Si le nom de Jérémy Wulc vous est inconnu, vous l’avez pourtant croisé à plusieurs reprises sans vous en rendre compte. Il est apparu dans plusieurs fictions télévisuelles ou cinématographiques, de La Philo selon Philippe à La Dream Team, en passant par Madame le Proviseur, Sauveur Giordano ou encore Tout Schuss, la plupart du temps dans des rôles secondaires. Il a également une carrière en tant que scénariste pour le cinéma et la télévision, et est également très actif dans le domaine du théâtre, où il écrit, joue et met en scène. Cet amoureux des lettres devait inévitablement se lancer un jour dans le domaine du roman, et ce nouveau défi est remporté avec Les Loups-Garous d’Argentine, évocation sur plusieurs époques des heures les plus sombres de l’Histoire, paru le 6 avril 2022 chez HarperCollins…
Jérémy Wulc va nous faire rencontrer Arnaud Shimansky, dont le nom renvoie fortement au Shimanski de Götz George, un des nombreux flics allemands télévisuels connus. Arnaud Shimansky voit sa carrière policière battre de l’aile suite à un événement arrivé en mission, et c’est durant cette période difficile que son grand-père va décéder. Simon Shimansky avait fui les horreurs de la Seconde Guerre Mondiale pour reconstruire sa famille, et il laisse derrière lui un fils et un petit-fils. Ces deux derniers vont entamer le nettoyage de la maison familiale avant de la mettre en vente, et en fouillant littéralement dans le passé, Arnaud va faire des découvertes étonnantes et troublantes… Le flic va se mettre à enquêter sur le passé du patriarche, ce qui risque bien de remettre en question tout ce qu’il croyait sur sa propre famille…
Jérémy Wulc dresse des personnages qui ne sont pas forcément très fouillés psychologiquement, mais l’intérêt de ce livre réside surtout dans son intrigue et dans sa réappropriation de l’Histoire. Wulc nous convie à un voyage sombre en multipliant les strates temporelles, pour parvenir à boucler l’histoire familiale des Shimansky. On passe de manière très fluide de l’époque contemporaine aux années 40, 50 ou 80, en glissant dans le temps grâce à des manuscrits ou des photos retrouvés, et si le mystère s’intensifie de plus en plus, il va finir par faire place à des révélations successives qui vont jeter un nouveau regard sur l’histoire de Simon, et sur la grande Histoire elle-même. En conteur apte à captiver son auditoire, Jérémy Wulc va narrer cette saga familiale avec un sens consommé du suspense, et même si certains éléments paraissent évidents, d’autres pourront surprendre.
C’est principalement dans sa narration historique que Les Loups-Garous d’Argentine est le plus prenant, car on a hâte de savoir de quoi il retourne alors qu’Arnaud se lance dans sa quête de vérité. Ses relations avec son pote Billard, sa hiérarchie ou sa copine Ambre importent peu, et ce n’est donc pas grave si elles apparaissent comme très classiques dans leur traitement. Car l’immersion dans le passé avec le rappel de la terreur qu’ont connu les Juifs lors de la Seconde Guerre Mondiale est bien plus fort… Arnaud va remonter le fil des connexions de son grand-père et va traverser le globe afin de faire toute la lumière sur ce qui lui est arrivé, et surtout pour trouver les responsables…
En mêlant des faits historiques connus, en convoquant notamment les enquêtes d’Arno Klarsfeld et les procès de criminels de guerre comme Klaus Barbie, Jérémy Wulc crée une fiction se basant sur des faits on ne peut plus réels, et il se donne toute latitude pour mener une enquête prenante aux confins du roman et de l’enquête historique. Il se permet quelques distorsions intéressantes, et à la lecture d’un tel bouquin, on se demande si le Mal est éternel… Entre le bruit des bottes dans le Berlin des années 40, l’exil des Nazis en Amérique du Sud, et le devoir d’histoire du Mémorial de la Shoah, on va être pris dans la tourmente de l’après-guerre, et on va découvrir comment la corruption et l’absence de toute morale a pu permettre la protection de certains des êtres parmi les plus abjects…
Pour son premier roman, Jérémy Wulc nous livre un récit prenant, qui se lit presque d’une traite!