Le metteur en scène danois Anders Thomas Jensen s’est fait connaître en 2003 avec sa comédie noire Les Bouchers verts, puis avec Adam’s Apple en 2005. Avec Riders of Justice, il retrouve son acteur fétiche Mads Mikkelsen pour la 4ème fois consécutive, après les 2 films cités plus haut et Men & Chicken. Si Riders of Justice sonne comme un film d’action, Anders Thomas Jensen va se servir d’un postulat de départ qui pourrait axer le film dans une veine qu’apprécierait effectivement Liam Neeson, pour proposer un traitement radicalement différent.
Lorsque sa femme et sa fille sont victimes d’un accident ferroviaire, le soldat Markus rentre au pays pour retrouver l’adolescente qui a survécu. Parallèlement, un statisticien mène une enquête sur l’accident, et en analysant les faits, il va conclure qu’il s’agissait d’un attentat. La police ne le prenant pas au sérieux, Otto va entrer en contact avec Markus afin de lui expliquer la vérité, donnant l’opportunité à ce dernier de prendre les armes afin de punir les responsables. Un point de départ quasiment obligé de mener à une débauche de scènes d’action bien violentes, mais Anders Thomas Jensen va prendre le contrepas en nous proposant une étude sociale sur tout un groupe de personnes ayant des traumas divers et variés. Avec un humour confinant à l’absurde, il va nous faire découvrir Lennart, Emmenthaler, Mathilde et d’autres encore, creusant finement dans la psyché humaine pour nous conter les existences plus ou moins brisées de chacun.
Là où Markus est l’archétype du soldat silencieux, il va être mis en contact avec un trio d’informaticiens névrosés qui vont lui être nécessaire à la poursuite de l’enquête. Otto, Lennart et Emmenthaler ont des interactions compliquées, ce qui offre des moments franchement drôles et absurdes. Jensen a rédigé un script se basant sur une idée de Nikolaj Arcel, le metteur en scène de La Tour Sombre, qui avait notamment co-écrit le scénario de Millénium, le Film ou de la saga Les Enquêtes du Département V. Jensen possède une écriture très subtile, capable de mêler l’humour et le tragique en les intriquant gracieusement, à tel point que l’on est régulièrement surpris par nos propres variations émotionnelles. Riders of Justice est un film très touchant, et qui parvient à l’être car il ne cherche pas la recette du pathos facile. La manière dont Jensen brosse les portraits de ces désaxés est faite d’humanité et d’espoir, là où il semble pourtant ne plus y en avoir.
Riders of Justice va parler du processus de deuil, de la relation difficile entre un père et sa fille qui ne se connaissent pas, de la manière dont des événements traumatiques ont été géré depuis des années, mais il va aussi parler de fraternité, de partage et de renaissance. Le tout sans appuyer fortement comme dans de nombreux films, mais avec une aisance déconcertante et un rythme très nordique qui font sacrément du bien. L’utilisation de la thématique des statistiques et des probabilités est là encore très intéressante, les personnages tentant d’y comprendre le sens de l’existence. La finalité de l’ensemble est très belle, et ce film étonne par sa force si particulière.
Mads Mikkelsen est bien évidemment très bon dans son rôle, maniant une colère sous-jacente permanente, ce qui va donner lieu à quelques situations cocasses. Nikolaj Lie Kaas (The Killing) est vraiment bon dans le rôle du statisticien Otto, et apporte beaucoup de subtilité à son personnage. Lars Brygmann apporte beaucoup d’humour et d’émotion avec Lennart, et sous ses airs facétieux va également bien aider Mathilde, la fille de Markus. Nicolas Bro est franchement drôle dans la peau d’Emmenthaler, et va lui aussi se permettre quelques moments bien émouvants. Chaque personnage à son passé qui l’a marqué, et ce sont dans leurs interactions présentes qu’ils vont y trouver un sens. La manière dont ils expriment leurs traumas et leurs craintes vont nous faire passer par différents degrés émotionnels, et ce Riders of Justice est une très belle proposition de cinéma social.