La Solitude des Nombres premiers (Saverio Costanzo, 2010)

Cette adaptation d’un roman de Paolo Giordano a révélé l’an dernier tout le talent du réalisateur italien Saverio Costanzo. La Solitude des Nombres premiers est son 5ème film, qu’il a écrit avec Giordano et qui fait partie d’un cinéma pas facile d’accès mais envoûtant. Le sens particulier de la narration et la maîtrise formelle indéniable font penser au cinéma du Canadien Denis Villeneuve, comme Polytechnique ou Incendies. Les deux cinéastes partagent un goût similaire pour l’introspection et le poids du passé, magnifiés par une mise en image et un univers sonore très travaillés, avec l’excellente musique de Mike Patton.


Mattia
et Alice sont 2 jeunes gens que l’on va suivre à différentes étapes de leur vie, de leur enfance à l’âge adulte, en passant par l’ingratitude de l’adolescence. Saverio Costanzo ne nous donne pas toutes les clés pour comprendre ces deux personnes, et l’on va naviguer entre différentes époques en essayant de trouver les liens qui vont se faire. Le récit n’est pas facile d’accès, mais il gagne en force au fur et à mesure, grâce à une réalisation d’une grande intelligence. On ne sait pas du tout où l’on se dirige, mais on y est emmené grâce à une atmosphère étrange, chargée de tension et de non-dits. Costanzo fait ressortir le malaise qui mine chacun des personnages et leur entourage, pour créer un film très différent de ce que l’on a l’habitude de voir. Là encore, le parallèle avec Denis Villeneuve est un moyen de se raccrocher à quelque chose de connu, et il est vrai que la sensibilité des 2 hommes semble très proche.

On va suivre les premiers émois adolescents, les blessures profondes qui vont être déterminantes pour la personnalité adulte, et la fuite en avant avec tout ce poids qui mine ces deux êtres. Costanzo voyage à travers le temps pour nous dévoiler par touches successives la construction de ces deux personnes fragilisées, et son récit gagne ainsi en intensité. Sa mise en scène est tout simplement sublime, et permet de créer une tension très forte, et le jeu des acteurs ne dément pas cette force. 3 acteurs incarnent les personnages à différentes étapes de leur vie, et chacun est très impliqué dans son rôle, créant là aussi une forte intensité. La jeune Arianna Nastro est excellente dans ce rôle difficile d’une adolescente solitaire, et Vittorio Lomartire lui donne la réplique avec talent.

Saverio Costanzo est parvenu à filmer la solitude de manière belle et tragique, et son film possède une grande force grâce à son ambiance très particulière. Il n’évite cependant pas quelques passages moins prenants qui s’avèrent un peu longs. Mais il met en avant les peurs, les doutes et les pulsions de ces deux êtres, qui tentent de poursuivre une existence difficile dès le départ, avec une originalité et une force certaines.

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