C’est avec Le Syndicat du Crime et Le Syndicat du Crime 2 que John Woo commence à être révélé à l’international, et The Killer, Une Balle dans la Tête et A toute Epreuve solidifient la portée de son cinéma d’action survitaminé. En 1993, le metteur en scène chinois va donc faire le grand saut vers les Etats-Unis, où il va tourner Chasse à l’Homme avec Jean-Claude Van Damme. Le résultat n’est pas des plus heureux… Et Broken Arrow avec John Travolta et Christian Slater en 1996 non plus… Mais cette rencontre avec Travolta va permettre la mise en chantier d’un film nettement plus ambitieux l’année suivante, Volte/Face, qui devient un actioner classique de la fin des années 90, grâce notamment à des prestations bien allumées de la part de Travolta et Nicolas Cage!
Le récit est totalement barré, avec cette histoire d’échange de visages entre le flic Sean Archer et le bad guy Castor Troy! Grâce à une technologie révolutionnaire, Archer (Travolta) va en effet se faire greffer le visage de Troy (Cage) actuellement dans le coma, afin de se faire passer pour lui et récupérer des infos capitales sur une bombe sur le point d’être déclenchée à Los Angeles. Et bien évidemment, qu’est-ce que va faire Troy lorsqu’il va sortir du coma et voir que son visage a été dérobé? Il va faire exactement la même chose, et se faire poser le visage d’Archer afin de se faire passer pour lui! Le flic est devenu le méchant, et le méchant est devenu le flic!
Un point de départ totalement tiré par les cheveux, mais qui s’avère pourtant très ludique! On va passer sur le réalisme de la chose, pour apprécier les performances bien fun des 2 acteurs, qui s’en donnent à coeur joie! Nicolas Cage est totalement allumé dans le rôle de Troy, et Travolta va donc devoir rivaliser avec sa prestation lorsqu’il va lui-même incarner Troy! Ces jeux de faux-semblants s’avèrent bien dosés et apportent à la fois de la tension et de l’humour, faisant de ce Volte/Face un film d’action plus fun que la moyenne. Niveau action, il faut dire que John Woo est efficace et nous livre une succession de séquences bien rythmées dans laquelle les effets pyrotechniques sont des passages obligés, mais fonctionnent de manière efficace.
C’est ce dosage entre récit et action qui permet d’équilibrer Volte/Face, qui se veut un actioner un brin décérébré tout en apportant des touches émotives inattendues. Alors que la relation entre Archer et sa fille rebelle Jamie est difficile, lorsque Troy prend les traits d’Archer, il va réagir bien différement à la détresse de Jamie. De son côté, Archer, en adoptant les traits de Troy, va se retrouver dans une position très difficile mentalement, car il va naviguer entre 2 personnalités. La séquence de son arrivée en prison est éloquente face au jeu qu’il doit jouer en tant qu’infiltré, tout en démontrant les limites qu’il risque de franchir. Volte/Face va donc au-delà de la simple opposition entre flic et bad guy, chacun se retrouvant avec le visage de l’autre mais se retrouvant également confronté à lui-même. La scène où les 2 se retrouvent de chaque côté d’un miroir est très bien pensée, chacun visant l’autre à travers le reflet du miroir…
Il y a de nombreuses allusions à cette dualité, qui rejoint en quelque sorte la dualité même du métier d’acteur, et c’est pour cela que Travolta et Cage ont dû bien s’éclater à interpréter ces doubles personnages! Nicolas Cage est en totale roue libre comme d’hab, et insuffle une réelle tension à Castor Troy, créant un personnage de psychopathe bien barré! John Travolta incarne le flic obsédé par la capture du méchant, faisant passer sa mission avant sa famille. Le voir changer de registre en milieu de parcours est très intéressant, et il rivalise bien avec la folie de Cage dans l’interprétation de Castor Troy!
Il faut dire que le film démarre de manière assez choquante, et John Woo n’est pas là pour faire dans la violence gentillette. Passée cette intro, on sait qu’on va assister à un spectacle de qualité qui ne va pas lésiner sur la violence, et quand on connaît les oeuvres hong-kongaises de Woo, il n’y a rien d’étonnant à cela. On va retrouver les ralentis qu’il affectionne tant, avec le jeu sur les drapés et les colombes dans les églises… Et ça fonctionne bien! On retrouve quelques seconds couteaux classiques du cinéma 90’s, avec notamment Gina Gershon, Nick Cassavetes, John Carroll Lynch ou encore Robert Wisdom, vu tout récemment dans Helstrom. Volte/Face fait partie de ces pellicules old school qu’il fait bon déterrer de temps en temps, et qui laissent un très bon souvenir!