J’ai découvert le romancier Olivier Norek tout récemment, il m’a aidé à passer un confinement serein ^^ Ma première incursion dans son univers a été l’excellent Entre deux Mondes, qui se voulait une immersion viscérale dans la Jungle de Calais. Un petit électrochoc littéraire qui vous laissait sur le carreau, et j’ai bien évidemment eu envie de découvrir le reste de la bibliographie de cet auteur qui a été lieutenant de police. Son expérience dans la police judiciaire est un atout majeur dans l’élaboration de ses intrigues et dans l’aisance de sa plume, et on sent une vraie sincérité dans le quotidien des flics dont il dépeint l’existence.
Code 93 est son tout premier roman, et prend place dans une réalité qu’il connaît bien, la section des enquêtes et recherches du SDPJ 93, dont il va nous présenter les différentes personnalités qui y travaillent. Dans cette sous-direction de la police judiciaire basée en Seine-Saint-Denis, les délits et les crimes sont quotidiens, mais quand des meurtres à la mise en scène élaborée commencent à fleurir sur le territoire, ça ne plaît pas trop au capitaine Victor Coste. Meneur d’homme en qui son équipe à une totale confiance, capable de jouer avec les aléas politiques tout en respectant ses convictions, Coste est à la fois un solitaire dans la vie civile, mais qui sait pouvoir compter sur une équipe soudée. On a Ronan, le beau gosse prétentieux mais efficace; Sam, le geek qui déteste être sur le terrain, mais dont les qualités techniques sont précieuses; Mathias Aubin, spécialisé dans les logiciels de recherche; et la rookie Johanna De Ritter, fraîchement débarquée de l’école de police.
Ce qui pose un sérieux problème à Coste, ce ne sont pas les meurtres en eux-mêmes, mais les courriers anonymes qu’il reçoit et qui font des liens avec des meurtres précédents. Il déteste être manipulé, et va enquêter afin de savoir d’où viennent ces infos importantes. On va également en apprendre davantage sur son passé, sur sa vie de célibataire endurci, et sur ses maigres tentatives de rapprochement avec Léa Marquant, la médecin-légiste. Si Olivier Norek gère efficacement la partie enquête du roman, il est très à l’aise également dans la psychologie des personnages et nous surprend avec des moments d’émotion inattendus. Il parvient à donner une vraie profondeur à ses personnages, et à Coste en particulier. Ce solitaire limite bourru cache une sensibilité qui a été salement heurtée, et doit vivre avec un passé difficile.
On va aller visiter des caves bien glauques de Seine-Saint-Denis, des entrepôts désaffectés, des quartiers plus rupins, et on va peu à peu faire les liens entre les petites frappes et les plus gros poissons, dans une affaire qui prend des proportions de plus en plus vastes. Olivier Norek va nous confronter au quotidien difficile de flics de banlieue, et on pense pas mal à l’excellent Les Misérables pour la version ciné. Drogue, prostitution, vols, chaque jour voit son lot de misère humaine émerger jusque chez Coste et son équipe, et on sent un mélange de lassitude et de sens du devoir, le seul qui puise faire tenir face à une telle jungle urbaine.
L’équilibre de ce roman tient à un dosage parfait entre violence urbaine, poids du passé, et espoir ténu mais tenace. Norek balance des dialogues vifs et percutants, avec notamment les joutes verbales entre les différents flics. L’arrivée de la jeune Johanna, seule femme du service, va mettre à mal un certain mâle dominant, et on sent la patte très réaliste de l’ensemble, Norek évoquant probablement des situations vécues ou y puisant en tout cas son matériau. Il sait comment aborder chaque caractère, comment créer de l’intérêt aux interactions, et c’est ce qui rend ce bouquin vivant au final. Doublé d’une enquête très intriguante et mené à un excellent rythme, ce Code 93 est une très belle réussite, et je ne vais évidemment pas tarder à enchaîner avec Territoires et Surtensions, les 2 volumes suivants de Coste. Et ensuite, je testerai Surface, son dernier ouvrage!