J’avais tenté cette série dès sa première diffusion, galvanisé par une bande-annonce des plus prometteuses qui semblait totalement s’inscrire dans la continuité des écrits de Garth Ennis et des dessins de Darick Robertson. The Boys est une énième adaptation de comics, mais le matériau original l’est carrément, original, ce qui était donc de très bon augure. Là où j’appréhendais néanmoins, c’est que l’équipe chargée de la transposition est quasiment la même que celle ayant adapté le comics The Preacher… Et quand je n’ai même pas tenu la moitié du premier épisode ce que qui est à la base un comics très engageant (dont je n’ai malheureusement lu qu’une poignée d’épisodes), il y avait de quoi flipper tout de même aux noms d’Evan Goldberg et Seth Rogen. Bon, un élément changeait entre les 2 séries, c’est que Goldberg et Rogen étaient accompagnés de Sam Catlin sur Preacher, et d’Eric Kripke sur The Boys.
J’ai donc plongé directement dans les premiers épisodes, et j’ai arrêté au bout du second. Si les personnages correspondaient bien aux « héros » du comics, il faut avouer que la transposition était bien trop douce… Là où Garth Ennis et Darrick Robertson pulvérisaient les codes des comics avec une propension à la violence, au sexe et à la déviance opérant à un niveau très élevé, The Boys version série était tellement sage… Pour ceux qui ne connaissaient pas l’oeuvre papier, ça pouvait éventuellement faire illusion avec des thématiques rarement abordées, mais l’ensemble baignait dans une violence graphique certes belle mais un peu trop light à mon goût. J’avais donc lâché l’affaire pendant pas mal de temps, avant qu’un pote parvienne à me convaincre de m’y remettre, me promettant une belle évolution du show. J’ai donc retenté.
J’ai revu les 2 premiers épisodes avec les mêmes sensations, celle d’un matériau de base édulcoré qui manquait cruellement d’entrain. Ca restait sympathique, mais très frustrant quand on connaît la folie du comics. Et j’ai enchaîné les 3 épisodes suivants, qui étaient dans le même esprit que les 2 premiers. Une transposition intéressante sur certains points, avec notamment une très belle photographie signée par Dylan Macleod et son équipe, offrant une tonalité assez froide et sur laquelle la luminosité des costumes vient s’écraser avec un bel effet. On a un côté parodique parfois trop surjoué par un Antony Starr que l’on a connu plus renversant (le shérif dans Banshee, c’est lui!!!), et une team de Boys qui correspond visuellement à leurs homologues de papier mais sans prendre trop de relief. Le coup de la réinterprétation de Hughie, qui dans les comics était « incarné » par Simon Pegg, est toutefois bien joué!
On va donc suivre cette fameuse équipe des Sept, sponsorisée par Vought Corporation, et dont les activités sont surveillées par un groupe d’humains lambdas regroupés sous le nom de The Boys. La critique commerciale et politique est savoureuse, avec notamment les publicités vantant les mérites des super-héros de la firme, où les discours qui manquent totalement de sincérité lors des meetings. La représentante de Vought est constamment en train d’analyser les chiffres de vente des produits dérivés et les côtes de ses protégés, et cet aspect politique et médiatique est franchement bien fait. Mais là où on nous vendait du super-héros bien retors, on a droit à des moments bien trop sages pour que l’on s’intéresse vraiment à leurs déviances. C’est notamment le cas pour l’Homme-Poisson, personnage à l’écriture trop facile pour que l’on s’accroche vraiment, et pourtant l’acteur Chace Crawford se débrouille bien avec une marge de manoeuvre limitée. Le coup de l’orgie super-héroïque est tellement soft comparée à son équivalent papier, le fameux Hérogasme! On pense aussi à la première nuit de Hughie et de sa copine super-héroïque en version papier, avec une particularité qui n’est ici même pas évoquée…
On aura pourtant une scène bien perturbante avec un crash d’avion, qui va accentuer l’aspect dramatique du show. Et ce sont bien les 3 derniers épisodes (6-7-8) qui vont encore aller dans ce sens et qui vont enfin solidifier une intrigue aux potentialités explosives. Là où l’on pensait que le délire parodique primerait, c’est dans la folie des grandeurs et l’inquiétante toute-puissance de ces êtres que l’on ressent des émotions plus intenses. Le Protecteur est un individu aux pouvoirs démesurés, capable de pulvériser un bataillon d’un regard, et ses variations d’humeur en font une sorte de Sentry bi-polaire bien dangereux! Du coup, le jeu d’Antony Starr revêt quelques particules bien angoissantes sous son masque de héros blond américain si lisse, et les craquèlements dans sa stature et dans son égo laissent place à des failles très inquiétantes.
L’acteur israélien Tomer Capon est l’un de ceux donnant le plus de relief à son personnage, et il fait du Français un des Boys les plus attachants, avec sa propension à étayer les situations de ses expériences passées et son amour des femmes. Karl Urban campe un Billy Butcher plus vrai que nature, mais donc souvent monolithique, ce dont il a en même temps l’habitude, lui qui a joué le Juge dans Dredd. Erin Moriarty est excellente dans le rôle de cette jeune campagnarde entraînée depuis sa petite enfance par sa mère pour devenir une super-héroïne reconnue, et elle traîne avec elle une naïveté mignonne et qui va la desservir à plusieurs moments. Elle est le chaînon manquant entre les humains et les supers, celle qui est respectueuse du travail des petites gens et qui n’est pas encore grisée par le luxe et la célébrité. Ses réactions vont d’ailleurs faire grincer les rouages de la machine Vought à plusieurs moments…
The Boys propose donc une saison 1 intéressante et qui se bonifie vraiment en fin de parcours, et semble promettre une saison 2 des plus jouissives. Si tant est que les producteurs acceptent de freiner sur certains aspects et d’aller maintenant vraiment à fond dans la proposition!