Deadpool 1 : Le Carnage dans le Sang

L’Univers Cinématographique Marvel (MCU) est en proie à des errements et à une baisse inquiétante de qualité depuis plusieurs années, je vous en parle assez régulièrement. Mais la branche originelle des comics n’est pas en reste au niveau de la chute qualitative, et cela fait bien longtemps que je n’ai pas tenu entre les mains un comics récent qui m’ait donné envie de suivre les aventures de ces héros costumés. L’exemple parfait pour illustrer cette déchéance est à suivre chaque mois dans le magazine Destiny of X, que je n’ai même plus la force de chroniquer et que j’achète uniquement par souci complétiste en ma qualité de fan hardcore de Deadpool ^^ Mais l’héritage laissé par Jonathan Hickman depuis son ratage House of X/Powers of X il y a 3 ans est bien triste, lui qui nous avait gratifié en 2016 de l’un des meilleurs récits Marvel de tous les temps, voire le meilleur, Secret Wars. La suite aura été bien trop poussive avec sa réappropriation krakoane des X-Men, et depuis, on se mange des séries X-Men, Wolverine, Exilés, New Mutants ou encore X-Terminators (certainement l’une des pires choses qui soit arrivé aux Mutants cette série) quasi-systématiquement sans âme, sans profondeur et sans la moindre once créative. Ce n’est clairement pas la meilleure période Marvel, et je craignais bien évidemment que la sortie de la nouvelle série Deadpool soit du même acabit… Et c’est gagné…

C’est l’auteur (ou autrice) Alyssa Wong qui a la destinée du personnage en main, et elle va juste faire de cette série une vitrine idéologique au lieu de se concentrer sur la complexité du récit ou le caractère ambivalent de notre anti-héros. Car ce qui est très important dans sa bio, c’est qu’on utilise le prénom iel pour parler d’elle, car elle se détermine comme non-binaire. Que les auteurs mettent de leur propre existence dans leurs scénarii, c’est bien normal, et si cela s’inscrit dans un récit enlevé offrant un certain dynamisme et créant une connexion entre les personnages et les lecteurs, je ne suis aucunement fermé quel que soit le sujet traité. Mais en l’occurence, ce qui ressort après la lecture laborieuse de ces 6 épisodes, c’est qu’il n’y aura strictement rien eu en terme d’élaboration d’une quelconque atmosphère, et que le seul élément que l’on va potentiellement retenir, c’est cette romance au forceps que vont vivre Wade et un.e certain.e Valentine. On est dans un comics où Wade se fait inséminer un embryon de Carnage dans le corps, et le seul truc qu’on retiendra, c’est cette love story bancale car elle prend trop de place et qu’on sent qu’elle est juste placée là en mode agenda politique.

On a notre dose de sang due à Carnage et au côté Alien de la douloureuse symbiose entre les deux organismes, mais c’est tellement bâclé qu’on n’en a strictement rien à faire de savoir si Deadpool va s’en remettre. On se retrouve une fois encore dans un comics dont on va utiliser un personnage apprécié pour le détourner et en faire un simple porte-parole d’une cause idéologique, alors que tout ce qu’on demande aux auteurs c’est de nous pondre de vrais récits captivants et prenants. Ici, on est bien loin de ce résultat, et je me suis retrouvé devant un numéro de Deadpool des plus insipides, malgré des dessins à moitié réussis de Martin Coccolo. Je dis à moitié réussis, car graphiquement il a une belle patte, mais on a la désagréable impression que l’ensemble a été réalisé sans grande motivation, et on a une succession de planches à la fois belles et ternes venant se poser sur un récit aussi palpitant qu’un encéphalogramme débranché. En fait, tout comme l’état actuel hollywoodien, on a un emballage qui passera pour correct, et qui pendant un temps a réussi à faire passer la pilule, mais depuis quelques temps, ça ne fonctionne plus et le manque d’investissement ainsi que le manque de respect envers les personnages commencent à se voir…

Il est loin le temps des Joe Kelly et autre Gail Simone, et on se casse les dents sur 6 épisodes sans relief qui voient Wade tenter de tuer le Docteur Octopus afin de rallier l’organisation secrète de l’Atelier, embauchant des mercenaires de haute volée. Dès le départ, on se doutera bien que Wade ne parviendra jamais à buter Doc Ock, donc le niveau de suspense n’est déjà pas bien haut, mais en plus, on sent un tel désintérêt de la part du comité de rédaction pour son personnage, que l’on a l’impression de vivre la même chose que dans la série Moon Knight du MCU : encore une arnaque… Deadpool fait des vannes, il est moche, il se fait éventrer régulièrement, mais on a aucune progression au niveau du personnage, aucune recherche psychologique, aucun enjeu personnel, aucune avancée dans la mythologie du personnage. On se tape 6 épisodes sur lesquels on aurait pu greffer n’importe quel autre super-héros un tant soit peu « anti », et la mayonnaise aurait pris de la même manière fade. Il y avait un chouette potentiel à cette idée de fusionner Carnage et Deadpool, même si c’est un élément qui est loin d’être neuf, mais comme l’intérêt ne résidait clairement pas dans cette piste narrative, ça donne une fusion sans le moindre intérêt graphique (c’est franchement illisible par moment), ni sans le moindre intérêt global.

Cette série signée Alyssa Wong va faire partie des nombreuses séries inodore, incolore et inoffensive que tout le monde aura oublié dans 2 mois, et le personnage de Deadpool se trouvera une fois encore réinventé avec le passage d’un prochain scénariste, dans une boucle sans fin qui mine de rien fait furieusement penser au mythe de Sisyphe. A force de vouloir alpaguer un nouveau lectorat à chaque relaunch, on en perd forcément la saveur initiale du personnage, qui continue à se diluer dans une trame de plus en plus plate avec des scénaristes dont le principal souci est de ne plus prendre aucun risque, et de préférer parler de l’idéologie du moment au lieu de se fatiguer à rédiger un script digne de ce nom et qui donne envie de suivre les personnages, quels que soient leurs penchants sexuels. Qu’est-ce que ça me fatigue ce wokisme tapageur qui nous saoule toute la journée… Quand on voit la qualité avec laquelle Joe R. Lansdale traite du sujet de l’homosexualité dans sa série Hap et Leonard, il faudrait que les apprentis scénaristes de chez Marvel en prennent de la graine et se reconcentrent sur le sens de l’écriture avant l’idéologie!

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