxale de la solitude, Shell est une oeuvre à la fois fragile et très belle.

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