Il n’aura pas fallu longtemps avant que le confinement n’inspire les auteurs et réalisateurs. En France, on aura eu droit à Connectés… Mais aux Etats-Unis, on sent un poil plus d’ambition avec ce Songbird, qui va évoquer un futur très sombre dans lequel le Covid-19 aurait muté, devenant létal en 48h. Bienvenue en 2024, où le confinement est nettement moins souple qu’en 2020, et où les autorités sanitaires ont tous les droits pour tenter d’éradiquer la propagation. Aaah on se plaignait de 2020 hein!!!
Hollywood nous balançait régulièrement des films d’épidémie au gré des décennies, on se souvient d’Alerte!, de Contagion ou de Pandemic, mais on gardait toujours une certaine distanciation avec ces oeuvres qui n’étaient que de la SF pure. Aujourd’hui, on regarde ce type de production d’une autre manière, en l’analysant un peu plus sérieusement et en se disant pour la première fois qu’il y a quand même une probabilité que ça devienne réel… C’est en cela que le thriller d’Adam Mason s’avère très intéressant, et c’est malheureusement aussi pour cela qu’il a été taxé d’opportunisme. Sortir un film exploitant une pandémie encore présente, beaucoup ont trouvé cela de très mauvais goût… Mais pour ma part, je trouve que travailler sur un sujet d’actualité permet de retranscrire à chaud les angoisses et les espoirs face à cette menace, et je trouve au contraire que ce film mérite d’être vu comme une tentative de dystopie qui fonctionne!
Nico (K.J. Apa, Archie dans la série Riverdale) est un coursier à vélo immunisé contre la maladie, qui peut donc circuler librement dans Los Angeles. On va découvrir à ses côtés une ville totalement désertée, et les images de Nico seul au monde sont d’autant plus frappantes qu’elles sont en parti réelles… Le film a été tourné en un peu plus de 2 semaines alors que le confinement était de rigueur, et c’est vraiment une curiosité de le découvrir pour le coup. On sent une urgence dans la manière de poser la caméra, et une tension permanente autour des personnages. Adam Mason, qui a mis en scène pas mal de films horrifiques et quelques clips pour le groupe Alice in Chains, s’en sort vraiment bien avec des conditions de tournage pour le moins compliquées. On n’est pas forcément certains que toutes les conditions sanitaires aient été respectées (comme la Screen Actors Guild le soulignait avant le tournage), mais le résultat s’avère pourtant intéressant dans ce qu’il offre en terme de paranoïa. Le film a été tourné en mode commando et a probablement outrepassé certaines règles, mais il possède une force provenant justement de la réalité dont il traite.
Je reviens donc à Nico, ce coursier à vélo qui rappelle d’une certaine manière celui de Premium Rush, si ce n’est que Joseph Gordon-Levitt devait éviter un trafic monstre à Manhattan, tandis que Nico est nettement plus serein à Los Angeles. Il s’est rapproché d’une jeune femme il y a un moment, mais il ne peut évidemment pas la voir directement, et lui et Sara gardent le contact via leur téléphone, ou alors simplement à travers la porte qui les sépare lorsqu’ils le peuvent. Cette romance s’avère réellement touchante et très réaliste, dans un contexte où les contacts sont interdits pour éviter la contamination. La situation actuelle est légèrement augmentée pour ce film, mais cette vision est d’autant plus angoissante qu’elle ne paraît plus aussi irréaliste qu’il y a quelques mois! K.J. Apa et Sofia Carson (une Disney girl qui a joué dans les téléfilms The Descendants) apportent une belle sensibilité à leurs personnages, et apparaissent comme un anachronisme dans un monde perdu. Ils croient encore en quelque chose de très fragile, et vont tout faire pour que cet amour subsiste.
Sara vit dans un appartement avec sa grand-mère, qui est incarnée par Elpidia Carrillo (oui, la seule femme de Predator, c’était elle!), mais le danger rôde autour d’elles, une voisine ayant été contaminée. Nico va tenter de leur trouver des bracelets d’immunités afin de les faire sortir, tandis qu’un membre des autorités sanitaires bien déjanté accomplit son boulot avec une ferveur maladive! Peter Stormare s’en donne à coeur joie avec ce rôle bien taré, et ça fait bien plaisir de le revoir le bougre! On a également Demi Moore qui joue une mère de famille aisée se débrouillant pour tenter de maintenir un niveau de vie confortable, afin de protéger sa fille à la santé fragile. On a un personnage qui n’était pas franchement nécessaire, avec cette chanteuse cloîtrée dans un motel interprétée par Alexandra Daddario, et ce segment avec ce mari volage qui lui non plus n’était pas trop nécessaire. On a un personnage qui sort de nulle part juste pour aider Nico dans un moment critique, et là encore, c’est un instant plutôt limite en terme de scénario.
Mais s’il n’est pas exempt de certaines failles, Songbird baigne pourtant dans une atmosphère anxiogène réussie et brasse une poignée de personnages intéressants, compensant les faiblesses de certains. Le rôle de Paul Walter Hauser (qui jouait le personnage principal du Cas Richard Jewell) est intéressant, mettant en avant la solitude d’un homme, qui était cloîtré chez lui bien avant le confinement. Il va y avoir certaines interactions entre ces différents personnages, et il est intéressant d’analyser comment les acteurs se donnent la réplique. Quand on assiste à une scène dans laquelle deux hommes se serrent la main, à l’ancienne comme l’un d’entre eux dit, on a vraiment l’impression d’une scission entre 2 époques, et cela paraît presque interdit… A l’heure où une poignée de main peut choquer, Adam Mason va créer une scène assez malaisante entre la chanteuse et un autre personnage… Dans une société où le contact physique est presque prohibé, on assiste à une certaine forme de transgression qui prend malheureusement son sens avec ce qui se déroule actuellement…
Songbird n’est clairement pas le film lamentable que certains décrivent, et il apporte un regard intéressant sur l’état de notre société actuelle, en échafaudant l’hypothèse de ce qui pourrait bien se passer d’ici 4 ans… Et il le fait de manière intelligente, en mêlant une love story presque d’un autre temps et des conditions d’existence de plus en plus dures. Un film de SF qui mérite d’être découvert!