Pour son 3ème film, le cinéaste allemand David Wnendt réalise une oeuvre d’une grande sensibilité, traitant le sujet délicat de l’idéologie nazie perpétuée à travers une jeunesse paumée. Marisa, une jeune femme d’une vingtaine d’années, traîne avec un groupe adepte de la suprématie germanique, qui n’hésite pas à appuyer brutalement ses propos racistes. On assiste à des agressions violentes que le réalisateur filme de manière très crue, n’omettant pas la fierté que trouvent ces jeunes néo-nazis à filmer leurs actes ignobles. David Wnendt nous plonge d’emblée dans un environnement désaxé, ne cherchant pas à minimiser ou a exagérer son propos, qui tient finalement d’une chronique de la haine ordinaire.
Le titre international, Combat girls, risque de prêter à confusion, car Wnendt ne cherche aucun sensationnalisme et brosse le portrait tristement réaliste d’une jeunesse désoeuvrée tentant de se consolider à travers un communautarisme abject. Au début, on ne sait trop dans quelle direction veut nous emmener le metteur en scène, et la subtilité de son propos se dessine ensuite, allant de pair avec une rudesse pourtant traversée par quelques zones d’espoir. En entrecroisant les existences de Marisa, d’une jeune fille de 15 ans nommée Svenja qui commence à côtoyer le même milieu, du jeune étranger Rasul ainsi que de la famille proche des protagonistes, David Wnendt dévoile plusieurs vies faites de tragédies et de morne quotidien, chacun souhaitant échapper à une existence linéaire tout en ayant l’indicible conscience d’y être trop solidement attaché.
Guerrière, c’est aussi la révélation d’une actrice incroyable, Alina Levshin, qui crève l’écran dans ce qui est son 2ème long métrage! Cette jeune Germano-Ukrainienne joue avec une justesse et une conviction viscérale cette Marisa persuadée d’être dans le droit chemin à travers cette croisade raciste, et qui réalise des actes intolérables. Son caractère déterminé et anticonformiste va la mener à des actions violentes, tout en perçant peu à peu cette surface de haine. Marisa va être confrontée à la réalité d’autres personnages, et va devoir les appréhender de manière personnelle.
David Wnendt pose une ambiance grisâtre dans laquelle cette bande de jeunes est convaincue de la responsabilité des étrangers dans leurs échecs, et suit aussi le cheminement hasardeux du jeune Rasul, émigré afghan vivotant dans une banlieue sordide. La rencontre improbable entre Marisa et Rasul va être déterminante dans la fracture de la vision biaisée de la jeune femme sur le monde, et elle va alors tenter d’aider presque malgré elle le jeune garçon à retrouver les siens.
Guerrière est une vraie découverte, démontrant la clairvoyance d’un cinéma allemand traitant encore une fois avec ses propres démons, et ce d’une manière intimiste et réaliste. Si certains passages n’hésitent pas à montrer frontalement la cruauté de ces néo-nazis, David Wnendt cherche aussi à faire découvrir dans quels environnements peuvent se construire un radicalisme aussi primaire. Il explore les cellules familiales défaillantes, faites de silences trop pesants ou d’autorités trop abusives, sans jamais porter de jugements. Wnendt se pose comme un observateur de ces dysfonctionnements menant à des pensées étroites, et on sent constamment dans son film la tristesse de ce constat amer. Loin d’être rébarbatif, cette vision du cinéaste s’avère surtout très prenante, et Guerrière apparaît comme un témoignage très précis d’une jeunesse allemande qui ne s’est pas encore amendée des actes de leurs pères. Guerrière est un film très fort, et la révélation d’une actrice vraiment très talentueuse.